« La France doit sortir du « quoi qu'il en coûte » et de la politique du chéquier » (Moscovici)

Par latribune.fr  |   |  962  mots
« Sans austérité ni coups de rabot, mais en soulevant le capot des politiques publiques pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Ce n'est pas notre culture : changeons-en ! » exhorte le Sage de la rue Cambon. (Crédits : JOHANNA GERON)
Au lendemain du maintien de la note de la France par l'agence de notation S&P Global, le premier président de la Cour des Comptes multiplie les propositions pour tenter de juguler la dette. Bruno Le Maire lui répond.

« Un signal positif ». C'est avec cette expression qu'a réagi dès vendredi soir le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique Bruno Le Maire au maintien par S&P Global de la note de la France à « AA ». Des mots repris dans le JDD par Pierre Moscovici le premier président de la Cour des Comptes qui estime néanmoins que « nos problèmes sous-jacents demeurent. Nos finances publiques restent dégradées. Elles ne sont pas à la hauteur de notre position ».

Lire aussiUne dette de ouf ! Soulagement à l'Elysée...

 
« Notre stratégie en matière de finances publiques est claire. Elle est ambitieuse. Et elle est crédible », se félicite le patron de Bercy.

« La dette de la France s'élève à plus de 110 % de sa richesse nationale et son déficit public est proche de 5 %. Si nous n'accélérons pas notre désendettement, nous serons le dernier pays membre de la zone euro à passer sous la barre des 3 % : ce n'est pas satisfaisant », l'avertit son lointain prédécesseur.

« Retrouvons des marges de manœuvre ».

Du fait du durcissement du crédit, Pierre Moscovici rappelle en effet que le service de la dette aura « triplé » entre 2021 et 2027 pour atteindre 70 milliards d'euros, devenant le deuxième voire le premier budget de l'Etat. Face à cette dépense « improductive » et même « contre-productive », le Sage de la rue Cambon exhorte le gouvernement à « retrouver des marges de manœuvre ».

« La France a besoin de réformes pour réduire ses déficits. Elle doit mener une politique ambitieuse et continue et sortir à court terme du « quoi qu'il en coûte » et de la politique du chéquier. La réponse aux crises ne doit pas peser sur les seules dépenses publiques », poursuit Pierre Moscovici.

Comment ? En musclant la croissance, en consolidant les recettes, en renforçant la lutte contre la fraude sociale - le ministre de l'Action et des Comptes publics Gabriel Attal vient de présenter un plan en ce sens - et fiscale ou en faisant un examen « attentif » des dépenses sociales et fiscales.

« Sans austérité ni coups de rabot, mais en soulevant le capot des politiques publiques pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Ce n'est pas notre culture : changeons-en ! » exhorte le premier président de la Cour des Comptes.

Des Assises des Finances publiques le 19 juin

En ce sens, l'institution indépendante rendra sens publique « début juillet » une dizaine de notes thématiques. Sans attendre cette date, l'exécutif lancera, lui, le 19 juin, des Assises des Finances publiques qui « ouvriront la voie à des premières mesures d'économies, pour plusieurs milliards d'euros », en vue de la loi de finances 2024.

« Je participerai, au côté de Gabriel Attal, aux réunions budgétaires concernant les ministères les plus importants. À l'été, la loi de programmation des finances publiques précisera le cap jusqu'en 2027. Enfin, la suppression de tous les chèques exceptionnels et le retrait progressif du bouclier énergétique marqueront la sortie définitive du quoi qu'il en coûte », explique aujourd'hui Bruno Le Maire au JDD.

Lire aussiFinances publiques : dans le viseur de Bercy, les collectivités mettent en garde Bruno Le Maire

Et le ministre de « confirmer » que le quoi qu'il en coûte est terminé, tout en refusant l'austérité qu'il qualifie d'« erreur économique ». Contre les coupes budgétaires « drastiques » qui affaibliraient la croissance et détruiraient les emplois, il « veillera » à la maîtrise des dépenses publiques et à son efficacité. C'est ce qu'il appelle le « principe de responsabilité budgétaire ».

Le Pinel et le PTZ dans le viseur de Bercy

Aussi Bruno Le Maire a-t-il proposé à la Première ministre Elisabeth Borne de geler 1 % des crédits de l'État, en plus des 5 % qui avaient déjà été gelés, pour un montant total de 10 milliards d'euros en 2023. C'est pourquoi, « sur le compte personnel de formation, chacun peut comprendre que nous avons mis en place un reste à charge, sauf pour les personnes les plus fragiles », enchaîne-t-il.

« En matière de logement, le Pinel n'a pas fait la preuve de son efficacité. Nous voulons mettre fin à des dispositifs coûteux et inefficaces pour nos compatriotes », assène-t-il encore.

Interrogé sur le prêt à taux zéro, le patron de Bercy souligne qu'il bénéficie à 65.000 personnes et qu'il coûte cher.

« Ne laissons donc pas croire que le PTZ est un moyen pour les millions de nos compatriotes qui sont dans la classe moyenne d'accéder à la propriété. C'est tout simplement faux. Nous devons donc le recentrer. Aucune économie n'est facile, mais toute économie est nécessaire », précise-t-il.

Lire aussiCrise du logement : les promoteurs immobiliers perdent la première manche contre Bercy

Prochaine journée de mobilisation le 6 juin

En plein débat sur le financement de la transition écologique au lendemain de la remise du rapport Pisani-Ferry, Bruno Le Maire écarte, de nouveau, l'augmentation de la dette et la hausse des impôts, mais plaide, encore, pour la mobilisation de l'épargne nationale et le verdissement de la fiscalité. D'autant que la Première ministre a demandé à chaque ministère de trouver 5 % de marge de manœuvre dans leur budget afin de réallouer les crédits vers le financement de la transition écologique.

Dernier sujet et non des moindres : la réforme des retraites qui fera l'objet d'une nouvelle manifestation le 6 juin ? « Si nous voulons plus de prospérité, sauver notre régime de retraite par répartition, et que nos enfants bénéficient demain de services publics de qualité, il y a une seule réponse : le travail », conclut-il.

Lire aussiRetraite : le 6 Juin les syndicats veulent envoyer un dernier message au gouvernement