Pandémie : l'inquiétante hausse du nombre d'allocataires du RSA

La pandémie et la dégradation du marché du travail depuis le mois de mars dernier ont considérablement assombri les perspectives pour un grand nombre de bénéficiaires du RSA. "La crise sanitaire conduirait à ce que le nombre d’allocataires augmente d’environ 40.000 foyers au second trimestre 2020", selon la CAF.
Grégoire Normand
Fin juin 2020, le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active
(RSA), résidant en France entière, est estimé à 1,99 million de foyers,
correspondant à une croissance de 6,2 % par rapport à juin 2019, soit
120.000 allocataires.
Fin juin 2020, le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), résidant en France entière, est estimé à 1,99 million de foyers, correspondant à une croissance de 6,2 % par rapport à juin 2019, soit 120.000 allocataires. (Crédits : Reuters)

La pandémie fait des ravages sur les populations les plus fragiles. Selon la dernière note de la caisse d'allocations familiale (CAF) passée en dehors des radars, le nombre d'allocataires du revenu de solidarité active est estimé à 1,99 million à la fin du mois de juin dernier contre 1,87 million un an plus tôt, soit environ 120.000 bénéficiaires en plus (+ 6,2%).

Pour la période suivante, les statisticiens ont rendu publiques des données provisoires qui montrent un impact majeur de la crise sur le nombre d'allocataires. En août et septembre dernier, l'écart par rapport à une situation normale est d'environ + 8,5%.

"Les revenus les plus faibles ont été dévastés par la crise. Près de 50% des adultes dont les revenus sont les plus faibles ont du mal à payer leurs factures et 30% d'entre eux sont obligés d'aller à la banque alimentaire. Pour l'instant, les pouvoirs publics n'ont pas réussi à vraiment soutenir ces catégories", a alerté la cheffe économiste de l'OCDE, Laurence Boone, lors d'un point presse ce mardi 1er décembre sur les perspectives macroéconomiques.

Lire aussi : Avec la pandémie, le fléau de la pauvreté avance à grand pas

S'il est encore difficile à ce stade de mesurer l'impact de la pandémie sur la pauvreté, l'allongement des files d'attente pour la distribution des repas et les cris d'alarme des associations en charge de la solidarité sont les premiers signes d'une paupérisation d'une partie de la population. Beaucoup de travailleurs, qui occupaient des postes saisonniers, des contrats à durée déterminée (CDD), des indépendants, des chômeurs en fin de droits pourraient avoir recours à ce type de ressources. "Les chiffres de l'augmentation du RSA sont très inquiétants pour les mois de septembre et octobre. Un nombre important de personnes ne sortent plus du chômage à cause de la récession. Avant, beaucoup de personnes sortaient du chômage et trouvaient un emploi", expliquait récemment le cabinet du ministre de la Santé Olivier Véran lors d'une réunion avec des journalistes.

+ 40.000 familles bénéficiaires au second trimestre sur fond de crise

La mise sous cloche de l'économie au printemps a mis un coup d'arrêt aux opportunités d'emplois pour de nombreux actifs. Des pans entiers de l'économie tricolore ont été contraints de fermer pendant huit semaines, plongeant des millions de travailleurs dans un épais brouillard. Interrogé il y a quelques jours par La Tribune, le directeur général adjoint de Pôle emploi, Michaël Ohier, expliquait que le nombre d'offres avait considérablement chuté lors de cette période troublée. Résultat, cette absence de perspectives sur le marché du travail a limité les possibilités de sorties des allocataires du RSA.

"Ces évolutions sont à relier à la crise économique, dont les premiers signes sont apparus en mai et se sont accentués en juin, se traduisant simultanément par une croissance du nombre d'allocataires (liée à de moindres sorties du RSA, plus qu'à de nouvelles entrées) et par le versement d'un montant moyen de RSA plus élevé (les ressources des allocataires étant plus faibles)", indique la CAF.

En outre, dans le cadre de l'urgence sanitaire et social, le gouvernement a annoncé au printemps un prolongement des droits pour ceux qui arrivaient à échéance. Ce qui peut expliquer une partie de cette hausse.

Avec la fermeture d'un grand nombre d'administrations, les contrôles ont également été suspendus. "Ainsi, les allocataires n'ayant pas fourni leur déclaration trimestrielle de ressources (DTR) à temps ont vu leurs droits prolongés, les allocataires suspendus de leurs droits suite à un contrôle ont été rétablis dans leurs droits, et enfin, les contrôles n'ont pu se dérouler. Ces mesures ont un impact faible in fine car, pour une part majoritaire, elles ont anticipé le paiement de droit qui auraient été dus", ajoute l'organisme.

Une hausse préoccupante en Île-de-France, dans le grand Ouest et aux frontières

Les demandes de revenu de solidarité active n'ont pas augmenté de façon homogène sur tout le territoire français. Ainsi, les régions de la Bretagne et des Pays de la Loire, qui avaient une proportion d'allocataires relativement faible avant la crise, ont enregistré une hausse importante (+12,5%) entre le troisième trimestre 2019 et le troisième trimestre 2020. En Île-de-France, la situation est particulièrement critique avec des augmentations du même ordre sur une période comparable.

Enfin, les zones frontalières depuis l'Allemagne jusqu'à l'Italie ont également connu une hausse des familles allocataires. "Les plus fortes augmentations semblent concerner globalement les départements avec une activité économique soutenue et donc un taux de foyers allocataires au RSA en janvier 2020 plutôt faible. Il semble aussi se dégager [...] que des départements qui, traditionnellement, ont une activité touristique importante lors de la période estivale ont dû probablement, à cause des conditions sanitaires, connaître une réduction de cette activité", précisent les auteurs de la note.

Un non recours très important

Ces chiffres du RSA n'offrent qu'une photographie partielle des foyers qui pourraient potentiellement bénéficier de ce dispositif. Selon une enquête du ministère de la Santé publiée en juin dernier, le taux de recours au RSA était d'environ 50% en France. Ce qui signifie qu'environ 1,7 million de personnes (chiffres de 2011) étaient éligibles et n'en bénéficiaient pas. Au total, près de 432 millions d'euros ne seraient pas alloués. "La méconnaissance du RSA, ou sa mauvaise connaissance, explique pour l'essentiel le non-recours à la prestation", indique la direction statistique du ministère. À cela s'ajoutent tous ceux qui passent en dehors des enquêtes administratives et recensements.

Grégoire Normand
Commentaires 11
à écrit le 02/12/2020 à 11:10
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Ts ces précaires, les jeunes en particulier, jeunes diplômés ou pas sont les sacrifiés de cette crise. Pour les plus "chanceux" ( doux euphémisme), les familles se serrent certainement pour les soutenir. Mais pour l'immense majorité des autres ??... ...

le 02/12/2020 à 22:01
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Les secteurs en tension le sont pour de très bonnes raisons, difficiles et mal rémunérés (cf. abus d'heures supplémentaires pour compenser). Pourquoi voulez-vous qu'un jeune (ou sans emploi en reconversion) veuille s'auto-crucifier dans des voies de ...

le 16/12/2020 à 15:23
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Bon il y a aussi beaucoup de jeunes qui manquent de courage. Les gens se vont laver le cerveau sur les réseaux sociaux et autres TV réalité. Ils pensent tous finir sur you.tube ou autres. N'ont pas le gout de l'effort. Sans compter les assistés p...

à écrit le 02/12/2020 à 8:20
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Bernard Arnault président ! Je ne vois que lui pour nous sortir de ce cercle vicieux de la récession politicienne, ces gens qui pendant qu'ils parlent, tout le temps, une véritable pathologie, nous sombrons.

à écrit le 02/12/2020 à 3:09
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Une bonne nouvelle pour le socialisme, de nouveaux emplois de fonctionnaires seront créés pour soutenir la demande du tourisme social...

à écrit le 02/12/2020 à 2:11
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Les beneficiaires des banques alimentaires ont augmenté de 20% avec la crise. Les Français sont généreux mais le problème est l'appauvrissement généralisé du pays en cas de crise. Il faut inventer un monde beaucoup plus sur, beaucoup plus sécurisé ou...

le 02/12/2020 à 11:29
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Pavé de bonnes intentions. Oui mais comment ?? Par ex, lutter contre les importations asiatiques qui st stimulées par des aides de ces Etats ou des politiques encouragées de dumping des firmes (cas de Huawei) par des taxes carbone aux frontières ( l...

à écrit le 01/12/2020 à 21:30
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La macronie est d'une telle immaturité que chaque décision qu'elle prends se retourne contre l'économie de la France ; Il faudra bien que les macronistes du début, et ceux qui désertent pour se faire oublier inclus, payent la note par un rejet mas...

le 01/12/2020 à 22:06
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Bah, qui de crédible pour s'opposer à Macron en 2022 ? Le Pen et Melenchon, le duo-miroir de vieux loosers populistes brun/rouge, Bayou ou Piolle pour EELV, et Hidalgo pour le PS qui ne peuvent plus se sentir... chez LR c'est encore pire. Un bouleva...

le 02/12/2020 à 9:17
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Cupable pour le misere des francais sont les francais meme. Ils s'opposent contre n'importe pas quel mesure et n'importe pas quel reforme propose par n'importe pas quel president. Vous avez videe la caisse de l'etat et maintenant vous payerez pour l...

le 02/12/2020 à 13:37
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A supposer que les élections de 2022 puissent se tenir:je suis très pessimiste sur la résolution de la crise sanitaire vu l'indiscipline des français.

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