Lors de la présentation des objectifs de son plan France 2030, Emmanuel Macron a mis l'accent sur la nécessité d'innover pour décarboner l'industrie française avec, comme corollaire à cette ambition, la nécessité de disposer d'une chaîne d'approvisionnement en métaux et en terres rares (des matières minérales aux propriétés uniques), qui soit moins dépendante des importations pour fabriquer les batteries des véhicules électriques, les futurs mini-réacteurs nucléaires mais aussi les panneaux solaires ou encore les éoliennes. Aujourd'hui, par exemple, la France importe 98% des terres rares dont elle a besoin, un marché dominé par la Chine, dont le président a souligné à titre d'exemple combien le géant asiatique avait investi dans le secteur métallurgique lorsque la France, mais aussi l'ensemble des pays de l'OCDE, se désintéressait de l'investissement dans le secteur.
Créer des emplois
Hormis Eramet, qui exploite des gisements de nickel en Nouvelle-Calédonie - avec le risque qu'elle devienne indépendante à l'issue du référendum prévu de se tenir le 12 décembre prochain -, mais aussi du manganèse au Gabon et bientôt du lithium en Argentine, ce secteur reste le parent pauvre de l'industrie française. Or l'enjeu n'est pas seulement de souveraineté et de stratégie, il permet aussi de créer des emplois à valeur ajoutée dans l'industrie.
Si le développement d'un secteur minier en Europe est une option, il se heurte fréquemment à la contestation des ONG environnementales et des citoyens au nom du NIMBY (pas dans mon jardin) ou plus simplement à l'accès à la ressource. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron a souligné l'importance du développement du recyclage des métaux pour réduire notre dépendance.
Améliorer le taux de récupération
Or, dans ce cas aussi, des progrès sont à faire. Si certains matériaux de base comme le cuivre ou précieux comme l'or ou l'argent se recyclent facilement, il n'en est pas de même pour les terres rares ou d'autres petits métaux dont la collecte, le tri et la récupération peuvent s'avérer bien plus coûteux que l'achat auprès des producteurs primaires. Aujourd'hui, ce taux de recyclage dépasse rarement 15%. Dans ce cas aussi, investir dans la recherche et l'innovation pour trouver des moyens d'améliorer au meilleur prix le taux de récupération a été souligné par le président. Ce dernier a également évoqué la recherche de produits "substituables" via des innovations de rupture.
A ce sujet, on peut évoquer le cas des batteries pour les voitures électriques. Ainsi, la substitution d'une batterie LFP (lithium, fer, phosphate) à la batterie NCA (Nickel, cobalt, aluminium) oblige à recycler davantage de lithium que de nickel, dont le coût du recyclage est aujourd'hui bien moindre que celui du lithium. C'est la raison pour laquelle la Commission européenne dans sa directive batteries a fixé à 65% le taux de recyclage. Ce faisant,e exige des producteurs qu'ils prévoient cette opération dès la conception de la batterie primaire. Ces normes sont de nature à orienter la recherche vers des batteries à la composition différente.
Explorer les grands fonds marins
Enfin, l'exploration des grands fonds marins évoqués par le président fait aussi partie d'une évaluation de leur composition minérale. Généralement situé sous les 5.000 mètres, on y trouve des nodules polymétalliques qui contiennent nombre de métaux comme le nickel, le manganèse ou le cobalt qui aujourd'hui font partie des métaux stratégiques indispensables à la transition énergétique.
Comme pour les métaux, le président de la république a insisté sur la nécessité de réduire notre dépendance aux importations de semi-conducteurs (puces), dont la pénurie actuelle est en train d'obliger les constructeurs automobiles à réviser à la baisse leur production.
Emmanuel Macron a souligné que l'Europe ne produit que 10% de ces puces indispensables au fonctionnement des appareils électroniques. Il y a déjà une initiative européenne portée par le commissaire Thierry Breton : "L'Europe mettra des moyens. On y travaille très vite et il y a énormément d'appétit. Les choses verront le jour avant la fin de l'année", assurait-il en juin dernier à La Tribune. Si le président s'inscrit dans ce cadre européen, il a également souhaité non seulement augmenter les capacités mais aussi développer l'innovation pour réduire encore la taille des puces pour doubler la production électronique, grâce à l'investissement de "6 milliards d'euros", a-t-il indiqué.
Reste à savoir si cette série d'annonces peut se traduire par une accélération du développement des métaux stratégiques ainsi que des semi-conducteurs. Volontariste, Emmanuel Macron l'a répété tout au long de son intervention, ce plan France 2030 doit également s'articuler avec les projets des autres pays membres de l'Europe. Ce qui constitue également un défi au regard de la période impartie pour faire une telle transition de rupture.