Plan de relance : « l'objectif de court terme sera atteint en avance, selon les prévisions »

ENTRETIEN- Le commissaire adjoint de France Stratégie Cédric Audenis dresse un premier bilan du plan de relance français plutôt positif même si de nombreuses mesures restent à évaluer dans les prochains rapports du comité d'évaluation. En matière de soutien à l'investissement industriel et à la modernisation de l'industrie, le comité n'est pas "en mesure de garantir à ce stade que les objectifs spécifiques en matière de transition écologique et de résilience soient atteints".
Grégoire Normand
Cédric Audenis a été conseiller économique au cabinet du Premier ministre Manuel Valls entre 2014 et 2017. Il a également été chef du département de la conjoncture à l'Insee.
Cédric Audenis a été conseiller économique au cabinet du Premier ministre Manuel Valls entre 2014 et 2017. Il a également été chef du département de la conjoncture à l'Insee. (Crédits : Thierry Marro)

LA TRIBUNE- Le plan de relance a été annoncé il y a plus d'un an par le gouvernement. Quel bilan général dressez-vous de cette enveloppe de 100 milliards d'euros ?

CEDRIC AUDENIS- Le dispositif France Relance avait une double ambition. Il avait d'abord un objectif de court terme qui consistait à soutenir l'activité pour retrouver en 2022 le niveau d'avant-crise et un objectif de moyen/long terme pour préparer l'économie française aux enjeux des transitions écologique et numérique. Un an après, il apparait que les modalités de mise en œuvre ont privilégié la rapidité et les objectifs opérationnels assignés semblent atteignables. A la fin du mois d'août 2021, 47 milliards d'euros ont été engagés, si bien que le comité a considéré que l'objectif fixé par le gouvernement de 70 milliards d'euros à la fin de l'année 2021 était atteignable. Sur le plan macroéconomique, le comité a constaté que l'objectif de court terme serait atteint en avance, puisque les prévisionnistes anticipent que le niveau d'activité de 2019 serait retrouvé d'ici la fin 2021.

La taille du plan de relance en France est-elle comparable à ses principaux voisins européens ?

A part l'Italie qui se distingue avec un montant très important, on retrouve des plans de même ampleur (autour de 4% du PIB) pour la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. L'Espagne est légèrement au-dessus avec cinq points de PIB. La France ne se distingue donc pas de ses principaux partenaires européens de ce point de vue là.

En revanche, ce qui différencie les pays européens est la proportion du plan financé par les subventions européennes. La France bénéficie de 40% de subventions européennes, un peu plus que l'Allemagne. Pour l'Espagne, cette part s'élève à 100%. Cette proportion est également très élevée en Italie.

Comment se distingue la France de ses principaux voisins ?

Les plans cochent peu ou prou les mêmes cases relatives à la rénovation thermique des bâtiments, aux mobilités vertes, à l'innovation et au pouvoir d'achat mais avec des pondérations différentes. La France se caractérise par une baisse structurelle de la fiscalité sur la production alors que les autres pays ont utilisé des baisses d'impôt temporaires. La France se distingue également (avec l'Allemagne) par une vitesse de décaissement plus rapide. La France se caractérise enfin par un poids plus important des mesures d'offre dans son plan de relance.

Quel a été l'impact du plan de relance sur la croissance et l'emploi depuis le début de sa mise en œuvre ?

Pour l'instant, le comité peut juste constater que l'objectif de court terme est atteint, tout en soulignant que la contribution spécifique de France Relance à la réalisation de cet objectif ne peut pas être estimée à ce stade, même si les 47 milliards d'euros déjà engagés de France Relance ont certainement contribué à cet objectif.

En matière de transition écologique, le plan de relance a-t-il tenu ses promesses ?

Sur la rénovation thermique des logements et des bâtiments publics, que le comité a étudié en détail, les dispositifs ont été mis en œuvre très rapidement. Les objectifs opérationnels sont en passe d'être atteints voire même dépassés. Sur les logements, il y avait un objectif de 700.000 demandes de MaprimRénov' validées avant la fin de l'année 2022. Il y en avait 551.000 validées en septembre 2021. Sur les neuf premiers mois de l'année 2021, en particulier, 460.000 dossiers ont été validés pour 1,4 milliard d'euros d'aides. L'essentiel des montants (80%) attribués au titre de MaPrimeRénov' ont été versés aux ménages modestes et très modestes, ce qui laisse supposer que l'effet d'aubaine est limité.

Sur les bâtiments publics, il y avait une enveloppe globale de 4 milliards d'euros. 2,7 milliards étaient destinés aux bâtiments de l'Etat et 1,3 milliard aux bâtiments des collectivités locales. Sur les bâtiments de l'Etat, l'enveloppe est déjà engagée à 100%, avec plus de 4 000 projets sélectionnés.

En revanche, nous ne disposons tant pour les logements que pour les bâtiments publics que d'estimations sur les économies d'énergie ex-ante, il est donc trop tôt pour savoir à quelles économies d'énergie effective ces rénovations vont conduire.

Le comité d'évaluation a également travaillé sur le plan "un jeune, une solution". A combien de jeunes le dispositif a-t-il profité ?

Au pic de la crise, au deuxième trimestre 2020, il y avait une grande crainte que les recrutements soient gelés, et les jeunes arrivant sur le marché du travail à partir de septembre 2020 en auraient été les premières victimes. C'est ce qui a motivé le plan « un jeune, une solution », et là encore, on peut dire que l'objectif macroéconomique est atteint. Le taux d'emploi des jeunes a retrouvé son niveau d'avant-crise dès le premier trimestre 2021.

Plus de 2,1 millions d'aides ont été versées à fin septembre 2021 (certains jeunes ayant pu bénéficier de plusieurs aides). Il s'agit principalement de primes à l'embauche, d'aides à l'alternance, de garanties jeunes et d'entrées en formation. En termes de montants, 5,1 milliards d'euros ont été engagés. Beaucoup de ces mesures existaient avant la pandémie ou avaient déjà été mises en œuvre et elle avaient été évaluées favorablement. Ces mesures ont été massifiées à l'occasion de France Relance dans le plan "un jeune, une solution".

Même si elles avaient déjà fait leurs preuves, ces mesures doivent faire l'objet d'une évaluation, l'efficacité d'une aide peut en effet décroître quant on élargit sa cible. Concernant les primes à l'embauche, les premières évaluations montrent qu'elles auraient un impact sur les jeunes en contrat long mais pas sur le taux d'emploi des jeunes au total. Il y a eu un effet de "substitution" des CDD courts par des contrats longs pour les jeunes de moins de 26 ans. Les contrats d'apprentissage sont également en forte croissance ; il n'est pas possible à ce stade de quantifier l'effet des mesures prises dans le plan de relance, par rapport à celui des réformes antérieures (notamment la loi de 2018).

En matière de soutien à l'investissement industriel et à la modernisation de l'industrie, quels sont les principaux enseignements de votre rapport ?

Les deux dispositifs de soutien à l'investissement et à la modernisation ont eu un grand succès, et ont surtout bénéficié aux PME. Sur le soutien à l'investissement et à la modernisation de l'industrie, les PME représentent 61% du montant total. Sur le guichet industrie du futur, les PME-TPE représentent 96% du montant global. Les PME soutenues se situent en particulier dans des secteurs en première ligne pendant la crise, tels que les sous-traitants dans l'aéronautique et l'automobile.

Le comité a néanmoins exprimé deux bémols. Premièrement, le guichet industrie du futur a eu un grand succès mais les projets soutenus concernent plutôt des actions de modernisation de chaines de production des PME, ce n'est pas forcément de l'industrie du futur au sens propre. En outre, en matière de modernisation et de soutien à l'équipement dans l'industrie, nous ne sommes pas en mesure de garantir à ce stade que les objectifs spécifiques en matière de transition écologique et de résilience soient atteints. C'est un risque que le comité a tenu à souligner.

Avez-vous remarqué des effets d'aubaine importants dans ce plan de relance ?

Une part d'effet d'aubaine est inhérente aux politiques publiques, et ce qui compte, c'est de mettre en regard, l'effet d'une politique, au global, rapportée à son coût.

Ceci étant dit, sur les mesures d'urgence, telles que l'activité partielle ou le PGE, les effets d'aubaine étaient assumés, il y avait urgence à agir. Sur un plan de relance, le gouvernement peut se permettre de mieux cibler, et c'est d'ailleurs ce qui a été fait.

Pour l'essentiel, la seule mesure qui n'est pas ciblée, c'est la baisse des impôts de production, elle peut donc donner lieu à des effets d'aubaine. Mais plusieurs études comme celles réalisées par le conseil d'analyse économique (CAE) ou le rapport de France Stratégie ont montré que les niveaux élevés d'impôts de production en France étaient néfastes à la compétitivité de l'industrie française. Même s'il y a un effet d'aubaine pour certaines entreprises, ces éléments montrent a priori que cette mesure devrait avoir un effet positif. Le comité devra vérifier cet effet dans des prochaines évaluations.

Selon un récent baromètre Xerfi, près des deux tiers des entreprises qui ont répondu à l'enquête expliquent qu'elles ont entendu parler du plan de relance sans vraiment en connaître les dispositifs. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Cela peut se comprendre : ce qui importe pour une entreprise est de connaître les mesures auxquelles elle a droit. Aucune entreprise n'a besoin de connaître l'ensemble du plan de relance. Certaines entreprises bénéficient même du plan de relance sans le savoir. C'est par exemple le cas de la baisse des impôts de production.

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Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 08/11/2021 à 13:48
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"l'objectif de court terme" : Celui avant les élections présidentielles de 2022 ? Oui, il est atteint, mais l'objectif à long terme ?

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