La montée en compétences, clé de l'insertion dans l'emploi des femmes en situation de handicap

La 9e édition des Trophées Femmes en entreprise adaptée et en établissement et service d'aide par le travail, organisée le 14 mars à l'Hôtel des arts et métiers, à Paris, par réseauH, a récompensé plusieurs professionnelles pour leur parcours dans le secteur protégé et adapté. L'occasion également de décortiquer tant les actions concrètes que les freins en matière d'inclusion.
(Crédits : Kai Pfaffenbach)

Les chiffres sont implacables : 52 % des femmes en situation de handicap, contre 36 % des hommes, estiment que les choses sont plus difficiles pour elles dans le travail, selon l'enquête IFOP-LADAPT « Etre une femme en situation de handicap, la double peine ? », réalisée en 2022. De même, près de la moitié des femmes en situation de handicap interrogées estiment leur recherche d'emploi difficile, contre 29 % de l'ensemble des hommes et 33 % de l'ensemble des femmes. « Etre femme et en situation de handicap peut être du point de vue de l'emploi et de la carrière un cumul de risques », a martelé Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la formation professionnelle auprès du ministère du Travail, lors de la session d'ouverture de la 9e édition des Trophées des Femmes en entreprise adaptée (EA) et en établissement et service d'aide par le travail (ESAT), organisée le 14 mars à Paris par le cabinet de conseil réseauH (en partenariat avec La Tribune).

Face aux défis de l'emploi des personnes en situation de handicap, dont le taux de chômage reste le double (13 %) de celui de l'ensemble de la population, le gouvernement a fait le pari de la formation : renforcement de l'apprentissage, CDD tremplins des entreprises adaptées, passerelles entre le milieu protégé et ordinaire... Autant de sujets qui seront au programme de la prochaine Conférence nationale du handicap, où la question des femmes sera « bien présente et au cœur de nos discussions et nos engagements », a assuré Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Sur le terrain, quelques avancées en matière d'insertion se font jour. « Les résultats de la loi de 2005 sur l'inclusivité de l'école commence à produire ses effets, estime Isabelle Rouberol, cheffe de la mission de l'emploi des personnes handicapées au ministère du Travail. L'enseignement supérieur accueille 40.000 étudiants en situation de handicap chaque année, avec deux tiers de femmes. » Quant à l'apprentissage, « il est encore limité pour les personnes en situation de handicap mais sur une pente très favorable », ajoute-t-elle en exhortant les employeurs à s'en saisir, d'autant que des aides existent et qu'il n'y a pas de limite d'âge pour les travailleurs handicapés. « C'est en immersion que l'on voit si la personne est en capacité de remplir le poste au-delà d'une liste de restriction qui peut ne pas être très parlante », analyse-t-elle.

Muscler « l'employeurabilité »

Reste que le taux d'emploi des travailleurs handicapés, dans les entreprises de plus 250 salariés, s'élève à 3,5 % - loin de l'obligation des 6 % requise par la loi... « Souvent, les employeurs ne savent pas comment faire », constate Isabelle Rouberol. A leur disposition, cependant, une panoplie d'acteurs, de l'Agefiph au Cap emploi, pour les accompagner et les faire monter en employabilité. Encore faut-il avoir un service RH pour s'en emparer. Or « peu de PME en ont un », relève François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Cela dit, « il faut qu'un dirigeant de PME prenne à bras le corps cette richesse humaine. Ce qui signifie réussir le recrutement, l'accueil et l'insertion de la personne handicapée dans l'entreprise puis, sa fidélisation. » Des pistes d'action ? La CPME Auvergne-Rhône-Alpes s'est par exemple dotée de développeurs handicap qui travaillent avec les adhérents. Autre solution, des missions handicap mutualisées, en place dans certaines branches d'activité. « Le handicap n'est plus une difficulté à partir du moment où l'on est accompagné. C'est une question d'aménagement de poste et ce n'est pas une montagne à franchir », considère François Asselin.

Obligation d'aménagement raisonnable

D'autant que ne pas réaliser des aménagements de postes comporte des risques pour les employeurs... « Il existe une obligation depuis longtemps, qui s'inscrit dans la sécurité et la santé au travail, de suivre les indications et les avis du médecin du travail lorsqu'il préconise un aménagement de poste, rappelle Fabienne Jégu, conseillère experte handicap auprès de la Défenseure des droits. Par ailleurs, depuis 2010, la Cour de cassation a précisé que le refus réitéré de suivre les préconisations de la médecine du travail est constitutif de harcèlement moral. Enfin, l'obligation d'aménagement de poste s'inscrit dans un dispositif plus large : l'interdiction de toute forme de discrimination liée au handicap et à ce titre l'obligation de mettre en place des aménagements raisonnables. » En somme, des mesures qui concernent tant l'accès que l'exercice et l'évolution dans l'emploi. Y entrent l'accessibilité des locaux de travail, mais aussi, par exemple, l'adaptation des logiciels métiers.

Etienne Mazereeuw, médecin du travail chez Enedis, donne quelques exemples concrets, comme celui d'une femme atteinte d'une hernie discale, de fibromyalgie et de surdité partielle. « Elle a besoin de cloisons phoniques individuelles, d'un siège adapté et d'un bureau réglable électroniquement en hauteur. Cela a des coûts, mais n'est finalement pas très onéreux. Aussi, elle fait une heure de téléphone maximum par jour ainsi que davantage de travail à distance », explique-t-il. Au-delà des postes, « nous mettons en œuvre des aménagements de missions », ajoute Delphine Luginbuhl, responsable Diversité, à la direction des ressources humaines, transformation, santé et sécurité chez Enedis. Ainsi, « nous travaillons de manière multidisciplinaire pour donner des modes opératoires aux managers et aux RH permettant d'identifier l'impact du handicap sur la performance que nous pouvons attendre et adapter potentiellement les objectifs d'évaluation de la performance », développe-t-elle.

Favoriser les passerelles

Autre levier pour faciliter l'égalité des chances des travailleurs handicapés, les passerelles entre le milieu protégé et l'emploi direct. A cet égard, les ESAT et les EA, véritables viviers de compétences, couvrent 200 métiers et comptent 150.000 professionnels en situation de handicap, dont certains travaillent chez le client. Chez Leroy Merlin, « nous avons aujourd'hui un taux d'emploi de travailleurs en situation de handicap autour de 5 %, en progression depuis deux ans, avec l'objectif d'atteindre au moins 6 % dans les trois années à venir », témoigne Stéphanie Rigaud, responsable Diversité et inclusion de l'enseigne. Une progression qui passe par le recrutement direct de collaborateurs, mais aussi en faisant appel au secteur protégé adapté par l'intermédiaire des mises à disposition. Logistique, préparation de commandes, gestion du retour des marchandises sont concernées.

D'autres passerelles sont possibles, relève pour sa part Mehdi Nabti, vice-président du Réseau Gesat, dont des partenariats indirects en sous-traitance ainsi que la co-traitance.

Enfin, pour mettre en avant les compétences des travailleurs en ESAT, le réseau Différent et Compétent a développé avec les directeurs d'ESAT un dispositif permettant de reconnaître et valoriser les compétences des personnes en situation de handicap, indique Claire de Wailly, directrice de Différent et Compétent, qui planche également sur un carnet numérique dans lequel pourront être saisies les compétences validées. D'autant qu'une récente loi définit de nouveaux droits pour les travailleurs d'ESAT. « Nous ne sommes plus là uniquement pour protéger et apporter un travail aux personnes en situation de handicap, mais pour les accompagner et les mettre en parcours », précise-t-elle ainsi. Ce qui implique de former des encadrants de proximité qui deviennent désormais des développeurs de compétences.

La longue route de la mixité

Enfin, plus largement, c'est toute la question de l'égalité professionnelle qui a été débattue lors de l'événement. L'égalité femmes-hommes a beau avoir été proclamée grande cause du quinquennat, les femmes sont encore aujourd'hui concentrées dans dix filières, parmi les 87, et surreprésentées dans des métiers peu qualifiés. Or, au-delà de la justice sociale, la mixité a un intérêt économique. « Des études ont montré que si l'ensemble des filières étaient mixtes, il y aurait un afflux de PIB en France de l'ordre de 330 milliards de dollars », a pointé Marie-Pierre Rixain, députée de l'Essonne et membre du Haut conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Enfin, Ralph Buchter, président de Séquences Clés Production et lauréat du Prix HeforShe2021, en est convaincu : « Vouloir constituer des équipes multiples est une richesse et oblige à repenser les manières de faire ».

Commentaires 6
à écrit le 30/03/2023 à 22:46
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Je vis la même chose que vous mais dans le secteur privé : après 8 ans de chômage , un diplôme sup obtenu au cnam, je galère également dans une grosse boîte du secteur bancaire depuis 2 ans suite à 1 suppression de poste … je pensais que dans le publ...

à écrit le 30/03/2023 à 22:45
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Je vis la même chose que vous mais dans le secteur privé : après 8 ans de chômage , un diplôme sup obtenu au cnam, je galère également dans une grosse boîte du secteur bancaire depuis 2 ans suite à 1 suppression de poste … je pensais que dans le publ...

à écrit le 30/03/2023 à 18:05
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Que du blabla .. je suis Rqth dans une boîte public … je postule au même titre que les non- handicapes mais j en suis en 2 ans . Après obtentions d un diplôme sup reconnu par la boîte , à 37 candidatures 19 entretiens et 3 réponses négatives type g...

à écrit le 30/03/2023 à 18:05
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Que du blabla .. je suis Rqth dans une boîte public … je postule au même titre que les non- handicapes mais j en suis en 2 ans . Après obtentions d un diplôme sup reconnu par la boîte , à 37 candidatures 19 entretiens et 3 réponses négatives type g...

à écrit le 30/03/2023 à 18:02
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Que du blabla .. je suis Rqth dans une boîte public … je postule au même titre que les non- handicapes mais j en suis en 2 ans . Après obtentions d un diplôme sup reconnu par la boîte , à 37 candidatures 19 entretiens et 3 réponses négatives type g...

à écrit le 30/03/2023 à 17:54
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Que du blabla .. je suis Rqth dans une boîte public … je postule au même titre que les non- handicapes mais j en suis en 2 ans . Après obtentions d un diplôme sup , à 37 candidatures 19 entretiens et 3 réponses négatives type «  la flexibilité géogr...

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