Les mesures "Gilets jaunes" devraient booster le pouvoir d'achat (des actifs)

Par Grégoire Normand  |   |  1136  mots
Les économistes de l'institut de statistiques anticipent une chute de l'inflation au cours du premier semestre pour atteindre 1% en juin 2019 grâce aux mesures prises par le gouvernement. (Crédits : Jean-Paul Pelissier)
Les mesures annoncées mi-décembre par le gouvernement face au mouvement des gilets jaunes" vont augmenter le pouvoir d'achat des ménages de 0,8% en 2019 en moyenne, selon une étude de l'Institut des politiques publiques (IPP).

Alors que les "gilets jaunes" se préparent à un acte XI prévu ce samedi, les économistes de l'institut des politiques publiques (IPP) ont publié une note mercredi particulièrement éclairante sur l'impact des mesures d'urgence économiques et sociales annoncées par le président de la République le 10 décembre dernier.

Seulement quelques semaines après le début du mouvement social, Emmanuel Macron avait principalement visé les salariés autour du SMIC et les retraités avec des dispositifs rapides à mettre en place. Passées en urgence à la fin de l'année dans le budget 2019, toutes ces mesures devaient servir à apaiser la colère des manifestants. Mais cette stratégie n'a visiblement pas fonctionné au regard du nombre de personnes dans les rues recensées par le ministère de l'Intérieur les samedi suivants. L'exécutif compte désormais sur la mise en oeuvre du grand débat pour calmer la gronde sur les ronds-points.

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Gain moyen de 0,8% de pouvoir d'achat

Après avoir opéré une première simulation des effets sociaux-fiscaux du budget 2019 à l'automne dernier, les experts du centre de recherches ont pris en compte les effets redistributifs des nouvelles mesures qui sont loin d'être négligeables. Au total, l'arsenal devrait entraîner un gain moyen de 0,8 % du revenu disponible en moyenne pour les ménages.

Les annonces du locataire de l'Elysée comprennent notamment l'annulation de la taxe carbone initialement prévue pour 2019, l'élargissement de l'éligibilité au chèque énergie, la revalorisation de la prime d'activité de 90 euros pour les salariés au SMIC, l'annulation de la hausse de la CSG pour les retraités ayant une pension inférieure à 2.000 euros par mois, et la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires. Le total de ces annonces devraient représenter un coût global estimé à 8,3 milliards d'euros d'après des prévisions du gouvernement. A l'Insee, les statisticiens estiment que l'impact global "serait de 0,5 point de revenu disponible brut (RDB, c'est-à-dire les revenus dont disposent les ménages après opérations de redistribution) durant le premier trimestre 2019."

Des effets différenciés

Les résultats des travaux de l'IPP rappellent que tous ces dispositifs ont des répercussions très disparates selon les ménages. L'annulation de l'augmentation de la fiscalité énergétique pour 2019 a valorisé le niveau de l'ensemble des ménages "avec des effets plus importants dans le bas de la distribution du fait de l'extension de l'éligibilité au chèque." Des disparités peuvent apparaître compte tenu des différences de moyens de transport au sein de la population. Du côté de la défiscalisation des heures supplémentaires chères à l'ancien Président de la république Nicolas Sarkozy, les principaux bénéficiaires devraient faire partie des 60% des ménages les plus aisés, avec une hausse moyenne de 0,2% du revenu disponible au sein de cette population.

Pour les retraités, l'annulation de la hausse de la CSG devrait profiter aux foyers faisant partie du milieu de la distribution avec une pension inférieure à 2.000 euros par mois. En revanche, les retraités les plus modestes,"parce que déjà sujets initialement à un taux réduit (ou à une exonération complète) de CSG, ne bénéficient pas de cette mesure."

La revalorisation de la prime d'activité devrait avoir des effets concentrés sur la première moitié de la distribution des niveaux de vie souligne l'organisation rattachée à l'école d'économie de Paris et au Crest. "Néanmoins, cette mesure n'affecte pas les premiers centiles, la bonification individuelle étant ciblée sur les individus rémunérés au moins à la moitié d'un SMIC en équivalent temps plein" expliquent les auteurs.

Les ménages aisés sont les grands gagnants du budget 2019

Outre la prise en compte des mesures d'urgence économiques et sociales, les auteurs de la note ont étudié les effets redistributifs du budget 2019. D'après les simulations opérées, "les actifs sont en moyenne gagnants, quel que soit le centile de niveau de vie (+ 2,3 % de revenu disponible en moyenne)." En revanche, les retraités situés parmi les 20% des ménages les plus aisés sont sollicités," avec une perte moyenne de 3% de leur revenu disponible".

Enfin, les ménages les plus aisés demeurent les grands gagnants du budget voté pour cette année. D'après les projections de l'organisme de recherches, les foyers rattachés aux 1% les plus aisés "voient leur revenu disponible augmenter en moyenne de 6,4 % du fait du remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI)".

Baisse de l'inflation en vue

Ces gains de pouvoir d'achat seraient particulièrement soutenus par une baisse sensible de l'inflation au premier semestre 2019. D'après la dernière note de conjoncture de l'Insee publiée fin décembre, la hausse des prix de l'énergie s'est accélérée au cours du troisième trimestre 2018 avec l'augmentation massive des prix du pétrole qui a dépassé les 80 dollars par baril en septembre.

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Les économistes de l'institut de statistiques anticipent une chute de l'inflation au cours du premier semestre pour atteindre 1% en juin 2019. L'inflation des prix de l'énergie serait en perte de vitesse. En revanche, l'inflation sous-jacente (c'est à dire sans les prix de l'énergie,des produits frais et les tarifs publics) devrait augmenter d'ici juin 2019 de 1,2% sur un an.

Une croissance au ralenti

En dépit de ces mesures en faveur du porte-monnaie des Français, la croissance manque de ressorts en ce début d'année. Selon le dernier communiqué publié par le cabinet Markit ce jeudi, l'activité du secteur privé en France est tombée en janvier à son plus bas niveau depuis plus de quatre ans, en raison d'un fort repli dans le secteur des services. Les économistes restent cependant prudents sur l'impact économique lié aux mobilisations des "gilets jaunes":

"Malgré la poursuite du mouvement des gilets jaunes, il est difficile d'établir si la faiblesse des dernières données PMI reflète les perturbations liées aux manifestations ou si les prévisions d'un ralentissement économique mondial en 2019 sont déjà en train de se réaliser."

Les dernières données de Markit pour la zone euro signalent un nouveau ralentissement de la croissance en janvier, "qui affiche un niveau de plus en plus proche de la stagnation". Et la plupart des grandes institutions internationales anticipent un essoufflement de la croissance mondiale cette année.

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