Grand débat national, mode d'emploi : organisation, participation, thèmes...

Par Louis Mbembe  |   |  1260  mots
Le président de la République Emmanuel Macron. (Crédits : Reuters)
Emmanuel Macron lance, ce mardi et jusqu'au 15 mars, à Grand Bourgtheroulde (Eure), le "grand débat national", une consultation annoncée fin novembre pour tenter de sortir de la crise des "Gilets jaunes". Sur quels sujets ? Dans quel cadre ? Pour quels débouchés ? Tour d'horizon.

Après sa "lettre aux Français", postée dimanche 13 janvier, Emmanuel Macron donne le coup d'envoi, ce mardi 15 janvier, du "grand débat national", la deuxième partie de la réponse de l'Elysée à la crise des "gilets jaunes" après les mesures annoncées sur le pouvoir d'achat. Il s'agit d'envisager, à l'échelle nationale, des solutions pour l'avenir du pays sur des problématiques majeures.

  • Qui organise ce débat ?

Un duo de ministres. Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon, respectivement ministre chargé des collectivités territoriales et secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, ont été désignés par le Premier ministre Edouard Philippe pour coordonner la mission du grand débat national qui démarre ce mardi 15 janvier. Le premier s'occupera de faire le lien avec les maires, la seconde avec les représentants de la société civile. Ils auront un rôle "essentiel" a souligné le président de la République dans sa lettre aux Français.

Il s'agit d'un remplacement au pied levé. Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) - une autorité administrative indépendante dont la mission est d'informer les citoyens et de faire en sorte que leur point de vue soit pris en compte dans un processus de décision - avait été initialement désignée pour piloter cette consultation au nom de cet organisme. Elle s'est vue contrainte de se retirer de l'organisation de l'événement, mardi 8 janvier, rattrapée par une polémique sur son salaire (14.666 euros bruts par mois).

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  • Qui surveille ce débat ?

Alors que plusieurs des membres du CNDP avaient exprimé, lors d'une réunion, le 17 décembre dernier, leurs craintes quant aux tentations de l'exécutif d'intervenir sur le rapport final du grand débat, la nomination de Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon, deux ministres issus du gouvernement, a donné du grain à moudre à cette hypothèse. Pour endiguer les soupçons de potentielles prises de position partiales de la part de ces représentants de l'Etat, cette mission sera également menée par un collège de cinq "garants" : des personnalités issues de la société civile censées garantir l'indépendance et la transparence de l'opération.

Deux membres sont désignés par le gouvernement et les trois autres respectivement par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental. Les cinq noms seront annoncés ce vendredi 18 janvier, a précisé le chef du gouvernement lors d'une déclaration aux journalistes. Le gouvernement propose, en outre, à toutes les formations politiques représentées à l'Assemblée ou au Sénat de participer à "un comité de suivi, chargé de veiller au plein respect du principe de pluralisme".

  • Quelles sont ses modalités d'organisation ?

"Nous avons souhaité, dans l'organisation de ce débat, qu'il puisse être tenu au plus près des Français. Non pas à Paris, non pas dans les grandes capitales régionales, non pas dans des lieux classiques d'organisation des débats, mais bien au plus près des Français", a indiqué le Premier ministre.

Chacun peut organiser un débat que ce soit à l'échelle d'un quartier, d'un village ou d'une région. Afin de recueillir au mieux la parole citoyenne sur le terrain, la mission du grand débat national propose des kits d'organisation et des présentations des thématiques pour la tenue des débats et des stands. Toutes les contributions seront remontées pour permettre une analyse approfondie et ainsi nourrir une restitution placée sous le contrôle et la responsabilité des garants.

  • Comment y participer ?

Le gouvernement déploie de nombreux outils pour permettre aux plus grand nombre de Français de prendre part aux discussions. Les élus de communes, sur lesquels compte beaucoup Emmanuel Macron, ont d'ores et déjà mis à disposition pendant un mois des cahiers de doléances dans leur mairie pour y recueillir les requêtes de leurs administrés. Par ailleurs, des réunions d'initiatives locales doivent se tenir dans divers lieux (mairies, marchés, gares ou sur les lieux de travail). Un ou plusieurs thèmes (parmi les quatre sélectionnés par le gouvernement) devront être choisis lors de ces rendez-vous.

Les citoyens pourront également faire entendre leur voix via des "réunions d'initiatives locales avant le 1er mars et des conférences régionales de citoyens conférences de citoyens nommés par tirage au sort. Une méthode confirmée par Édouard Philippe, le 9 janvier 2019. Les remontées d'information pourront également se faire par le biais de "stands de proximité" mis à la disposition de ceux qui veulent participer à l'organisation du débat.

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Chaque citoyen désireux d'organiser des réunions locales à l'échelle du quartier, de la commune, de la région ou d'une association pourront s'appuyer sur un "kit" méthodologique. Il comprend notamment des cartes et des données pour organiser un débat. Ces rencontres doivent être déclarés sept jours avant leur tenue en précisant la date, le lieu et le nombre de participants attendus. Chaque réunion sera confiée à un animateur supposé neutre. Aussi, un ministre ne pourra pas jouer ce rôle

  • Une plateforme numérique

Des débats auront également lieu sur Internet, sur une plateforme numérique dédiée, granddebat.fr dès le 15 janvier. Elle sera pourvue de toutes les informations pratiques sur les modalités pour s'engager dans les discussions. Les Français pourront également envoyer leurs contributions par la Poste à Mission Grand Débat, 244 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris. Enfin, un numéro vert, le 0800.97.11.11 (ouvert du lundi au samedi de 9 heures à 20 heures) et le 01.82.71.03.39 pour l'Outre-Mer et les appels de citoyens français à l'étranger, sont également mis en place afin de répondre aux questions des particuliers.

  • Quels sont les thèmes débattus ?

Dans sa lettre, le président propose de cadrer le débat autour d'une trentaine de questions, 35 exactement, qu'il formule précisément. Quatre grands thèmes sont sur la table : pouvoir d'achat et fiscalité, démocratie et citoyenneté, réforme de l'Etat et transition écologique. Le chef de l'État ouvre notamment la porte à des réformes importantes comme le référendum d'initiative citoyenne (RIC).

Il pose aussi la question de fixer des quotas annuels d'immigration, une première. S'il assure qu'il n'y aura "pas de questions interdites", Emmanuel Macron évoque pourtant plusieurs sujets sensibles sur lesquels il n'entend pas négocier. Aussi, il ne reviendra pas sur les réformes votées sur la fiscalité sur le patrimoine comme la suppression de l'ISF. Sont écartés également toute remise en cause du droit d'asile, l'IVG, la peine de mort et le mariage pour tous.

  • Sur quoi peut-il déboucher ?

Le grand débat "devra déboucher sur des traductions concrètes dans la vie quotidienne de nos compatriotes", a indiqué Edouard Philippe. Emmanuel Macron a promis d'y répondre dans les mois qui suivent le débat,avant les élections européennes du 26 mai, donc. Ces conclusions doivent notamment nourrir la réforme constitutionnelle, dont l'examen a été décalé, et devraient avoir sur le volet fiscal et budgétaire des traductions législatives dans le projet de loi de finances 2020.