La crise de l'énergie pèse sur l'investissement des entreprises

La flambée des prix de l'énergie continue de chambouler les projets d'investissement des entreprises en France. Selon le dernier baromètre BPI-Rexecode, 49% des dirigeants interrogés comptent investir ou ont investi en 2022 contre 59% un an auparavant. L'incertitude géopolitique et l'inflation persistante empêchent les dirigeants d'avoir de la visibilité.
Grégoire Normand
Dans les TPE, la crise de l'énergie fait grimper les factures en flèche.
Dans les TPE, la crise de l'énergie fait grimper les factures en flèche. (Crédits : Reuters)

L'hiver s'annonce rigoureux pour l'économie tricolore. Neuf mois après l'éclatement du conflit en Ukraine, la perspective d'un apaisement des tensions à court terme n'est pas pour demain. La guerre continue d'entraîner des pénuries partout sur la planète et la crise énergétique ne va pas retomber à l'approche de l'hiver. Les besoins en énergie vont probablement bondir alors que les soubresauts des marchés énergétiques et ceux des matières premières font trembler les dirigeants. En Europe, le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) risque de porter un coup sévère à l'activité dans les semaines à venir.

Dans ce contexte troublé, l'angoisse continue de monter chez les dirigeants des PME et des TPE tricolores. Selon le dernier baromètre trimestriel BPI France/ Rexecode dévoilé ce mardi 16 novembre, de plus en plus de dirigeants d'entreprises s'inquiètent de l'évolution de la trésorerie de leur entreprise. Environ un tiers (32%) des entreprises redoutent une poursuite de la dégradation de leur comptabilité dans les trois prochains mois. C'est deux points de plus que lors du troisième trimestre.

« Depuis fin 2021, la trésorerie des entreprises s'est dégradée et ce phénomène devrait se poursuivre. Après avoir atteint un point haut, elle est attendue en baisse sur les six prochains mois, a déclaré Philippe Mutricy, directeur des études chez BPI. L'inflation, les difficultés d'approvisionnement et la crise énergétique vont continuer de peser sur la trésorerie des entreprises. Les dirigeants estiment que les difficultés d'approvisionnement vont persister pendant un an. On a passé le pire sur les difficultés d'approvisionnement mais elles devraient se prolonger d'ici à 2023 »,a-t-il poursuivi.

Les intentions d'investissement en net repli

La guerre en Ukraine a provoqué un électrochoc sur l'économie européenne et les perspectives macroéconomiques. En seulement quelques jours, les espoirs d'une reprise économique solide et durable post-pandémie ont été anéantis par l'éclatement de ce conflit aux portes de l'Europe. Après avoir atteint un pic au quatrième trimestre 2021 (59%), la proportion de chefs d'entreprise souhaitant investir dans l'année en cours ne cesse de dégringoler.

Au dernier trimestre, les patrons de PME et TPE sont désormais 49% à déclarer qu'ils ont investi ou vont investir en 2022. C'est 10 points de moins qu'il y an. A l'exception de la première période de pandémie en 2020, il s'agit du point le plus bas depuis le début de l'année 2019. D'après de récents chiffres de la Banque de France, l'investissement des entreprises devrait nettement marquer le pas en 2022 (+1,8% contre +12% l'année dernière dans le contexte de la reprise post-pandémie).

Forte dynamique des intentions d'investissement dans l'énergie et l'environnement

La crise énergétique et le réchauffement climatique ont jeté une lumière sur l'extrême dépendance de l'énergie européenne aux énergies fossiles en général et au gaz russe en particulier. Face à l'explosion des coûts, de plus en plus d'entreprises disent vouloir orienter leurs dépenses d'investissement vers le secteur de l'environnement (économie d'énergie, recyclage). Elles sont 39% au dernier trimestre dans ce cas de figure, soit un ratio bien supérieur à la moyenne de la période 2017-2021 (25%).

Outre cette dynamique, le conflit semble avoir provoqué un chamboulement dans l'ordre de priorités des investissements. Ces trois dernières années, un quart des entreprises interrogées ont réalisé des investissements « verts ». Ces investissements ont concerné avant tout les systèmes de tri des déchets et le recyclage (61%), le changement du parc automobile (43%) et l'achat d'équipements de production plus performants énergétiquement. « La contrainte énergétique devient de plus en plus importante. Le motif d'investissement dans l'environnement et les économies d'énergie a doublé. Depuis la crise Covid, la dimension énergétique est en train de changer les choix d'investissement dans les entreprises », a expliqué Philippe Mutricy.

L'isolation des bâtiments n'arrive qu'en quatrième position (20%). Lors des trois prochaines années, les entreprises affirment qu'elles veulent en premier lieu (44%) changer de parc automobile. Viennent ensuite l'achat d'équipements plus performants (43%) et l'isolation des bâtiments (29%). Interrogés sur les raisons qui les poussent à investir dans ce sens, les dirigeants évoquent avant tout une sensibilité personnelle (65%). Ils évoquent ensuite la volonté de valoriser l'image de leur entreprise (51%) ou de réduire les coûts de production (37%). En revanche, ils ne sont que 21% à affirmer qu'ils le font pour mise en conformité.

76% des entreprises envisagent ou ont réalisé des hausses de salaire en 2022 mais inférieures à l'inflation

 La hausse du coût de la vie frappe de plein fouet des millions de Français particulièrement dépendants des carburants pour se déplacer et du gaz pour se chauffer. Face à cette inflation toujours galopante, 76% des entreprises ont augmenté ou prévoient d'augmenter les salaires en 2022. Il s'agit d'un bond important par rapport à septembre (+15 points) et février (+26 points).

En dépit de ces hausses, le pouvoir d'achat des salariés devrait continuer à baisser. En effet, les augmentations en 2022 dans les PME (3,9%) demeurent à un niveau inférieur à l'indice des prix à la consommation. La Banque de France table sur une inflation à 5,8% cette année.

(*) Méthode : enquête réalisée entre le 17 et le 27 octobre 2022 sur la base d'un questionnaire diffusé par voie numérique auprès de 2.164 PME/TPE des secteurs marchands non agricoles de 1 à 249 salariés et réalisant moins de 50 millions de chiffre d'affaires.

Grégoire Normand
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