
Par définition, l'inflation fait monter les prix mais pas que... Mécaniquement, elle fait aussi gonfler les recettes fiscales. En témoignent, les documents budgétaires comme le rapport économique, social, et financier ( RESF), publié dans le cadre de l'examen du budget 2023.
En juillet dernier, le gouvernement avait déjà fait part de sa satisfaction de voir 50 milliards de recettes publiques en plus grâce à la reprise, mais aussi à l'inflation. Ce "super profit fiscal" bienvenu provenait d'un surplus d'impôts sur les sociétés, mais aussi d'impôts sur le revenu... Près de 5 milliards d'euros supplémentaires étaient aussi issus du paiement de la TVA sur des prix plus élevés.
Plus de 60 milliards de recettes estimées en 2022
Selon la fondation Ifrap, les recettes publiques supplémentaires liées directement à l'inflation devraient atteindre sans mal, cette année, plus de 60 milliards d'euros, par apport aux prévisions initiales, votées dans le PLF 2022.
C'est la Sécurité sociale qui bénéficiera le plus de cette cagnotte, puisqu'elle récupèrera cette année 45 milliards d'euros supplémentaires, via les cotisations salariales notamment. Rien qu'au premier semestre 2022, par exemple, la masse salariale a augmenté de 11%. Plus de monde qui travaille et qui cotise, cela signifie plus d'argent dans les caisses. Idem, lorsque les salaires augmentent - même moins que l'inflation-, les cotisations sociales suivent cette progression.
Derrière la Sécurité sociale, l'Etat se positionne avec 34 milliards de plus de recettes fiscales directement liées à l'inflation, puis les collectivités locales avec 8 milliards d'euros de plus. L'Etat, en effet, profite des recettes nettes de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutes administrations publiques confondues, à fin juillet, ces recettes s'élèvent à 119 milliards d'euros - pour un semestre - ce qui représente une hausse de 12 milliards d'euros par rapport à 2021. L'Etat engrange aussi d'importants gains via l'impôt sur les sociétés ou même l'impôt sur le revenu.
Alors que le dernier trimestre 2022 n'est pas encore achevé, la récolte fiscale pourrait même être encore supérieure puisque ces calculs se basent sur l'hypothèse du gouvernement d'une inflation à 5,4 %. Or, en cette fin d'année, la France dépasse déjà nettement ce niveau de hausse des prix. Cet été, l'inflation était déjà à plus de 6% sur un an.
L'Etat est-il durablement gagnant ?
Ce "surprofit" fiscal est-il pérenne, c'est toute la question. Selon François Ecalle, du site Fipeco, "pas sûr ! en tout cas pas à long terme... car s'il y a certes un effet recettes, au début, il y a vite en face un effet dépenses.... car l'Etat reverse beaucoup de prestations sociales pour aider justement les ménages à faire face à l'inflation". Entre les chèques fioul, énergie, remise à la pompe, indemnité inflation et autres boucliers tarifaires..., sans oublier les soutiens aux entreprises et aux collectivités locales, au total, ce sont des milliards d'euros qui sont réinjectés dans l'économie. Une note du Haut conseil des finances publiques, intitulée "En 2022, la hausse de l'inflation augmente le ratio de dette publique rapporté au PIB", publié en septembre dernier, étaye cette thèse.
Tout comme le note d'Agnès Benassy-Quéré, l'économiste de la direction du Trésor à Bercy : "lorsque les prix montent, les recettes fiscales, peuvent augmenter plus vite que les dépenses. Par exemple, en cas de hausse des prix à la consommation, les recettes de TVA augmentent mécaniquement pour un volume donné de consommation", écrit l'économiste. Avant d'ajouter : "certaines dépenses publiques sont aussi indexées sur l'inflation : retraite, allocations familiales, allocations logement etc... chaque point d'inflation augmente donc automatiquement les dépenses sociales. A court terme, l'inflation peut donc réduire le déficit public mais l'effet est amené à se dissiper".
Quel impact sur les comptes publics en 2023 ?
L'inflation va probablement se poursuivre, au moins au premier semestre de l'année prochaine. En revanche, l'activité risque de marquer sérieusement le pas. L'Etat devrait donc voir la hausse de ses recettes fiscales ralentir. La consommation risque de fléchir, ce qui limitera les rentrées de TVA par exemple...
En revanche, il continuera à prendre des mesures pour aider les ménages, même s'il promet qu'elles seront plus ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin. Il prévoit aussi d'aider les entreprises, les plus exposées à la flambée des prix de l'énergie. Surtout alors que les tarifs de l'énergie ne devraient pas baisser en 2023.
Selon Agnès Benassy-Quéré, du Trésor, l'origine de la hausse des prix a aussi une importance pour comprendre son impact sur les comptes publics. Le problème de notre inflation est qu'elle provient d'un renchérissement des prix des énergies et des matières premières importées. En conséquence, c'est notre économie qui s'appauvrit car le PIB, l'emploi et la consommation sont affectés. Le risque en 2023, c'est donc que ce renchérissement des importations soit durable et que rapidement, l'Etat ne conserve que les mauvais côtés de l'inflation : plus de dépenses et moins de croissance... Sans compter la hausse des taux, qui va alourdir les charges de la dette...
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