Grèves : une intensité en fort repli sur 10 ans

[Graphiques] Selon une étude de la Dares, les grèves étaient en légère baisse en 2015 et duraient moins longtemps. Ce léger repli masque une vraie tendance au fléchissement des grèves et débrayages depuis 10 ans.
Grégoire Normand
Des étudiants accompagnés des syndicats de salariés du secteur public ont manifesté ce mardi 10 octobre à Nantes.

Les mouvements de grève perdent de leur vigueur en France. Alors que les fonctionnaires sont en grève ce mardi 10 octobre, le ministère du Travail (Dares) vient de publier une étude(*) qui indique que le nombre de salariés impliqués dans des mouvements de grève ou débrayages et la durée des mouvements ont légèrement diminué en 2015. Sur les dix dernières années, la plupart des indicateurs statistiques illustrent un vrai ralentissement des conflits sociaux liés au travail.

grèves fonctionnaires

Des fonctionnaires ont défilé à Nantes contre la politique du gouvernement Philippe à Nantes ce mardi 10 octobre. (Crédits : Stephane Mahe/Reuters.)

Le nombre de jours de grève en baisse

Selon les données de la Dares, le nombre de journées individuelles non travaillées (JINT)  s'établit à 69 pour 1.000 salariés en 2015 et diminue de 12 jours par rapport à 2014 après une augmentation continue de 2012 à 2014. On est donc bien loin du pic de 2010 à 318 jours pour 1.000 salariés et de la moyenne annuelle située à 120 jours pour 1.000. Il y a également une vraie rupture entre la période 2005/2010 et 2010/2015 en termes de journées de grève. Sur les cinq dernières années étudiées, aucune ne dépasse les 100 jours pour 1.000 par année.

Par ailleurs, 1,3 % des entreprises ont connu au moins une grève dans l'entreprise ou l'un de ses établissements en 2015. Un chiffre qui demeure relativement stable depuis 2012 et reste bien inférieur aux taux rencontrés sur la période 2005/2010 ou la moyenne décennale (1,9%).

Comme en 2014, les grèves ont été principalement motivées par les rémunérations (53%, en baisse de 2 points), les conditions de travail (18%, -1 pt) et l'emploi (17%, +2 pts). Mais celles liées au temps de travail "augmentent fortement" pour atteindre 16% en 2015 (+7 pts), d'après le service statistique du ministère du Travail.

> Lire aussi : Temps de travail : des effets de la loi Macron ressentis dès 2015... sur les grèves

Des conflits variables en fonction des secteurs

Les conflits recensés par les experts du ministère du Travail varient beaucoup en fonction des secteur. Au sein du secteur des services, 1,2 % des entreprises des services ont connu au moins une grève en 2015, contre 1,7 % l'année précédente. Le nombre de JINT est de 25 jours pour 1.000 salariés, ce qui constitue une très légère augmentation par rapport à 2014 mais cela reste bien inférieur à la moyenne générale.  Dans le commerce, les conflits sont moins intenses. "La proportion d'entreprises ayant connu au moins une grève est de 0,8 %, soit une proportion quasiment identique à l'année précédente (0,7 %) [...] le nombre de JINT de ce secteur a diminué d'un tiers de 2014 à 2015, passant de 147 jours à 98 jours pour 1.000 salariés."

Au sein du secteur du commerce,  les entreprises de transports sont celles qui connaissent le plus de grèves collectives ou de débrayages. "2,9 % d'entre elles ont déclaré au moins une grève en 2015." En revanche, le nombre de jours de grève pour 1.000 salariés a significativement diminué, passant de 419 à 258 jours , "ce qui représente un niveau de conflictualité plus bas qu'habituellement dans ce secteur". Outre les mouvements de la RATP, la Dares rappelle que de nombreuses grèves dans les transports urbains ont mobilisé les salariés, notamment dans les villes de Toulouse, Bordeaux, Lyon, Lille, Montpellier, Rouen, Brest, Dijon.

Après les transports, l'industrie est repassée devant le commerce au niveau du nombre de grèves pour 1.000 salariés. "En 2015, 3,3 % des entreprises ont connu au moins une grève dans l'industrie. Cette proportion, identique à celle de 2014 (tableau 1), reste plus élevée dans ce secteur que dans les autres."

Une conflictualité liée à l'intensité du dialogue social

Les raisons qui expliquent une baisse de l'intensité des grèves ces dix dernières années sont complexes à appréhender. Il semble néanmoins que la présence d'acteurs du dialogue social au sein des entreprise peut avoir des conséquences sur l'ampleur des mouvements de grève et des débrayages.

"La présence et les moyens d'action des institutions de représentation du personnel conditionnent en grande partie la négociation collective et les arrêts collectifs de travail dans les entreprises, qui sont les principaux moyens d'interactions formalisés avec la direction des entreprises."

Les grèves peuvent être ainsi un outil pour peser sur les négociations collectives et à l'inverse, une négociation peut entraîner des arrêts collectifs de travail. Dans une autre étude, parue ce 10 octobre, les auteurs de la Dares soulignent :

"89 % des entreprises déclarant une grève en 2015 ont engagé des négociations d'entreprise, d'établissement  la même année, contre 13 % de celles qui n'en ont mentionné aucune."

Les statisticiens du ministère du Travail notent également que la présence d'un délégué syndical a augmenté la probabilité d'avoir connu une grève en 2015. Par ailleurs, des spécialistes des ressources humaines comme Hubert Landier et François Geuze évoquent "la peur du chômage, la perte d'influence du syndicalisme sous ses formes traditionnelles ou encore le comportement plus individualiste des jeunes salariés comme des raisons susceptibles d'expliquer une baisse des conflits du travail". Mais la plupart des spécialistes invitent à la prudence lorsqu'il s'agit d'interpréter les facteurs de baisse des mouvements de grève.

 > Lire aussi : Unité syndicale... c'est raté sauf chez les fonctionnaires

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(*)L'enquête ACEMO porte sur un échantillon d'environ 15.000 entreprises, représentatif des 200.000 entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole en France métropolitaine, qui emploient environ 12,5 millions de salariés. L'ensemble des entreprises du transport, de l'énergie et des télécommunications en font partie. Sont notamment incluses les entreprises du secteur public et les grandes entreprises nationales: EDF, Engie, SNCF, RATP, Orange et La Poste.

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 11/10/2017 à 13:36
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Les gens, et notamment les fonctionnaires, préfèrent les jours de maladie (payés) aux jours de grève (non payés)... jusqu'au moment où les arrêts maladie feront l'objet de restrictions. Ce jour-là, mais il sera trop tard, les profiteurs s'apercevront...

à écrit le 11/10/2017 à 9:29
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En parlant de greve : C’est ce qui s’appelle un beau télescopage. Angélique Girard, la directrice de la relation abonnés de Free a été décorée mardi dernier, énorme hasard de calendrier, de la médaille de l’Ordre national du Mérite au rang de chev...

à écrit le 11/10/2017 à 7:53
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Cela fait bien plus de 10 ans que l'on proteste sur des conséquences alors que les causes en sont notre appartenance a cette zone administrative qu'est l'UE de Bruxelles! Il faut ouvrir les yeux et éviter la politique de l'autruche!

à écrit le 10/10/2017 à 18:46
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Cachez cette année 2016 que je ne saurais voir ! Et si on prend en compte le mouvement contre la loi travail en 2016, ça donne quoi ? Une baisse de " l'intensité de la conflictualité sociale" ? Je propose aux staticiens de la DARES et à la Trib...

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