Face à l'inflation galopante, pas de 2ème « quoi qu'il en coûte », prévient Bruno Le Maire

Les prix ne cessent d'augmenter en France, des produits alimentaires à l'énergie. Dans les supermarchés, deux-tiers des catégories alimentaires enregistraient déjà une hausse des prix, avant même de ressentir l'impact de la guerre en Ukraine. En parallèle, les carburants devraient atteindre 2,20 euros le litre d'ici les prochaines semaines. Pour le ministre de l'Économie, la flambée des prix de la crise énergétique actuelle est « comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973 ». Mais Bruno Le Maire a prévenu que l'État ne sortira pas le chéquier à tout bout de champ.
Pour le ministre de l'Économie, « l'État ne peut pas être l'assureur en dernier recours de l'augmentation de tous les prix de l'énergie ».
Pour le ministre de l'Économie, « l'État ne peut pas être l'assureur en dernier recours de l'augmentation de tous les prix de l'énergie ». (Crédits : BENOIT TESSIER)

Bruno Le Maire avait déjà prévenu en début de semaine qu'il n'y aurait pas de "quoi qu'il en coûte" en 2022 face à la hausse des prix de l'énergie. Une stratégie réaffirmée ce mercredi 9 mars en préambule d'une conférence sur l'indépendance énergétique. Selon lui, un deuxième plan massif d'aides publiques, sur le modèle de celui à l'œuvre pendant la crise du Covid-19, « ne ferait qu'alimenter l'augmentation des prix ».

« Un deuxième quoi qu'il en coûte ne serait pas la bonne réponse au choc énergétique (...) cela reviendrait à jeter de l'essence sur un incendie », a estimé Bruno Le Maire, prenant exemple sur la stratégie adoptée face au choc pétrolier de 1973. Les pays occidentaux « avaient engagé une politique budgétaire expansionniste et soutenu massivement la demande » à l'époque, a-t-il affirmé.

« En 1973, cette réponse a provoqué le choc inflationniste que vous connaissez, conduit les banques centrales (...) à augmenter massivement les taux, ce qui avait tué la croissance », a dit Bruno Le Maire. Et d'ajouter : « Cela porte un nom : la stagflation. C'est précisément ce que nous ne voulons pas revivre en 2022 », ajoutant que « nous devons être plus inventifs ».

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Les carburants attendus à 2,20 euros d'ici fin mars

Ne pas « casser la relance » de l'économie française, c'est justement ce que souhaite Michel-Édouard Leclerc. Sur le plateau de LCI, le président du comité stratégique des magasins E.Leclerc a indiqué que, dans les enseignes du groupe, « le gasoil va passer en moyenne de 1,93 euro (le litre) à 2,07 cette semaine. À chaque fois qu'on renouvelle le stock, il nous est facturé plus cher ». D'après lui, à la pompe, « on parle d'une augmentation de 50 centimes depuis le début de l'année ».

Sur France Inter, le président de Système U Dominique Schelcher a dit craindre que cette hausse ne dure. Michel-Édouard Leclerc, lui, ne croit pas « à la durabilité de ce mouvement », qui « pourrait continuer deux à trois semaines » selon lui, jusqu'à atteindre entre 2 et 2,20 euros, essence ou gasoil. Sauf « si les gouvernements français ou européens interdisent d'acheter du pétrole russe ou si les Russes décident en contre-sanction de ne pas vendre de pétrole à l'Europe », auquel cas « cela risque de reflamber ».

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« La bonne réponse c'est l'indépendance totale »

L'invasion russe en Ukraine a entrainé une explosion des cours du pétrole et du gaz sur la planète, le premier évoluant actuellement largement au-dessus de 120 dollars, pas loin de ses records historiques tandis que le second a franchi des niveaux inédits.

L'Europe est actuellement extrêmement dépendante de l'énergie russe - 40% de ses besoins en gaz naturel et 30% en pétrole - et tente de trouver la parade pour les prochains mois. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont, eux, annoncé mardi 8 mars l'interdiction des importations d'hydrocarbures russes.

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« La bonne réponse que nous connaissons, c'est l'indépendance totale », a poursuivi Bruno Le Maire, en égrenant les pistes françaises et européennes pour y parvenir : davantage de réserves de gaz pour l'hiver prochain, la diversification des approvisionnements, et la protection des ménages modestes et des entreprises touchées. Sur ce dernier point, l'État compte dépenser 22 milliards d'euros : 10 milliards d'euros suite au gel du prix du gaz, 8 milliards d'euros pour le plafonnement des tarifs de l'électricité et 4 milliards d'euros pour l'indemnité inflation. « Il y a fort à parier que [la facture totale] sera plus élevée », anticipe déjà le ministre. Et de prévenir néanmoins : « L'État ne peut pas être l'assureur en dernier recours de l'augmentation de tous les prix de l'énergie ».

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Les produits alimentaires dans la spirale

En parallèle, 68% des catégories alimentaires sont touchées par l'inflation, selon la dernière analyse du cabinet d'analyse NielsenIQ sorti le 1er mars. Ce dernier se penche régulièrement sur l'évolution des prix des produits de grande consommation vendus dans les grandes surfaces françaises. Sur l'ensemble d'entre eux, cette inflation a atteint +0,52% en février 2022 par rapport au même mois de l'année précédente.

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Certaines catégories d'aliments sont particulièrement concernées depuis six mois. Notamment les pâtes alimentaires, dont les prix ont crû de 11,4% en un an. L'inflation des légumes secs (+3,4%), des huiles (+2,6%), du café torréfié (+2,5%) et du riz (+ 2,4%) se situe aussi bien au-dessus de la moyenne.

Mais l'inflation est plus sensible sur les marques de distributeurs (+1,25%) et surtout sur les marques de distributeurs premiers prix (+2,85%), pour lesquelles la matière première représente la part la plus importante du prix. Ce sont donc les ménages aux revenus les plus modestes qui encaissent la hausse de plein fouet.

« L'inflation est un fléau qui n'épargne personne, tant les distributeurs, les marques que les consommateurs », commente Emmanuel Cannes, expert pricing et service à la distribution chez NielsenIQ France. « Cette analyse de NielsenIQ démontre cependant qu'elle impacte fortement les produits d'entrée de gamme car les matières premières, qui flambent, en représentent la composante majeure du prix ».

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Système U « prendra sur ses marges »

Cette inflation est déjà perçue par les Français, selon NielsenIQ : plus de la moitié (54%) des consommateurs ont le sentiment que leurs courses de la semaine leur coûtent plus cher qu'il y a six mois. Et la guerre engagée par la Russie en Ukraine ne peut qu'aggraver la situation.

« Le conflit Russie/Ukraine risque d'avoir un impact conséquent sur le prix des matières premières (le prix de la tonne de blé flambe déjà à 450 euros) et donc, par effet boule de neige, sur le prix de l'alimentaire. Le mois de mars et le résultat des négociations commerciales vont être décisifs », note Xavier Ségalié, directeur général de NielsenIQ France.

Il met en garde : « Les marques et les consommateurs vont devoir arbitrer et faire preuve de fortes capacités d'adaptation dans les mois à venir pour tenter de contrecarrer les effets de l'inflation pour les premiers, sur leurs ventes, et pour les seconds sur leur pouvoir d'achat ». Le président de Système U Dominique Schelcher a affirmé que ses magasins rogneraient sur leurs marges. « On prendra nos responsabilités de commerçants pour aider nos clients évidemment à faire face (à la hausse des prix, ndlr): promotions, cartes de fidélité... et on prendra sur nos marges, c'est la plus grande attente souvent de nos clients (...), on le fera chez Système U », a-t-il déclaré. Michel-Édouard Leclerc espère lui « obtenir des industriels d'étaler, de modérer leurs hausses, ou de prendre moins de marge pour ne pas casser la relance ».

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ZOOM : UN SITE INTERNET POUR LES 1,3 MILLION D' « OUBLIÉS » DE L'INDÉMNITÉ INFLATION

1,3 million de Français éligibles à l'indemnité inflation - sur un total de 38 millions - ne l'ont toujours pas touché a annoncé mardi 8 mars le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt sur Sud Radio. Un site internet sera donc prochainement lancé pour leur permettre de la percevoir. Contacté par l'AFP, le ministère a indiqué que le portail serait mis en ligne « en tout cas dans les quinze jours ».

« Nous travaillons pour récupérer les relevés d'identité bancaire » des personnes qui n'ont pas encore touché l'indemnité de 100 euros, a assuré le ministre. « Nous allons mettre en place une plateforme pour que ceux qui ont été oubliés, parce que leurs coordonnées n'étaient pas disponibles, puissent faire valoir leurs droits », a encore affirmé Olivier Dussopt.

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Parmi les "oubliés" figurent notamment « les personnes du travail à domicile », employées par les particuliers, détaille Bercy. « Quelques centaines de personnes » ont également pâti des dispositions prises par le gouvernement pour éviter un double versement de la prime.

Annoncée en octobre, l'indemnité inflation a commencé à être versée mi-décembre aux étudiants boursiers. Le calendrier des versements s'étendait initialement jusqu'à fin février, avec son versement aux retraités.

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(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 10/03/2022 à 8:42
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"Oh la la la mon dieu ce désastre économique à venir contre lequel on ne peut rien, qu'est-ce que vous allez en baver les français !" Bruno Lemaire, ministre spectateur commentateur de l'économie, c'est nouveau ça aussi.

à écrit le 10/03/2022 à 7:58
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Aie! Je comptais bien en profiter une deuxième fois.

à écrit le 09/03/2022 à 19:16
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Le "quoi qu'il en coute-surtout-avec-le- pognon-des-autres" c'est pas à chaque fois ? C'était pendant la première guerre, il y a deux ans et demi ?

à écrit le 09/03/2022 à 18:02
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Jamais Ministre des finances n’a été aussi mauvais depuis Jacques Coeur...L’équipe actuelle va laisser la France exsangue!

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