Roland Lescure : « Nous allons créer une alliance européenne du médicament »

ENTRETIEN- Le détenteur de deux portefeuilles stratégiques, l'industrie et l'énergie, annonce la production en France d’un remède contre le mélanome et une loi pour protéger les consommateurs des arnaques énergétiques.
Roland Lescure en visite à La Hague, jeudi.
Roland Lescure en visite à La Hague, jeudi. (Crédits : © LAFARGUE RAPHAEL/ABACA)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Quels sont vos grands défis en tant que ministre de l'Industrie et de l'Énergie ?

ROLAND LESCURE - Mon mot d'ordre, c'est produire. Alors que les Français traversent des difficultés pour se chauffer, se soigner, se nourrir, l'industrie est la réponse concrète. C'est la seule manière de réconcilier l'économie et l'écologie ! Si vous sacrifiez l'un ou l'autre, vous faites le lit des extrêmes, qui se sont construits sur les cendres de l'industrie française. Dès lors qu'elle renaît, la colère diminue. Ainsi, je l'affirme: il n'y aura pas de coupes budgétaires dans le plan d'investissement de 54 milliards d'euros « France 2030 » : nous réduisons les dépenses, pas les investissements ! Il est également crucial de conserver les sites industriels critiques. L'exemple de Valdunes [le dernier fabricant français de roues pour trains, qui possède deux sites dans le Nord, en redressement judiciaire depuis que son actionnaire chinois s'est désengagé] est éloquent : avec l'aide de l'État et de la Région, le groupe français Europlasma a récemment déposé son offre de reprise des deux sites, afin de prolonger l'activité tout en recourant à de l'énergie « verte », les combustibles solides de récupération. Le verdict du tribunal est attendu le 20 mars. J'ai bon espoir qu'il soit positif.

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La question s'est également posée dans le domaine de la santé, avec quelque 5000 médicaments signalés en risque de tension ou de rupture d'approvisionnement l'an dernier. Dans ce domaine, où en sont les projets de relocalisation ?

En 2023, il était parfois difficile de trouver du paracétamol pédiatrique. Depuis, Sanofi et Upsa ont accru leur production, avec 1 million de doses supplémentaires délivrées au marché français. Ce n'est pas tout : depuis trois ans, nous avons soutenu, à hauteur de près de 1 milliard d'euros, la production et la relocalisation de médicaments critiques. Nous avons récemment mis 50 millions d'euros pour rapatrier 25 médicaments identifiés comme prioritaires. Cela donne déjà des résultats : en Occitanie, les toutes premières boîtes de médicaments contre le mélanome sortiront dans les mois qui viennent. Dans le Var, un médicament contre le cancer du pancréas a été relocalisé. Nous sommes également en train de relocaliser la fabrication de curare et d'amoxicilline. Mais il ne s'agit pas de chèques en blanc aux entreprises : nous les aidons à condition qu'elles s'engagent à poursuivre leur activité en France. Nous sommes dans une logique donnant-donnant. En outre, depuis cette année, les industriels qui souhaitent quitter le territoire français ont l'obligation de trouver un repreneur. À défaut, l'État se réserve le droit de mettre en place une production publique. Enfin, nous allons annoncer le 24 avril la création d'une alliance européenne du médicament, sur le modèle de celle pour les batteries. L'idée est de concerter tous les acteurs - industriels, États membres, associations de patients - pour éviter les pénuries.

Quid de la relocalisation des chaînes de production dans l'énergie ?

Il y a quelques années, l'idée même de soutenir les fabricants européens de panneaux solaires ou d'éoliennes était un tabou à Bruxelles. Mais les choses bougent : la Commission a autorisé notre crédit d'impôt pour les investissements en faveur de l'industrie verte, et nous avons accompagné l'installation d'usines françaises, comme la future gigafactory de panneaux photovoltaïques Holosolis en Moselle. Mais alors que des produits bradés arrivent de l'autre bout du monde, cela ne suffit pas. Nous avons donc obtenu qu'on puisse intégrer des critères non-prix, comme la qualité environnementale, dans les appels d'offres publics. Cependant, j'appelle à se poser une question : sommes-nous prêts à payer un peu plus cher pour avoir des panneaux solaires français ou européens plutôt que chinois ? Selon moi, la réponse doit être oui. C'est d'ailleurs la même question qui se pose sur les pompes à chaleur.

Il ne s'agit pas de chèques en blanc aux entreprises. Nous sommes dans une logique donnant-donnant

À propos des pompes à chaleur, les arnaques à l'installation se multiplient. Que comptez-vous faire pour protéger les consommateurs ?

Il est hors de question que quelques individus mettent à bas cette stratégie ambitieuse au prétexte de s'enrichir. Nous serons intraitables, et l'ensemble des ministères concernés y travaille. Des annonces devraient être faites prochainement, notamment pour renforcer les contrôles. Chez les fournisseurs d'énergie aussi, il y a eu des comportements de voyous. L'État [par l'intermédiaire de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE] a donc engagé trois enquêtes sur trois fournisseurs. Nous allons tout faire pour sanctionner les comportements déviants. La loi viendra par ailleurs renforcer le pouvoir de contrôle de l'Etat, pour mettre un terme à ces comportements.

Ces mesures devaient constituer un des volets du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, qui n'est plus à l'agenda. Il y a aura donc un nouveau projet de loi ?

Nous allons évaluer les chemins. Cette année, nous avons déjà adopté l'extension du TRV [tarif réglementé de ventes] d'électricité à toutes les très petites entreprises via une proposition de loi votée à l'unanimité. L'objectif est de faire adopter les mesures souhaitées, mais pas forcément au même moment. Celles-ci concernent la protection des consommateurs, la régulation du marché de l'électricité, les grandes orientations de production et nos barrages.

Selon Les Échos, la facture des six futurs réacteurs nucléaires EPR2 aurait déjà grimpé de 30 % pour s'établir à 67,4 milliards d'euros, contre les 51,7 milliards annoncés initialement par EDF. Comment expliquer un tel dérapage, et faut-il en redouter d'autres ?

Le chantier n'a pas encore démarré donc on ne peut pas parler de dérapage. En revanche, ces vingt dernières années, l'industrie nucléaire n'a pas brillé par sa capacité à livrer dans les temps et en respectant les budgets. Mais le management a évolué, les relations avec les industriels aussi, et j'ai confiance en EDF. Pour autant, faisons-nous un chèque en blanc ? Non. Nous avons organisé une gouvernance au sein de l'État pour surveiller de très près tous les projets, avec la mise en place d'un Conseil de politique nucléaire et d'une délégation interministérielle au nouveau nucléaire, qui va challenger tous les chiffrages et la conduite des opérations. J'entends que les estimations d'EDF sont réévaluées. Mais elles n'ont été ni validées, ni échelonnées dans le temps, ni financées. Or, le coût du financement et la durée de construction joueront énormément. Par ailleurs, l'entreprise s'est engagée dans un programme d'optimisation du projet et de ses coûts. Tout cela sera évalué en temps et en heure lorsque nous aurons des projets suffisamment finalisés. Nous ne signerons pas de chèque sans avoir eu de devis détaillé.

Commentaires 9
à écrit le 13/03/2024 à 13:22
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Ah ça va nous changer des numéros verts ! Plus sérieusement : c'est quand qu'on sort enfin de l'UE, et qu'on rapatrie les productions chez nous ?

à écrit le 11/03/2024 à 16:59
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« Nous allons créer une alliance européenne du médicament » Encore une usine à gaz pour placer ces potes

à écrit le 11/03/2024 à 9:08
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"il était parfois difficile de trouver du paracétamol pédiatrique" qui est du paracétamol 'banal' mais mis dans une forme galénique adaptée aux enfants. Il y a deux composantes des médicaments, la molécule active et la mise en forme (grâce aux exc...

à écrit le 10/03/2024 à 13:20
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La gauche mythomane.. ils ont coule ce pays en rigolant, et , sentant le vent du fn, ils font des incantations, histoire de prendre leurs désirs pour des réalités ! Hormis faire des lois , des normes et des impôts, ils n'ont pas grand succès..

à écrit le 10/03/2024 à 10:41
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n'en déplaise aux habituels pisse-froids, on a enfin un ministre de l'industrie qui a un plan d'investissement pragmatique et judicieux. puisse les dieux du gvnt accompagner cette france d'innovation . mais le tandem fn-lfi veille pour tout faire ca...

à écrit le 10/03/2024 à 10:25
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PS: Confinements et surendettements à gogos à prévoir donc ! ^^

le 10/03/2024 à 12:56
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apres l'interdiction des media de droite et l'installation chronique de la peur surtout apres le refus du pouvoir a faire valloir la securite et la liberte d'expression les premises de la dictature s'installe avec le refus du referendum et l'inver...

à écrit le 10/03/2024 à 8:43
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Alors ça moi de suite ça me fait trembler de peur ! A diffuser avec la marche de l’empereur en musique de fond ! Au secours !!! ^^ "Partout où quelque chose ne va pas quelque chose est trop gros" Kohr. Obésité partout dynamisme nulle part.

le 11/03/2024 à 8:08
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personne ne peut vous croire et oui pour vous actuellement c'est l'europe par ci l'europe par la qui pourrais résoudre les difficultés de revendication mais le veritable sujet que vous occulte est celui de vos investissement en chine et les magouille...

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