Mélenchon : quatre moments forts qui ont dynamisé sa campagne

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  1125  mots
Depuis mi-mars, le candidat de la France insoumise a enregistré la plus forte progression dans les sondages. Il culmine désormais à 15% des intentions de votes, derrière François Fillon et devant Benoît Hamon.
Désormais installé à la quatrième place dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon ne cesse de progresser dans les intentions de vote depuis mi-mars. Le précédent débat entre les candidats avait tourné en partie à son avantage. Le candidat de la France insoumise doit transformer l'essai ce mardi soir face à ses 10 concurrents sur BFMTV et CNews s'il veut poursuivre son ascension.

A quelques heures du débat entre les 11 candidats de la présidentielle sur BFMTV et CNews, un challenger a le vent en poupe en ce moment : il s'agit de Jean-Luc Mélenchon. Fort de sa quatrième place remarquée à la présidentielle cinq ans plus tôt, le candidat de la France insoumise a visiblement su tirer des enseignements de sa première participation.

Ces dernières jours, il est le candidat qui enregistre la plus forte progression dans les enquêtes d'opinion. Derrière Benoît Hamon depuis la victoire de ce dernier à la primaire socialiste fin janvier, le sexagénaire lui a chipé 1,5 point en une semaine et s'est installé à sa place dans les sondages où il est crédité de 15% des intentions de votes (+3,5), selon la dernière enquête Elabe pour BFMTV et L'Express du 29 mars. Désormais, il se rapproche même du podium en talonnant François Fillon (LR) crédité de 18% (+1). Pour comprendre cette dynamique, retour sur quatre moments clés de cette campagne.

■ 5 février : le meeting hologramme

Le candidat de la France insoumise a démarré fort l'année 2017 avec un coup de communication remarqué. Début février, il a réalisé un double meeting en simultané à Lyon, en chair et en os, et à Paris... en hologramme, une première dans l'histoire de la politique française. L'artifice a fait son effet puisque 12.000 spectateurs étaient présents dans le Rhône et 6.000 curieux sont venus voir sa version virtuelle à la capitale.

Via ce meeting très médiatisé, le Jean-Luc Mélenchon version 2017 a fait sa première grande apparition. Parti dans l'aventure sans les communistes et leur carcan symbolique, il se dévoile sous un visage moins énervé. Les grandes affiches rouges ont laissé la place au "phi" accompagné d'affiches ornées d'un bleu et d'un gris clairs. "En 2012, il s'agissait d'une coalition de partis, cette fois-ci on a voulu ouvrir la campagne, fédérer le peuple et ne pas se laisser enfermer dans une sorte de marginalité politique à la gauche du PS", explique Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon.

(Affiche du meeting hologramme du 5 février 2017)

(Affiche de campagne de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à la présidentielle de 2012)

Résultat : "on observe un évolution significative de son image par rapport à quelques années en arrière", confirme Vincent Thibault, chargé d'études senior chez Elabe. Aujourd'hui, par rapport aux quatre autres principaux candidats, Jean-Luc Mélenchon est celui qui est perçu comme le plus honnête (37%), celui qui comprend le mieux le quotidien des Français (44%) et le moins inquiétant (6%) selon un sondage Ifop pour Paris Match et Sud Radio publié ce mardi.

Stratégiquement, ce meeting était aussi "le moyen de continuer à exister dans la campagne", confie Manuel Bompard. A cette époque, les projecteurs étaient tournés vers Benoît Hamon, sorti vainqueur de la primaire de socialiste une semaine plus tôt.

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■ 26 février : le refus de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon de s'allier

Passé l'euphorie de la primaire, au lendemain de laquelle il était crédité de près de 18% des voix, le candidat socialiste chute progressivement dans les sondages. Frondeur et opposé à la politique économique menée par le gouvernement, l'ex-ministre de l'Education et Jean-Luc Mélenchon se rencontrent pour discuter d'une possible candidature commune. Le dimanche 26 février sur le plateau de TF1, Benoît Hamon annonce qu'il n'y a pas d'accord avec le candidat de la France insoumise.

Dans les intentions de vote Benoît Hamon poursuit sa descente et, si la défection de l'aile droite du Parti socialiste était sans doute déjà entamée, Manuel Valls confirme la fracture ouverte. Le 13 mars, l'ancien Premier ministre annonce dans Paris Match son refus de parrainer le vainqueur de la primaire et, deux semaines plus tard, son soutien à la candidature d'Emmanuel Macron. Lâché par une partie de l'appareil politique, Benoît Hamon voit le doute s'accentuer autour de sa candidature. Les électeurs continuent, eux-aussi, de quitter le navire, dont certains pour rejoindre le candidat de la France insoumise.

Selon la dernière enquête d'Elabe, les électeurs qui ont voté pour François Hollande en 2012 ne sont que 21% à se tourner vers Benoît Hamon, pourtant son successeur en tant que candidat du PS. Jean-Luc Mélenchon capte un part équivalente (19%) de cet électorat, quand Emmanuel Macron en rafle quasiment la majorité (46%).

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■ 18 mars : la "démonstration de force" de la marche pour la VIe République

Le tournant de la campagne s'opère lors de la marche entre la place de la Bastille et celle de la République à Paris, où Jean-Luc Mélenchon a rassemblé plus de 130.000 personnes pour défendre sa proposition de VIe République. Une démonstration de force, alors que 20.000 personnes se sont déplacées à Bercy pour le meeting de Benoît Hamon le même week-end.

"Cette dissonance trouve un écho dans les intentions de vote, car c'est à ce moment-là que s'opère le croisement des courbes et que Jean-Luc Mélenchon passe devant", analyse Vincent Thibault du cabinet Elabe. Depuis le 17 mars, il a toujours gagné des points dans les intentions de vote."

Par cette marche, organisée à un mois du premier tour et au lendemain du dépôt des parrainages, "on a voulu montrer qu'on était prêt à affronter la dernière ligne droite", souligne Manuel Bompard.

■ 20 mars : le débat présidentiel

La prochaine étape à franchir est celle du débat organisé sur TF1 le 20 mars. Retenu dans ses échanges, même avec Marine Le Pen, pédagogue dans ses explications parfois ponctuées d'un trait d'humour, Jean-Luc Mélenchon a réussi l'exercice. Un téléspectateur sur cinq l'a trouvé convaincant, ce qui le classe second, derrière Emmanuel Macron (29%), selon Elabe.

"Par rapport aux intentions de votes qui le donnaient entre 11% et 12% une semaine avant, c'est un score élevé, cela signifie qu'il a atteint des personnes supplémentaires", décrypte Vincent Thibault.

Couplé à la réussite de la marche du 18 mars, le succès du débat a appuyé cette nouvelle dynamique de campagne qui se confirme sur le terrain. "Au-delà des sondages, on a de très bons retours sur tous les indicateurs", indique son directeur de campagne. Depuis mi-mars, la plateforme jlm2017 a accueilli entre 30.000 et 35.000 inscrits supplémentaires, pour un total de 360.000 personnes. "En février on était à un rythme de 8.000 à 10.000 nouveaux inscrits", note Manuel Bompard. Pour confirmer cette tendance, reste à Jean-Luc Mélenchon de transformer l'essai ce mardi lors de ce nouveau débat.