Face aux effets de la crise, le gouvernement muscle son arsenal pour soutenir l’activité

Afin d’éviter les faillites à répétition, l’exécutif passe à l’offensive : les entreprises pourront reporter le règlement de leurs charges sociales, demander des dégrèvements et recourir au chômage partiel.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

« La progression du coronavirus est inexorable. » Bruno Le Maire a décidé de tirer la sonnette d'alarme face à l'urgence économique. L'économie française pourrait passer sous le seuil des 1 % cette année à cause des conséquences du coronavirus. Le ministre de l'Économie a reconnu récemment que l'épidémie aura « un impact sévère sur la croissance, qui devrait se chiffrer à plusieurs dixièmes de points en 2020 ». La Banque de France a abaissé ses prévisions pour le premier trimestre à 0,1 %, contre 0,3 % lors de de sa première estimation. Chez les économistes de l'OCDE, les projections ne sont guère réjouissantes. L'institution internationale basée à Paris anticipe un PIB à 0,9 % cette année, contre 1,2 % lors de ses précédentes projections. La situation est préoccupante pour beaucoup d'entreprises. « Un certain nombre de secteurs sont très durement touchés et l'impact est parfois violent. Il y a une baisse du chiffre d'affaires de près de 60 % en moyenne chez les traiteurs, de 30 % à 40 % dans l'hôtellerie, de 25 % pour les restaurateurs et des chiffres encore plus forts dans tout le secteur de l'événementiel. Les annulations se font aujourd'hui en cascade », a déclaré Bruno Le Maire. Selon une récente enquête de la CCI Île-de-France, les chefs d'entreprise craignent « une crise économique sans précédent ».  Face au possible risque de récession technique, c'est-à-dire deux trimestres consécutifs de repli de l'activité, le gouvernement a décidé de passer à la vitesse supérieure. Après une matinée avec plus de 50 organisations patronales et représentants de filières lundi 9 mars, le ministre de l'Économie a détaillé sa stratégie. « Nous avons décidé de simplifier et muscler notre réponse économique. Nous devons avoir les dispositifs les plus simples possibles pour les secteurs qui sont en situation critique », a déclaré le locataire de Bercy, sur le pied de guerre après plusieurs réunions sous tension.

Simplification renforcée

L'exécutif mise sur une simplification renforcée des démarches pour les entreprises. « Dans quelques jours, il y aura les prochaines échéances des charges sociales et fiscales pour les entreprises. Toutes celles qui seront confrontées à des difficultés pourront demander le report de ces charges sociales par simple envoi d'un mail. Nous allons demander de pouvoir reporter les charges fiscales de manière la plus simple possible. Nous avons également prévu un dégrèvement pour les impôts directs, au cas par cas, pour les entreprises qui seraient menacées de disparition en raison d'un impact économique du coronavirus», a affirmé Bruno Le Maire.  Pour les entreprises, les capacités à survivre et à rebondir vont dépendre également des possibilités pour reporter certaines prestations. « Je compte sur la solidarité des donneurs privés, des grandes entreprises vis-à-vis de leurs sous-traitants, de toutes les entreprises qui avaient fait des commandes d'événementiel et qui ont été contraintes de les annuler en raison de cette épidémie. Je souhaite qu'elles ne demandent pas le remboursement des arrhes et qu'elles paient la prestation dans toute la mesure du possible, quitte à obtenir un engagement de l'entreprise d'événementiels sur un prochain événement plus tardif », a signalé Bruno Le Maire.

Des réponses pour la trésorerie

Le Médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, rattaché à Bercy, a été sollicité pour étudier le cadre juridique à mettre en place pour l'application du cas de force majeur « dans l'exécution des contrats privés ». Les difficultés de trésorerie inquiètent un grand nombre de chefs d'entreprise. Pour les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) au bord du gouffre, le gouvernement a sollicité les services de Bpifrance, la banque publique d'investissement. « Elle est totalement mobilisée sur tout le territoire pour apporter des réponses de trésorerie aux entreprises qui en auraient besoin avec une garantie de prêts qui seraient portée de 40 % à 70 %. J'ai également demandé à Bpifrance de soutenir non seulement la trésorerie des PME mais aussi celle des entreprises de taille intermédiaire. Nous avons élargi son champ d'action. » Pour l'économiste du CEPII Sébastien Jean, interrogé récemment par La Tribune, cette stratégie est pertinente. « Les mesures les plus efficaces à court terme et les plus indispensables sont celles qui soulagent la trésorerie des entreprises en proposant un différé de paiement des cotisations sociales, en faisant pression sur les banques pour renouveler les crédits par exemple. Mais si la crise se prolonge, cela peut renforcer la fragilité des petites banques. »

Faciliter le chômage partiel

Le dispositif de chômage partiel qui existe en France et a notamment été utilisé à de nombreuses reprises lors de la crise des gilets jaunes va être simplifié et renforcé. « L'activité partielle, ou chômage technique, vise les entreprises qui ne peuvent pas maintenir leur activité à cause du coronavirus. À ce moment-là, le contrat de travail est suspendu, il n'est pas rompu. Les salariés ne deviennent pas demandeur d'emploi. L'entreprise paie 70 % du salaire, et l'État et l'Unedic remboursent aujourd'hui 7,70 euros par heure travaillée. Nous allons monter ce remboursement au niveau du Smic à 8,04 euros. C'est un coût supplémentaire mais ce n'est pas le sujet », a rappelé la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Il y a quelques jours, 900 entreprises avaient sollicité le chômage partiel pour près de 15 000 salariés, ce qui correspond à environ 52 millions d'euros. Face au repli de l'activité pour des milliers de salariés, l'un des leviers mis en avant par le gouvernement est la formation. « Il faut profiter de cette crise pour faire des investissements dans la formation », a particulièrement insisté Muriel Pénicaud. Elle a notamment signalé qu'elle allait mobiliser le Fonds national de l'emploi qui participe entre autres au financement de la formation professionnelle.

FONDS DOTÉ DE 25 MILLIARDS D'EUROS : UN STRESS TEST POUR L'EUROPE

En Europe, le coronavirus a plongé l'économie italienne dans la tourmente depuis que le gouvernement a décidé de mettre en place de fortes mesures restrictives sur l'ensemble du territoire. Déjà fragilisée par une croissance atone, une productivité au ralenti et une dette au sommet, l'Italie doit faire face à un risque d'explosion des faillites de son tissu de PME et une fragilisation accrue de son système bancaire. Face à ces dangers, la Commission européenne (CE) a annoncé qu'elle allait créer un fonds doté de 25 milliards à partir de ressources existantes. Ce « fonds d'investissement en réponse au coronavirus » est destiné aux systèmes de santé, petites entreprises, au marché du travail et aux « secteurs vulnérables de notre économie », a expliqué la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Cette enveloppe pourrait s'avérer largement insuffisante si cette crise sanitaire s'amplifiait. Après la grande crise de 2008, la CE avait annoncé dans un premier temps un plan de relance de 200 milliards d'euros.

En outre, l'exécutif européen a annoncé un assouplissement des règles budgétaires. « Une application flexible des règles de l'UE, en particulier en ce qui concerne les aides d'État et le pacte de stabilité et de croissance, sera nécessaire », a résumé le président du Conseil européen, Charles Michel, au nom des Vingt-Sept. Les hauts responsables européens ont aussi indiqué que la Commission allait coordonner la provision d'équipements de protection personnelle, comme les masques et les respirateurs, alors que la France et l'Allemagne ont été critiquées pour avoir restreint les exportations. Cette crise épidémiologique pourrait être un véritable stress test pour la solidarité européenne déjà fragilisée par la crise des dettes souveraines en zone euro et le départ du Royaume-Un

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 13/03/2020 à 9:44
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Une image rassurante ! Bah allez les gars elle est bonne quand même hein... ^^

à écrit le 12/03/2020 à 15:46
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Sitôt viré, sitôt LR

à écrit le 12/03/2020 à 9:01
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Une image rassurante en cette période chaotique... :-)

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