Le spectre de la stagflation et de la remontée du chômage menace la France (Mathieu Plane)

Pour l'économiste de l'OFCE, Mathieu Plane, l'inflation en France risque d'atteindre 5 % cette année... Une mauvaise nouvelle, qui vient après le Covid, alors que l'économie française reste encore convalescente. Le taux de chômage risque de remonter, fait-il valoir.
Fanny Guinochet
(Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE- Avec la guerre en Ukraine, à quoi faut-il s'attendre pour notre économie ?

MATHIEU PLANE- À court terme, nous le voyons déjà, il y a un effet inflation fort, dû essentiellement à la hausse des prix de l'énergie. Bruno Le Maire a raison de parler de choc pétrolier. Il y a encore quelques semaines, nous anticipions un pic d'inflation, sous l'effet de la reprise, mais ce devait être temporaire, transitoire. Ce choc était lié à une dynamique, il résultait des goulots d'étranglement sur des matériaux, des chaînes d'approvisionnement .... Aujourd'hui, avec le conflit ukrainien, nous savons que cette inflation va être plus forte encore et probablement durer. Ce qui change la donne. La première conséquence est sur le pouvoir d'achat des ménages. Car si les pensions de retraite, les minimas sociaux et le SMIC sont indexés sur l'inflation, ce n'est pas le cas des salaires. Est-ce tenable socialement d'avoir des différences qui promettent d'être importantes entre ceux qui vivent de leur travail et les retraités ?

Mais les salaires devraient toutefois augmenter...

Certes, mais plutôt entre 2 et 3 %. A priori les entreprises n'iront pas forcément au-delà ... Alors que l'inflation est déjà à 3,6%....et je ne serai pas surpris qu'elle dépasse les 5 % dans quelques semaines. Il y aura donc des pertes pour le porte-monnaie des Français. C'est une situation que l'on a pas connue en France depuis des décennies. Le choc budgétaire sera important car l'Etat devra absorber cette hausse. S'il faut augmenter les pensions de quelques points à 16 millions de retraités pour atteindre 5% par exemple, ce n'est pas neutre...

Le gouvernement a promis d'aider les Français...

Certes, mais cette inflation durable va aussi poser des questions quant à notre politique économique. Le gouvernement va bientôt présenter un plan de résilience : jusqu'où va-t-il pouvoir compenser cette hausse des prix ? Comment aider les plus modestes ? En s'endettant encore ? Autre question cruciale : Que va faire la Banque centrale européenne ? Elle ne va pas pouvoir remonter les taux d'intérêt... Comment allons nous financer les dépenses dues à la guerre, même si nous ne sommes pas directement impliqués - ces dépenses pour assurer notre indépendance militaire, énergétique ? Tout ça dans un contexte où notre économie n'était pas totalement remise du choc du Covid ....

En attendant, notre économie a crée plus de 700 000 emplois l'an dernier...

Oui, selon l'Insee, 700.000 postes ont été créés en 2021, dans le privé, c'est considérable. Certes, il y a un effet rattrapage après des destructions importantes en 2020, mais personne ne s'attendait à un tel chiffre. C'est véritablement une bonne surprise. Cela représente 390.000 emplois de plus qu'avant la crise, en 2019. Dans le secteur privé, c'est 1,6 % de plus qu'avant la crise. Et dans le même temps, le niveau d'activité, lui, est resté relativement faible : 0,5 % de plus dans le privé. La comparaison de ces deux chiffres illustre une perte de productivité de notre économie. Perte très marquée dans certains secteurs comme la restauration, la construction... qui ont créé de nombreux emplois, sans retrouver leur niveau d'activité d'avant crise.

Comment expliquer cette perte de productivité  ?

Plusieurs éléments peuvent être avancés. Tout d'abord, la durée du travail. Nous n'avons pas retrouvé les niveaux de 2019, car l'économie est encore convalescente. Il y a eu dans certains secteurs, le maintien du chômage partiel, mais aussi des temps partiels, des pertes d'heures supplémentaires aussi.... On peut aussi penser que ces créations d'emploi ont été encouragées par des aides à l'embauche, comme les primes pour les jeunes, pour les apprentis. Autant de dispositifs qui ont stimulé les recrutements, de façon parfois un peu artificielle. `

Autre explication, l'économie est encore affectée par les mesures sanitaires : concrètement, par exemple, il faut plus de monde dans un restaurant qu'avant, pour vérifier les pass sanitaires, espacer les tables, les services etc... Il y a une désorganisation des entreprises du fait aussi des absences à cause du covid, des cas contacts, etc. Autrement dit, pour produire autant qu'avant, ou réaliser le même service, il faut plus de personnel. Enfin, dernière suggestion, comme les chefs d'entreprise ont du mal à recruter, ils préservent leurs emplois, ceux qu'ils n'auraient pas forcément gardés en pariant sur l'avenir. Par exemple, dans l'hôtellerie, un jeune qui arrive en fin de CDD, le patron se dit " je le prolonge le temps que la saison estivale arrive car je sais que le marché est tellement tendu, que ce sera difficile de trouver du personnel..."

Le niveau d'emploi peut-il être préservé avec la guerre ?

Hélas, il y a peu de chances...Dans ce contexte, les entreprises risquent de moins investir, d'être plus frileuses dans les embauches. Alors qu'il passait en dessous de 8%, le taux de chômage risque de remonter. Le gouvernement le dit : il va y avoir des incidences sur la croissance, qui va ralentir. Comme les prix vont augmenter, la consommation promet de chuter. Nous allons moins dépenser. Par crainte de l'avenir, les Français risquent d'aller moins au restaurant, de moins sortir, de limiter leurs achats, d'agir avec prudence ... Et donc l'activité promet de faiblir.  D'où la stagflation probable. Enfin, il faut s'attendre aussi à des effets sur l'épargne. Les ménages qui en possèdent vont certainement piocher dedans pour maintenir leur niveau de vie, et accuser les hausses de prix. Mais, ceux qui le pourront vont aussi mettre de l'argent de côté du fait de la guerre. Une chose est sûre, il est très difficile de faire des prévisions. Tout va dépendre du comportement des ménages, de celui des entreprises, des réactions des banques centrales... Du contexte politique, aussi. Dans cinq semaines à peine, il y aura l'élection présidentielle. Mais cette guerre, en plus d'être un drame humain, sera aussi aussi un choc économique

Fanny Guinochet
Commentaires 16
à écrit le 11/03/2022 à 10:31
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En réponse à ce commentaire complétement absurde, et sans avoir moi-même aucun attachement politique, il faut quand même arrêter cette rhétorique absurde ! en quoi le président est responsable de la guerre en Ukraine ou même du Covid.. que crois tu q...

à écrit le 11/03/2022 à 9:35
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2.209€ le litre de 95 sans plomb à Leclerc hier

à écrit le 10/03/2022 à 14:39
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"Le taux de chômage risque de remonter" les allocations chomages baissent déjà.

à écrit le 10/03/2022 à 8:05
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Guerre, chômage, inflation, que de bonnes nouvelles... + 7.13% pour le CAC 40 ! Vive les riches !

à écrit le 09/03/2022 à 21:38
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Tout ce que l'on sait, finalement, c'est que la France ne manque pas de corbeaux qui nous prédisent le pire. En nous faisant la morale, en plus. Quel ennui !

à écrit le 09/03/2022 à 20:31
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ce soir le baril recule de 12% et la bourse a monté de 7 % ça anticipe le retours au calme des négos sont en route entre Russie et Ukraine en Turquie la chine perd patience puisqu elle paye le gaz et pétrole le même prix que l Europe la fin arr...

à écrit le 09/03/2022 à 19:59
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Ce qui menace l'emploi et les entreprises c'est l'état lui même qui fait flamber les taxes et TVA à un niveaux beaucoup trop élevé , il est impératif qu'il modère de façon signicative l'impact des taxes et TVA.

le 09/03/2022 à 23:57
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arrétez de parler de l'Etat, parlez des ponctionnaires qu'il faut gaver à vie et qui sont d'une rare incapacité : ils sont les vrais assassins de ce pays !!!! Ce ne sont pas les politiques qui agissent mais bien les profs, médecins,flics et autres b...

à écrit le 09/03/2022 à 19:52
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il suffit de baisser les taxes qui pèsent sur les carburants comme chez nos amis US ou Australiens par exemple....chez eux malgré la hausse, le prix du carburant est tout a fait correct, autour de €1 le litre....chez nous les problèmes iront en s'agg...

le 09/03/2022 à 20:39
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Je viens de lire dans le Guardian que la République d'Irlande vient de baisser de 20cents la taxe sur les carburants....alors que le litre frôle 1.89€ chez eux....et ce jusqu'au 31/8/2022....quel chance ils ont les Irlandais...notre ministre à nous p...

le 10/03/2022 à 2:31
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@europeen .... Vous n'irez pas voter. Grand bien vous fasse, mais n'allez pas pleurer apres si le minus est reelu. Sic transit....

à écrit le 09/03/2022 à 19:39
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Dans le contexte du suivisme benêt des sanctions imposées par les néocons américains, la chose ne va qu' empirer... Alain Tortosa "Tous les économistes, spécialistes qui sont conscients de la folie que les États occidentaux ont commencé ...

le 09/03/2022 à 21:36
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Gedeon, J’approuve chaque mot que vous écrivez, mais malheureusement ce n’est pas le chemin qui est pris.

le 09/03/2022 à 21:37
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Gedeon, J’approuve chaque mot que vous écrivez, mais malheureusement ce n’est pas le chemin qui est pris.

à écrit le 09/03/2022 à 19:12
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A oui le COVID la guerre sa explique l'augmentation de l'éthanol produit en France avec des betraves 1e10 il nous prenne vraiment pour qui? Le peuple même pas respecter

à écrit le 09/03/2022 à 18:54
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La fin du "en même temps " ?

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