Le rebond de l'économie française encore mis en danger

La Banque de France table sur une perte d'activité d'environ 7% en janvier. La hausse du nombre de contaminations et le durcissement des mesures de restriction assombrissent l'horizon économique pour le premier trimestre même si la campagne de vaccination a démarré depuis plusieurs jours.
Grégoire Normand
Le prolongement de la fermeture des restaurants met en péril un grand nombre d'établissements.
Le prolongement de la fermeture des restaurants met en péril un grand nombre d'établissements. (Crédits : Reuters)

Les effets dévastateurs de la crise se prolongent dans le temps. L'arrivée du variant anglais sur le territoire, le durcissement du couvre-feu dans certains départements à haut risque et la possible annonce de nouvelles mesures de restriction ce jeudi 14 janvier assombrissent de nouveau les perspectives de rebond de l'économie française. Dans leur dernière note de conjoncture rendue publique ce mercredi, les économistes de la Banque de France expliquent qu'au mois de janvier la perte de produit intérieur brut (PIB) par rapport au niveau antérieur à la crise serait d'environ de 7%. Les conjoncturistes ont maintenu leur chiffre de récession à -9% pour 2020 et -4% pour le dernier trimestre.

Si la croissance a retrouvé des couleurs au mois de décembre au moment de la réouverture de l'économie et des fêtes de fin d'année, les chefs d'entreprise interrogés par la banque centrale ne sont guère optimistes pour les semaines à venir. Ils tablent sur une stabilisation de l'activité aussi bien dans l'industrie que dans le bâtiment ou les services. Dans ses voeux à la presse mardi 12 janvier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a déclaré que "le pire était devant nous [...] Les prochaines semaines vont être difficiles et il faudra faire face." Si le gouvernement table toujours sur une accélération du PIB de 6% cette année, cette prévision s'avère de plus en plus optimiste au regard des incertitudes qui pèsent. "Ce chiffre reste un défi. Je veux que nous soyons lucides là-dessus, lucides sur les incertitudes économiques qui nous entourent et dont dépendra directement ce chiffre de 6% de croissance" a-t-il ajouté. Interrogé par la commission des affaires économiques du Sénat ce mercredi 13 janvier, l'économiste en chef de Natixis, Patrick Artus est apparu pessimiste. "Si au second semestre 2021, la France est dans une économie post-Covid, la croissance sera d'environ 5%. Si nous avons encore des problèmes liés à la vaccination, la France sera plutôt à 2% avec un chômage à 13% ou 14% [...] Lorsque les crises sont longues, il y a un impact sur la croissance de long terme."

> Lire aussi : Bruno Le Maire veut se donner du temps pour passer une crise à rallonge

Un rebond de l'activité en décembre dans les services

Avec la réouverture progressive de l'économie française, les services ont pu retrouver un niveau d'activité bien plus favorable au mois de décembre. La levée des mesures sanitaires a permis à un grand nombre de secteurs jugés "non-essentiels" de redémarrer leur activité. Des disparités demeurent cependant criantes. Si l'édition et les services d'information, et les services aux particuliers ont rebondi fortement durant le dernier mois de l'année 2020, d'autres ont encore souffert d'un prolongement des mesures d'endiguement. C'est par exemple le cas dans l'hôtellerie-restauration où les dirigeants ne voient pas le bout du tunnel de la crise. Lors d'un point presse la semaine dernière, le Premier ministre Jean Castex n'a pas donné de date de réouverture après le 20 janvier pour les restaurants par exemple.

Dans le bâtiment, le niveau d'activité est resté stable et se rapproche de son niveau d'avant crise après un printemps 2020 catastrophique. Enfin, dans l'industrie, les entreprises ont enregistré un niveau d'activité similaire à novembre mais le taux d'utilisation des capacités de production demeure bien inférieur à sa moyenne de long terme. Dans l'aéronautique et autres transports, dans la métallurgie, le textile ou l'automobile, la situation est particulièrement préoccupante. A l'opposé, l'industrie chimique ou pharmaceutique, et l'industrie agroalimentaire tirent leur épingle du jeu. Beaucoup d'économistes s'attendent à de grandes transformations sectorielles et des restructurations en masse. "Je ne crois pas du tout à la réindustrialisation. C'est plutôt l'inverse. Les entreprises vont chercher à refaire leurs marges. Elles devraient aller dans des régions où les coûts sont plus faibles. Une vague de délocalisations devrait avoir lieu dans une partie de l'Europe à salaire faible. Il est possible de subventionner des relocalisations mais le mouvement spontané devrait être des délocalisations" a expliqué Patrick Artus.

Une perte de valeur ajoutée de 7% en janvier

Les espoirs d'une reprise solide et durable de l'économie française sont douchés par l'évolution inquiétante de l'épidémie. Si l'arrivée d'un vaccin a suscité des lueurs d'espoirs, les retards accumulés au début de la campagne de vaccination ont rapidement dégradé les perspectives économiques. "On ne sera qu'en économie post-Covid que lorsque 25 millions de Français seront vaccinés. Si on veut une reprise au second semestre, il faut bien plus de vaccinations" a ajouté Patrick Artus.  Les dirigeants interrogés font le pari d'une stagnation de l'activité au cours du premier mois de l'année. "En janvier, l'activité serait quasi stable dans l'industrie comme dans le bâtiment et les services, Cette anticipation d'une stabilité globale de l'activité doit être interprétée avec prudence car elle peut masquer un manque de visibilité, compte tenu de la forte incertitude sur l'évolution de l'épidémie au moment où l'enquête a été menée : dans beaucoup de secteurs, en particulier des services, l'évolution de l'activité restera très dépendante des mesures sanitaires qui seront mises en œuvre" indiquent les économistes de l'institution bancaire. Résultat, ils tablent sur une perte de PIB d'environ 7% au mois de janvier. Si l'agriculture et l'industrie devraient limiter la casse (-4%), la construction (-7%) et surtout les services marchands (-9%) devraient enregistrer des pertes abyssales. Compte tenu du poids du tertiaire dans l'économie tricolore, la croissance au premier trimestre devrait encore souffrir.

Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 13/01/2021 à 14:38
Signaler
Ce serait l'occasion de recentrer l'économie sur l'essentiel et de se débarrasser du superflu. Heureusement que notre gouvernement soutien les voitures, les avions, la 5G, l'agro-industrie et nous débarrasse des commerces de proximité, des surplus de...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.