Les JO 2024, un levier pour accélérer le Grand Paris

Des Jeux Olympiques réussis sont ceux qui permettent, comme à Barcelone en 1992 ou à Londres en 2012, de restructurer, aménager et rendre durablement attractif un territoire.Telle est l'essence de la candidature de Paris et de la Seine-Saint-Denis.
Paris promet une candidature sobre pour les jeux olympiques de 2024.

Tout est prêt. Enfin, presque. Avoir raté les précédentes candidatures pour l'organisation des Jeux olympiques donne finalement un avantage à Paris : la capitale a déjà construit, au fil du temps, la plupart des installations sportives requises par le Comité international olympique (CIO). Il lui reste la piscine olympique à creuser à la limite de Saint-Denis et d'Aubervilliers, au pied du Stade de France. Si les Jeux olympiques de 2024 ne vont donc pas trop stimuler l'activité du BTP francilien, en revanche, ils pourraient bien accélérer le réaménagement du nord de Paris, en permettant de réorganiser tout l'ouest de la Seine-Saint-Denis.

Un dossier à ce point sensible que Jean-François Carenco, le préfet de la région Île de-France, va être missionné par Manuel Valls pour piloter le projet et donner de la cohérence au développement de ce territoire, aujourd'hui l'un des plus mal lotis du Grand Paris. Et Jean-François Carenco a pris tout cela en mains d'une manière aussi républicaine que ferme.

La Seine Saint-Denis, tête de gondole

Du Roissy Express, qui va passer à Saint-Denis à l'énorme gare de Saint-Denis Pleyel, de l'aménagement d'une partie du parc Georges-Valbon, anciennement parc de La Courneuve, à celui de la partie sud de l'aéroport du Bourget, le préfet a de quoi s'occuper dans les temps qui viennent et des élus à « convaincre ». En 2024, pour les JO, la Seine-Saint-Denis sera une tête de gondole du Grand Paris. L'enjeu des JO est de développer la gouvernance du nord-est de ce Grand Paris et sa réorganisation urbaine. Il s'agit moins d'un enjeu financier que d'aménagement et de marketing.

Il faut dire que, financièrement, Paris ne fera probablement pas de bénéfices avec ces JO. Le CIO, qui est un organisme « bienveillant » n'a d'ailleurs jamais divulgué le contenu des dossiers des villes candidates à l'organisation des Jeux olympiques d'hiver ou d'été. La raison ? Ils sont tellement truffés de faux chiffres, de projections économiques fantaisistes et d'engagements de dépenses irréalistes, que le mouvement olympique y perdrait toute crédibilité économique en publiant ces dossiers qu'il a approuvés.

La candidature de Paris en 2004 pour les JO de 2012 était ainsi assise sur un rapport d'un très grand cabinet de conseil, lequel prévoyait que les JO créeraient 42000 emplois pérennes et entraîneraient 35 milliards de retombées en sept ans...

carte JO

Prévisions fantaisistes et chiffres fallacieux

Tous les grands cabinets internationaux y sont allés de leurs prévisions : la Coupe du monde 2014 devait rapporter, quant à elle, 1,8 point de PIB au Brésil et plus de 3,5 millions d'emplois. Dilma Roussef attend toujours : elle a fini l'année 2014 avec 0,14 % de croissance. Et le déficit annoncé pour les JO de Rio l'été prochain ne va certainement pas lui remonter le moral. Les Sud-Africains, lors de la Coupe du monde 2010, se sont retrouvés avec près de 12 milliards d'euros de déficit, mais eux, au moins, ont eu un regain de croissance sur l'année.

D'autres pays, moins démocratiques, ne se donnent même plus la peine de faire des prévisions crédibles. En Russie, le ministère des Régions vient par exemple d'avouer des dépenses de 30 milliards d'euros pour les JO d'hiver 2014 de Sotchi. Or, les Russes avaient promis au CIO qu'ils n'excéderaient pas les 6,3 milliards. Officieusement, on est plus probablement près des 50 milliards. Les Russes ont donc plus flambé que les Chinois qui, pour les JO de Pékin en 2008, n'ont officiellement déboursé « que » 28 milliards d'euros (même si l'addition finale serait en fait plus proche des 40 milliards d'euros). Mais les Chinois ont encore une chance de pouvoir égaler les Russes avec les JO d'hiver à Pékin en 2022 : nul ne savait que l'on faisait du ski dans la capitale chinoise, mais le Président Xi Jinping a décidé qu'il suffisait de construire des pistes pas trop loin et une ligne TGV pour s'y rendre, et le CIO, qui ne refuse rien à la Chine, lui a de nouveau accordé les Jeux.

De maigres retombées

Pratiquement, qu'est-ce que cela a rapporté ? À Sotchi, rien du tout. Officiellement, une hausse des ventes de Coca-Cola (sponsor des JO) de 9 % sur toute la Russie. Sotchi n'était pas conçu pour gagner de l'argent mais pour montrer au monde entier qu'une station balnéaire pouvait aussi être une station de ski. Sotchi, cela a donc été 480 km de gazoduc, 367 kilomètres de routes, un aéroport international, 22 tunnels et 43 centrales thermiques.

Le montant des financements et le retour sur investissement n'ont bien sûr aucun intérêt, tous les chiffres annoncés étant totalement faux. L'important est ailleurs : avec les JO et le Grand Prix de F1 à Sotchi depuis 2014, avec des matchs de la Coupe du monde de football en 2018 et peut-être l'organisation des coupes du monde de ski, Vladimir Poutine a fait de cette station balnéaire de la mer Noire, un symbole de la puissance retrouvée de la Russie et le noyau sportif mondial.

Un impact médiatique non négligeable

Toutes proportions gardées, c'est la même stratégie que celle de David Cameron en 2012. Les JO de Londres, parfaitement organisés et, surtout, superbement mis en scène, ont été le spectacle qu'Albion voulait offrir au monde. « Britain is great » a été le slogan de la campagne publicitaire planétaire de la Grande-Bretagne lors des JO. Il a été un appel à tous les étudiants, chercheurs, startuppeurs du monde entier, mais aussi à tous les cadres et dirigeants des entreprises mondialisées, à venir s'installer à Londres, en particulier dans l'est de la ville entièrement rénové, le long de la Tamise, pour les cadres sup' du monde entier.

Avec le projet Thames Gateway, les JO du Grand Londres ont d'abord représenté de l'urbanisme, de la rénovation, du développement économique et du marketing. Il suffit de se rappeler la cérémonie d'ouverture, au cours de laquelle James Bond lançait (le sosie de) la reine d'un avion sur le stade de Wembley, pour comprendre à quel point les Anglais ont voulu épater le monde. Que Londres ait annoncé que les Jeux ne coûteraient que 4 milliards de dollars pour aboutir à 19 milliards n'a qu'une importance relative par rapport à l'impact médiatique qu'ils ont eu.

Un lifting de marque pour les villes

Barcelone en 1992 et Sydney en 2000 ont encore plus profondément adopté cette logique. Barcelone a même été la ville qui, la première, s'est servie des Jeux pour accélérer la reconfiguration de son territoire et le vendre au monde entier. Les Jeux olympiques se déroulant dans des villes, ce sont officiellement elles qui sont candidates, et non les États. Or, les villes se vendent désormais comme des marques. Lorsque Barcelone décide d'être candidate, elle est encore terriblement marquée par la dictature franquiste, appauvrie, endettée et désorganisée.

Pour la municipalité, les JO vont être l'occasion de reconfigurer la ville, transformer les boulevards embouteillés en rues piétonnes, les zones industrielles du bord de mer en village olympique, tracer le contournement de la ville et rénover des quartiers entiers, comme Raval et Barcelonette. Tous les grands noms de l'architecture et de l'urbanisme ont oeuvré pour Barcelone. Les investissements directs et indirects ont atteint 17 milliards de dollars, le gouvernement espagnol s'est endetté de 4 milliards de dollars, et les Catalans de 2,1 milliards de dollars.

Barcelone : une opération de marketing territorial

Surtout, en 1992, Barcelone est devenue la capitale européenne de la fête. Les joueurs de la Dream Team, Michael Jordan et Magic Johnson en tête, y buvaient aux terrasses des cafés des Ramblas et Charles Barkley sortait, lui, très tard, des boîtes de nuit catalanes. Une ville éclairée jour et nuit, avec des bars sur la colline de Montjuïc qui ne fermaient jamais. Les JO de 1992 ont fait de Barcelone la ville de la création et de la fête pour les générations suivantes. Une opération de marketing territorial parfaite.

C'est le secret pour réussir des JO : une analyse solide et dépassionnée du développement à long terme d'une ville et de sa région. La stratégie à court terme pour retirer des bénéfices immédiats de l'organisation de l'événement n'a aucun sens car, presque à chaque fois, les budgets dérapent. Les JO de Montréal en 1976 en sont l'exemple emblématique : la ville comptait dépenser 124 millions de dollars et s'est retrouvée avec une dette de 2,8 milliards de dollars, qu'elle a mis trente ans à rembourser.

A Sydney, un stade fantôme

À l'inverse, Sydney, en 2000, a réussi à organiser les Jeux les plus raisonnablement gérés de l'ère moderne. Toutes les installations étaient prêtes un an avant l'événement, le budget parfaitement équilibré et la stratégie était celle d'une réponse écologique intelligente aux demandes du CIO. Le village olympique, construit sur une friche, a été l'occasion pour les Australiens de montrer leur maîtrise en matière d'ingénierie écologique puis, en matière économique, en le transformant par la suite en zone résidentielle attractive.

Seule ombre au tableau : le stade olympique de Sydney et ses 90 000 places, quasiment inutilisé depuis. Il rejoint l'un des nombreux « éléphants blancs » qui jalonnent l'histoire des Jeux, comme cette piste de bobsleigh construite pour 100 millions de dollars à Turin et qui n'a servi qu'une fois, ou le « Cube d'eau » de Pékin, à peu près inutilisé. N'empêche, les JO de Sydney se voulaient écologiques, économes et festifs, ils l'ont été et ont impressionné le CIO qui, depuis, ne jure plus que par le développement durable et la modération des coûts.

Une pression sur les Jeux à venir

Les JO de Rio, en 2016, sont à leur tour en train de déraper financièrement et, de rallonges gouvernementales en rallonges de la ville, ils s'approchent de plus en plus du coût de ceux de Londres. Avec ce grand dérapage, ajouté au désastreux effet Coupe du monde 2014, aux procès en corruption et au mécontentement social, le Brésil risque de sortir terriblement perdant de cette double organisation.

Pour Tokyo 2020, c'est aussi désastreux : le stade olympique pharaonique a atteint un coût de construction de 1,9 milliard d'euros avant que le Premier ministre Shinzo Abe, en juillet, se décide à tout arrêter ! Le Japon avait, lui aussi, promis des Jeux peu chers à 3 milliards d'euros au CIO. Du coup, tous les candidats pour 2024 en rajoutent dans le financièrement modeste. Rome jure de ne construire aucune cathédrale dans le désert et Los Angeles, comme en 1984, va faire payer le privé et est sûr, dit-elle, d'être bénéficiaire.

Une candidature parisienne modeste

La candidature de la capitale française est elle aussi financièrement modeste et inscrite dans un projet de rénovation du territoire. L'une des chances de Paris est d'avoir déjà échoué, dans sa candidature, contre Londres, pour les JO de 2012. Il en subsiste le vélodrome tout neuf de Saint-Quentin-en-Yvelines et la base nautique de Vaires-sur-Marne. Le seul équipement sportif qui reste à construire est la piscine olympique. Elle sera installée, comme prévu pour 2012, à Aubervilliers, mais pas exactement à l'endroit prévu initialement.

Pour le reste, le débat porte essentiellement sur la localisation du village olympique, du centre et du village des médias. Dans la candidature portée par Bertrand Delanoë, la Mairie avait imaginé récupérer toute la zone des Batignolles et ses anciennes voies ferrées pour y implanter le village olympique. Les JO auraient stimulé la rénovation du quartier prévue depuis longtemps et tout aurait été terminé en 2011. L'opération ne sera finalement achevée qu'en 2020, mais il n'est plus question d'y implanter le village olympique.

Aucune infrastructure à construire

La solution la plus logique passe par une implantation du village des médias sur l'Aire des vents, à La Courneuve, le lieu de la Fête de l'Humanité, et du village olympique sur l'Île-Saint-Denis. Le village des médias servira à loger les journalistes et sera sans souci reconverti en logements. Il accueillera 2.000 personnes. Le centre des médias, qui doit abriter 30.000 journalistes et fonctionner pendant six mois, serait implanté à proximité et démonté ensuite. Sauf si l'on décide, comme à Londres, d'en transformer une partie pour des activités (startups, pépinières...) liées au pôle d'activités de l'aéronautique du Bourget. Le village olympique se situerait sur l'Île-Saint-Denis, au pied du Stade de France, à quelques minutes à pied de la piscine d'Aubervilliers/Saint-Denis et à moins de trente minutes de toutes les autres installations sportives.

C'est la solution qui a la préférence du mouvement olympique et, bien évidemment, de Patrick Braouezec, le président de Plaine Commune. Tout le territoire sera relié par la Tangentielle Nord dès 2017, la ligne 17 du Grand Paris Express de Saint-Denis-Pleyel au Bourget-RER, puis la ligne 16 jusqu'à Roissy, en 2023 et, pourquoi pas, un arrêt temporaire du futur Charles-de-Gaulle Express à Saint-Denis en 2024.

Il n'y a donc aucune infrastructure à construire pour les JO. Le CIO devrait apprécier. Tout ce qui sera bâti sera réutilisé ou détruit. Le seul problème sera de rationaliser les investissements. Et surtout, d'utiliser l'aménagement et la transformation du nord-est, l'axe Batignolles-Saint-Ouen-Porte de la Chapelle-Saint-Denis- Pleyel-Le Bourget de la même manière que les Anglais l'ont fait avec Stratford et l'Est londonien.

Les JO, c'est du marketing territorial, domaine dans lequel le retard de Paris sur Londres est proverbial. Pour le reste, comme l'écrivait le FMI dans une étude sur le rapport coûts-investissements sur les JO en 2010, ce type d'événement « ne vous rend pas riche, mais il vous rend heureux ».

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>>> VIDEO Intervention liminaire de Claude Bartolone lors du Hub du Grand Paris, un évènement La Tribune

>>> DEBAT JO 2024 : quels leviers pour accélérer le Grand Paris ?

Pour en débattre, Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale ;  Pascal Chabot, membre du Directoire, Caisse d'Epargne et Christian Saint-Etienne, économiste.


JO PARIS 2024, MODE D'EMPLOI

>> L'ÉQUIPE DE LA CANDIDATURE PARIS 2024

Bernard Lapasset, 68 ans, est le président de l'association Ambition olympique et paralympique Paris 2024. Il a été président de la Fédération française de rugby de 1991 à 2008, puis président de l'International Rugby Board (la « Fifa » du rugby) à partir de 2008. Cet ancien douanier est le stratège et le lobbyiste en chef de la candidature.

Tony Estanguet, 37 ans, est membre du CIO. Il a été trois fois champion olympique de canoë (Sydney 2000, Athènes 2004, Londres 2012) et trois fois champion du monde. Il a une très bonne image auprès des athlètes et dans le monde olympique. Plus ouvert que son prédécesseur français, Jean-Claude Killy, il est de la trempe d'un Sebastian Coe, qui avait sauvé la candidature de Londres pour les JO de 2012.

Étienne Thobois, 48 ans, directeur général d'Ambition olympique et paralympique Paris 2024, a été le directeur général de la Coupe du monde de rugby à XV en 2006 et le directeur de la candidature « Paris 2012 » aux Jeux olympiques. C'est l'homme des dossiers techniques, et, pour l'instant, il a fait un sans-faute avec le monde politique et administratif avec lequel il prépare la candidature.

Jean-Philippe Gatien, 47 ans, directeur des sports d'Ambition olympique et paralympique Paris 2024, médaillé d'argent et de bronze en tennis de table. Il s'occupe de l'organisation sportive.

Michaël Aloïsio, 39 ans. Ancien champion de France de taekwondo, formé au management sportif à l'Essec, il travaillait au Comité olympique français avant de devenir le directeur de cabinet de Bernard Lapasset.

>> LES ÉTAPES DE LA CANDIDATURE

  • 15 septembre 2015 Les comités nationaux olympiques auront remis l'acte de candidature des villes. Celles-ci récupèrent le dossier dont l'accent est dorénavant mis sur la durabilité et l'héritage grâce à l'utilisation de sites existants et d'installations temporaires et démontables.
  • Septembre 2015-mai 2016 Le CIO et les villes travaillent sur la gouvernance du projet, son financement et ses garanties.
  • Décembre 2016-septembre 2017 Travail sur la mise en place opérationnelle du dispositif.
  • À chaque étape, les villes sont conseillées par le CIO Toutes les villes candidates peuvent aller jusqu'au bout, le CIO ne fait plus de sélections intermédiaires.
  • Septembre 2017 Élection de la ville hôte lors de la 130e session du CIO à Lima, au Pérou.

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