L'argument de la dette, ou comment occulter les dérives de la finance

L'Etat trop dépensier serait le grand responsable des maux actuels de l'Economie française, selon le gouverneur de la Banque de France. De manière étrange, il occulte la dernière crise financière...
Mathias Thépot
Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a-t-il raison de résumer les maux de l'économie française au poids trop lourd de l'Etat?

La dette, c'est la faute de l'Etat. C'est pourquoi, celui-ci doit avant tout balayer devant sa porte et prendre les réformes structurelles nécessaires pour rééquilibrer ses comptes publics. C'est en substance l'argumentaire développé ce mardi en conférence de presse par le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer qui, à l'approche de la fin de son mandat à la tête de l'institution, à la parole publique de plus en plus libre.

« Nous avons hérité à la fin des années 1960 d'une nation en croissance, peu endettée, offrant le plein emploi. Mais, à cause de notre choix d'un Etat toujours plus lourd, plus dépensier, nous laissons à nos enfants, qui prendront leur retraite à 65 ou 67 ans, un pays endetté, un niveau de chômage insupportable et un potentiel de croissance plus faible que jamais. C'est avec ce constat en tête que nous portons aujourd'hui les réformes dont notre pays a besoin », a-t-il expliqué.

Et la crise financière ?

Au nom de la dette, l'État, unique responsable de ses maux, doit se réformer. Ce constat du gouverneur de la banque de France est-il juste et exhaustif ? Clairement non. Il pose même une question de fond : comment un banquier central aux affaires avant, pendant et après la crise financière de 2008 peut-il occulter le rôle de l'instabilité financière dans l'endettement public français ? Certes, les banques renflouées par l'Etat après la crise ont toutes remboursées leur prêt. Mais la crise bancaire de 2009 fut réelle. Elle a entraîné une profonde récession dans tous les pays, France y compris, ce qui a affaibli les recettes de l'État et l'a contraint à lancer un large plan de relance. Il n'est pas contestable que l'État français a été obligé de s'employer pour maintenir à flot une économie à la dérive : entre 2008 et 2010, la dette française ainsi a crû de plus de 14 points de PIB à 82% et le déficit a atteint plus de 7% durant deux années successives. Depuis 2008, la dette augmente de manière accélérée et représente désormais 95% du PIB en 2014.

Un État plus lourd depuis les trente glorieuses?

Toutefois, la crise financière est loin d'être la seule raison au niveau important de la dette publique. Entre 1980 et 2007, la dette publique française avait déjà grimpé d'un peu moins de 20 % du PIB à 64,2 %. Mais affirmer que cet état de fait est dû à un État toujours plus lourd semble bien simplificateur. D'autant que depuis la fin des « trente glorieuses (1945-1973) », plusieurs vagues de privatisations ont été menées et, surtout, les marchés financiers ont été libéralisés par plusieurs gouvernements successifs. Durant les années 80-90, il a notamment été acté la fin de l'encadrement du crédit, l'unification des marchés des capitaux, ou les premières fusions entre de banque de détail et de banque d'affaires.

Pis encore, à partir des années 1980, l'Etat a augmenté sa part de refinancement sur les marchés financiers « à des taux d'intérêt bien supérieurs à la croissance, entrainant un effet boule de neige sur la dette », explique Nicolas Sansu, député PCF du Cher et rapporteur d'une proposition de résolution européenne sur la dette. Il ajoute que « plusieurs rapports ont démontré qu'à la fin des années 90, la dette avait crû de douze points de PIB de manière illégitime » à cause de ce nouveau moyen de refinancement.

Trop de réductions fiscales aux plus riches?

Par ailleurs, si l'impact sur la dette des politiques de dépenses publiques non maitrisées engagées au début des années 1980 n'est pas à minimiser, un mouvement général de réduction des impôts des plus riches a lui aussi joué un rôle important, selon le député. Il a été initié au début des années 2000 par Laurent Fabius qui a abaissé la plus haute tranche de l'impôt sur le revenu, et fut poursuivi par les gouvernements suivants de droite, avec notamment avec la fameuse loi TEPA de Nicolas Sarkozy et son bouclier fiscal. « D'après un rapport du député Gilles Carrez (UMP) en 2010, les baisses d'impôts sur le revenu représentaient environ la moitié des diminutions d'impôts d'État entre 2000 et 2009 et leur impact sur le budget général de l'État en 2009 serait compris entre 33 et 41,5 milliards d'euros, soit entre 1,7 et 2,2 % de PIB », explique Nicolas Sansu dans son rapport.

Bref, pour le député du Cher, « au total, l'effet boule de neige et la politique fiscale favorable aux plus aisés » équivaut aujourd'hui à « 600 milliards d'euros de dette pour l'Etat, soit 30 % du PIB ! ».
L'endettement Français ne peut pas se résumer à la simple hausse de la dépense publique depuis 40 ans. Réduire à cela l'héritage laissé aux générations futures confine me^me à une absence de pragmatisme. Or le pragmatisme, c'est la raison d'être des banquiers centraux indépendants. Car si l'on a séparé la régulation de la création monétaire du champ de l'action publique, c'était pour que des professionnels de la politique n'utilisent pas le levier monétaire au détriment de l'intérêt général dans le seul but de remporter une élection. Et pour que des techniciens garantissent de leur côté la stabilité du système financier.

Des banquiers centraux pragmatiques ?

Mais les banquiers centraux se sont convertis à une idéologie, celle du monétariste, c'est à dire « à l'idée qu'une cible d'inflation faible et clairement annoncée leur permettrait d'atteindre de manière plus efficace leur objectif de stabilité du pouvoir d'achat de la monnaie dans le temps », explique l'économiste du Cepii Christophe Destais.

Endormis par cette posture, les banquiers centraux ont manqué de vigilance « quant aux risques d'instabilité financière liés à l'excès d'endettement ou de prises de risque des agents économiques, en particulier dans le secteur financier », ajoute-t-il. Est-ainsi arrivé la crise financière de 2008... « Il est donc désormais clair qu'il n'y a pas d'étanchéité entre les décisions prises par les banques centrales et les risques financiers garantis par l'Etat. (...) Le fond du débat est celui du partage de l'autorité publique entre les techniciens et les élus dans une démocratie », explique-t-il.

Christian Noyer, lui, est un farouche défenseur de l'indépendance des banquiers centraux. Il a même déterminé l'indépendance comme la qualité principale que devra avoir son successeur. Cela tombe bien, le grand favori pour lui succéder à la fin de l'année est François Villeroy De Galhau, qui a occupé entre 2003 et avril 2015 des fonctions à la direction de la plus grande banque française,  BNP Paribas. Que celui-ci sera indépendant vis-à-vis de l'Etat, on peut le croire, mais vis-à-vis des banques... c'est plus dur.

Mathias Thépot
Commentaires 25
à écrit le 13/05/2015 à 13:20
Signaler
Mathias Thépot utilise les chiffres bidons de l'extrême gauche sur la dette. Depuis 30 ans, il n’y a eu aucune baisse de l’impôt sur le revenu et le patrimoine, bien au contraire. Ce sont les chiffres de l’INSEE qui le prouvent. L’impôt sur le ...

à écrit le 11/05/2015 à 19:57
Signaler
Réformer l'état ne suffira pas pour espérer diminuer de façon significative la dette de la France. Bien entendu la réforme portant sur son coût de fonctionnement reste indispensable. Mais nous devons de façon significative investir dans les énergies ...

à écrit le 11/05/2015 à 18:26
Signaler
"Si l'on a séparé la régulation de la création monétaire du champ de l'action publique, c'était pour que des professionnels de la politique n'utilisent pas le levier monétaire au détriment de l'intérêt général dans le seul but de remporter une électi...

à écrit le 11/05/2015 à 18:23
Signaler
question : à quoi sert la Banque de France ?

à écrit le 11/05/2015 à 17:27
Signaler
Le futur Gouverneur de la BDF est un protégé du Secrétaire Général de Hollande (Joyet) et de plus issu d'une grande banque Française. Ses parrains sont bien bon. En fait, il y a bien trop de banques en France. Elles ont perdu leur rôle de "démarreur"...

à écrit le 11/05/2015 à 16:22
Signaler
Rien ni personne ne pourra infléchir la trajectoire implacable de notre hyper-Titanic. Le paquebot est trop lourd, trop grand, impossible à manœuvrer sur une courte distance et glisse trop vite sur l’arête d’un iceberg écologique qui déchire déjà son...

à écrit le 11/05/2015 à 13:51
Signaler
On dit que les banques ont rembourser leurs emprunts... C'est totalement faux!!!! ils ont certes rembourser l'argent que l'état leur avait prété mais les conséquences liée a la crise des subprimes n'ont jamais été évaluer ni rembourser.... Elles con...

à écrit le 11/05/2015 à 9:52
Signaler
Entièrement d'accord avec votre analyse....exception faite de la France qui elle avait un budget structurellement déficitaire bien avant la crise. Après je vous rejoins sur le bon dosage de l'austérité. Une austérité trop brutale conduit à casser le ...

le 11/05/2015 à 11:29
Signaler
Il ne s'agit pas de faire de l'austérité mais de consacrer les dépenses publiques au bien être d'une majorité de la population et d'investir dans des secteurs d'avenir permettant d'assurer un minimum de compétitivité. Or une grande part des dépenses...

à écrit le 11/05/2015 à 9:18
Signaler
DEPENSES PUBLIQUES FRANCE SUR PIB 1993 : 54,8% EN ALLEMAGNE 48,1% DEPENSES PUBLIQUES FRANCE SUR PIB 2014: 57,2% EN ALLEMAGNE 43,9% LES DERIVES DE LA FINANCE UN MAL FRANCO FRANCAIS ?????

le 13/05/2015 à 13:33
Signaler
@LIVESTRONG1002 L'INSEE vient juste de publier les chiffres de 2014 : Dépenses publiques : 57,5% du PIB, record de la 5ème République Prélèvements obligatoires : 44,9% du PIB, record de la 5ème République Si après cela, il y a encore des ...

à écrit le 11/05/2015 à 8:47
Signaler
Et si nous n'avions pas encore purgé la crise de 2008 ? Les banques n'ont pas été très claires sur leurs pertes et de toute façon elles prennent autant de risques qu'avant, sinon plus. Les décisions prises pendant la crise, uniquement à leur avantage...

à écrit le 10/05/2015 à 22:35
Signaler
Coquille "impôts des plus riches a lui aussi jouer un rôle important" joué

le 11/05/2015 à 11:22
Signaler
"Le fonds du débat" -> fond m^eme ça commence à faire beaucoup dans un seul article !

à écrit le 10/05/2015 à 18:33
Signaler
De 2008 à 2011, la BCE à acquis, aux frais du contribuable, pour l'équivalent de 37% du PIB européen de 2011 en Junk-bonds... Je ne vois pas le rapport avec un état "omnipotent"...

à écrit le 10/05/2015 à 16:01
Signaler
Il aurait mieux été , que certaines banques tombent en banqueroute car il y en a trop sur le territoire cela aurait été plus juste vu que le mal est venu de leurs placements hasardeux l'économie serait repartie dès 2008 sans prendre en otage la soci...

le 11/05/2015 à 13:54
Signaler
Bien vu, Mimile. Vous avez le même raisonnement de soros, devenu milliardaire en faisant couler, et donc sortir du SME, la livre sterling. Soros a en effet dit en début 2009, qu'il aurait mieux valu que les banques fassent faillite afin que les "peup...

à écrit le 10/05/2015 à 12:30
Signaler
Dans l'article je relève " les banques ont remboursé leurs dettes envers l'état " mais ce n'est pas pour ça que le phénomène de la crise a disparu . Les banques ont pris l'argents en facturant plus fort les services à leurs clients d'où l'accroisseme...

le 11/05/2015 à 16:40
Signaler
c'est le changement du franc a l'euro qui a multiplier par 6 la dette de la France avec une crise de la Grèce par la dessus finalement il faudrait revenir au franc se qui ferait une monnaie moins forte la on aurai plus d'argent dans le porte feuille.

à écrit le 10/05/2015 à 11:57
Signaler
C Noyer a raison et le journaliste veux démonter le contraire. Si C N ne parle pas de la crise de 2008 c'est parce que tous les états ont eu le même problème . Ce n'est pas en réduisant l'impôt sur les riches que l'état à augmenter sa dette mais par...

le 10/05/2015 à 13:14
Signaler
Si tous les Etats ont eu le même problème, c'est parce qu'ils ont du venir au secours d'un système bancaire en faillite. Cela n'a rien à voir avec "une volonté assume par nos énarques d'un état omnipotent". Pour les chiffres, je vous laisse chercher ...

le 10/05/2015 à 15:45
Signaler
une nationalisation de la dette privee en France? j'ai beau chercher je vois pas je dois etre bete!

le 10/05/2015 à 22:08
Signaler
Déjà il faut retourner à l'école apprendre à écrire, après on passera à la réflexion, mais seulement après.

le 10/05/2015 à 22:21
Signaler
bon ok je t’écoute c'est quoi tes chiffres sur la dette ? ah c'est vrai! toi tu as un problème avec les chiffres (comme tout bon socialo) 1+1:?

le 10/05/2015 à 22:27
Signaler
http://www.dailymotion.com/video/x1reuob_pierre-yves-rougeyron-meta-tv-les-nouveaux-economistes-partie-1-4_news P-Y Rougeyron : pff.....!!!! consternant

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.