Plein emploi : le Medef cible les chômeurs, estimant que « durcir les règles d'indemnisation ne suffira pas »

Par latribune.fr  |   |  990  mots
Pour Patrick Martin, « la priorité, c'est que la politique de l'offre se concrétise » (Photo d'illustration) (Crédits : Laurent Cerino/ADE)
La réforme de l'assurance-chômage « est un élément de réponse », a concédé le président du Medef, Patrick Martin au micro de BFM Business, convenant qu'un durcissement des règles d'indemnisation « fera probablement revenir à l'emploi 100.000 à 150.000 chômeurs ». Mais pour lui, « ça ne suffira pas ». De quoi faire grincer les dents des syndicats, une semaine après l'annonce de la suppression de l'allocation pour les chômeurs en fin de droits (ASS).

Le patron des patrons ne mâche pas ses mots. Le président du Medef, Patrick Martin, a estimé ce mardi que « durcir les règles d'indemnisation du chômage ne suffira pas » pour atteindre le plein emploi. Cohérent avec la position de l'organisation patronale, il plaide ainsi plutôt pour le maintien de la politique de l'offre.

La réforme de l'assurance-chômage « est un élément de réponse », a-t-il concédé au micro de BFM Business, convenant qu'un durcissement des règles d'indemnisation « fera probablement revenir à l'emploi 100.000 à 150.000 chômeurs ». Mais pour lui, « ça ne suffira pas ».

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Ces propos interviennent alors que, la semaine passée, Gabriel Attal a annoncé une réforme de l'allocation de solidarité spécifique. Pour rappel, l'ASS est une prestation versée par France Travail (ex-Pôle emploi) aux chômeurs arrivés en fin de droits de l'allocation chômage, aussi appelée allocation de retour à l'emploi (ARE). Le Premier ministre en a confirmé mardi dernier la suppression pure et simple. Une décision qui avait alerté les organisations représentatives des salariés.

« On va avoir des hommes et surtout des femmes qui vont se retrouver à avoir rien du tout (...) parce qu'il y a par exemple un Smic chez le conjoint », avait ainsi averti Denis Gravouil, de la CGT.

Le Medef vigilant sur le « climat social »

Pour le président du syndicat des cadres CFE-CGC François Hommeril, le gouvernement « décroche petit à petit les dispositions qui existent et permettent aux gens qui sont en situation de précarité momentanée dans leur carrière d'acquérir quand même des droits à la retraite ».

En « supprimant l'ASS, on enlève au demandeur d'emploi la validation de trimestres pour la retraite de base et l'obtention de points pour la (retraite) complémentaire », avait alerté de son côté Michel Beaugas, de Force ouvrière.

Ce mardi, le président du Medef semble toutefois être bien conscient du contexte, très récemment marqué par la grogne agricole. Patrick Martin a ainsi semblé mettre en garde contre des mesures trop drastiques, observant « qu'en l'état, le climat social, le dialogue entre partenaires sociaux, sont plutôt apaisés : c'est important dans un pays assez inflammable, irritable et fracturé, de préserver cette bonne qualité de dialogue », a-t-il dit.

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Pour lui, « la priorité c'est que la politique de l'offre se concrétise ». À ses yeux, la France doit donc « gagner en compétitivité », a-t-il martelé, suggérant en particulier de « réallouer des charges sociales encore à ce jour abusivement supportées par les entreprises et les salariés ». Il « croit savoir » que c'est « l'angle principal sur lequel le gouvernement veut travailler ».

Le débat sur le Mercosur, « passionnel, irrationnel et politisé »

Interrogé sur l'épineuse question des salaires, dans un contexte marqué par la période des négociations annuelles obligatoires (NAO) au sein des entreprises, Patrick Martin a défendu les patrons. Il a fait valoir qu'« en 2024 les entreprises verseront des augmentations supérieures à ce qu'on imagine être l'inflation sur l'année ».

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Quid de l'activité économique en France, alors que les premiers signes donnent, certes, le sentiment d'un ralentissement de l'inflation, mais - aussi - un léger coup de frein ? L'OCDE a prédit ce mardi une croissance de 0,6% du PIB français en 2024, contre 1,4% toujours officiellement envisagé par le gouvernement. De son côté, le patron des patrons pense qu'on sera « aux alentours d'un point », avec « un redémarrage » au second semestre. Il veut que l'Europe « déploie beaucoup plus vite » ses plans de soutien à l'économie, avec « des procédures allégées ».

Sur la lutte contre le réchauffement climatique, il a souhaité « des calendriers, une visibilité et des financements, idéalement des auto-financements ».

« Mais il faut que l'Union européenne soit cohérente et dise "voilà comment tous ensemble nous allons réussir à financer les objectifs de décarbonation" », a-t-il dit.

Il a dénoncé les délais de paiement aux entreprises des collectivités locales, particulièrement en outre-mer « où on a parfois des retards supérieurs à un an ». Il a suggéré de faire du « name and shame », c'est-à-dire de les citer publiquement, « ça calmerait certains ».

Concernant l'accord UE-Mercosur, il a répété souhaiter le développement des échanges avec l'Amérique du sud, assorti toutefois du respect par les pays concernés de conditions écologiques et sociales, mais a estimé que le débat sur cette affaire était devenu « passionnel, irrationnel et politisé ».

L'emploi des seniors sur la table

Cette déclaration intervient alors que des discussions entre les partenaires sociaux ont démarré vendredi dernier. Le dossier sur la table ? Les moyens permettant de maintenir les seniors en poste plus longtemps, et ce, alors que la réforme des retraites est rentrée en vigueur en septembre 2023 - repoussant notamment l'âge légal de départ de 62 à 64 ans. Sur ce sujet, syndicats et patronat ont jusqu'à fin mars pour parvenir à un accord.

Dans le détail, le patronat a notamment mis l'accent sur l'augmentation du taux d'emploi et sa volonté de simplifier les dispositifs existants, notamment pour les reconversions professionnelles, sans créer de charges supplémentaires pour les entreprises. Les syndicats de leur côté ont insisté sur la nécessité d'une formation tout au long de la vie, l'aménagement des carrières et la reconnaissance des métiers pénibles.

(Avec AFP)