« À l’occasion des Jeux olympiques, le risque de tensions sociales est important » (Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT)

ENTRETIEN - Le coprésident du comité de suivi de la charte sociale Paris 2024 met en garde l’exécutif contre toute tentation de mener des réformes « néfastes » dans les prochains mois.
Fanny Guinochet
Bernard Thibault, le 8 décembre à Paris.
Bernard Thibault, le 8 décembre à Paris. (Crédits : Corentin Fohlen/Divergence)

LA TRIBUNE DIMANCHE - La RATP vient de déposer un préavis de grève qui court de février à septembre. Faut-il s'attendre à des tensions sociales et des grèves pendant les Jeux olympiques?

BERNARD THIBAULT - Aucune organisation syndicale ne se met dans une posture qui lui permettrait de profiter des Jeux pour faire avancer ses revendications. Mais ces JO impliquent des contraintes d'organisation du travail qui doivent être prises en compte. Plusieurs entreprises (RATP, SNCF...) et certains services publics (hôpitaux, etc.) ,déjà en grande difficulté à cause du manque d'effectifs ou de la vétusté du matériel, sont directement impliqués dans la réussite de l'événement. Il n'est donc pas scandaleux que les agents qui seront mobilisés demandent des compensations. Le risque de tensions est donc important. Le climat social va aussi dépendre, dans les mois prochains, des réformes néfastes que le gouvernement peut être tenté de mettre en place. Je pense, par exemple, à la volonté de l'exécutif de réduire les conditions d'indemnisations des chômeurs. S'il y avait des annonces de cette nature avant les Jeux, cela pourrait conduire, légitimement, les organisations syndicales mais aussi les citoyens à réagir.

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Les salariés attendent des compensations. En même temps, les entreprises impliquées ont peu de marge de manœuvre budgétaire...

J'ai toutefois noté que, pour au moins une catégorie d'agents, celle des forces de l'ordre, on a su débloquer au plus haut niveau de l'État des fonds spéciaux et trouver de l'argent! J'observe aussi que la distribution des primes reste dans de nombreuses entreprises et services encore très floue : les montants et la manière dont ces primes sont réparties ne sont pas encore actés, parfois elles sont promises à des équipes en première ligne, mais pas aux personnels technique ou administratif... De quoi engendrer de la zizanie et des tensions.

Justement, faut-il s'attendre à une surenchère dans les demandes de primes?

Dans de nombreuses administrations, il n'y a pas de réelles négociations. À peine quelques discussions ici et là qui débutent. Peu d'employeurs ont pris la mesure de ce
que ces JO impliquent pour les travailleurs, leur surcharge de travail, les nouvelles contraintes. Je les invite à négocier avec les salariés, car il est impensable, par exemple,
qu'une entreprise les oblige à rester chez eux, au chômage partiel, parce qu'ils seront dans des zones où ils ne pourront pas circuler, ou qu'elle change unilatéralement les horaires de travail et les congés, qu'elle ferme le site le temps des Jeux... Ce sont autant de situations concrètes qui peuvent se présenter. Et qui n'ont pas, ou peu, été anticipées jusqu'à maintenant, et qui peuvent donc conduire à des réactions à chaud. Ce manque de discussions, de reconnaissance du travail, des qualifications risque d'avoir des conséquences importantes. Prenez par exemple le secteur de la sécurité privée, qui manque cruellement de personnel. Rien n'est fait pour revaloriser cette filière minée par la précarité - aujourd'hui les trois quarts des agents de sécurité sont autoentrepreneurs. Il serait utile d'avoir de nouvelles grilles de rémunération, cela permettrait d'attirer des travailleurs. Résultat: pour les JO, on va faire appel à des gens sans expérience, des étudiants, des retraités... La Région Île-de-France a certes débloqué des fonds pour cent cinq heures de formation, mais c'est loin d'être suffisant. Et j'interroge sur la prestation fournie, puisqu'une part du dispositif de sécurité va reposer sur des novices, alors même que l'on présente les JO comme un événement à risque.

Ces Jeux sont aussi pointés du doigt car, pour l'occasion, les logements étudiants sont réquisitionnés, les bouquinistes délogés, etc.

Hélas, à chaque fois qu'il y a eu des JO, un phénomène de « toilettage » de l'environnement se produit, pour rendre la ville plus accueillante, plus belle... C'est évidemment pour moi une importante préoccupation. Les syndicats ont alerté. Nous avonsdemandé que les utilisations de logements étudiants se fassent sur la base du volontariat. Mais nous n'avons pas toujours été entendus. Par exemple, nous n'avons pas pu empêcher l'ouverture des magasins de détail le dimanche. Le ministère de l'Économie l'a imposée, alors même que le patronat ne le demandait pas. Mais c'est, paraît-il, pour aider les petits commerces...

Peu d'employeurs ont pris la mesure de ce que ces JO impliquent pour les travailleurs

Est-ce que ces Jeux olympiques sont socialement responsables?

Jamais assez... Mais, et c'est une première, ils s'organisent avec des objectifs sociaux. Nous avons établi, en amont, une charte de seize engagements à suivre. Les syndicats et le patronat ont demandé à être présents dans les conseils d'administration des entreprises impliquées et des différents comités. Nous suivons les travaux, participons aux visites de chantiers locaux, sommes associés à toutes les réunions de sécurité. Nous avons pesé pour qu'il y ait davantage d'inspecteurs du travail mobilisés. Et les résultats sont là: certes, il y a eu 164 accidents du travail, mais c'est quatre fois moins que sur le reste des chantiers en France. Nous espérons que cette méthode sera une source d'inspiration pour les prochains grands événements sportifs, les JO mais aussi, pourquoi pas, la Coupe du monde de foot. Il faut que la présence des partenaires sociaux reste dans le patrimoine des Jeux. Ce serait une véritable avancée sociale.

Fanny Guinochet
Commentaires 7
à écrit le 05/02/2024 à 1:56
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Bien confortablement installe a une table de cafe parisien, les prebandes genereuses de l'etat a dispo. Parasite jusqu'a la lie. Pitoyable humanite.

le 05/02/2024 à 9:31
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si les jeux aggrave la dette de la france ne compter pas sur le contribuables pour combler le deficit c'est aux organisateurs et a eux seul de le prendre en charge avec le president de la republique puisque c'est un de ces jouet

à écrit le 04/02/2024 à 19:25
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je pense qu'a l'occasion des JO, pour feter ca de facon stalinienne donc tolerante car de gauche, tout un chacun artisan ou entrepreneur devrait se prendre pour des gooyear dans les locaux de la cgt!!!! et vu que c'est social et tolerant dans la bie...

à écrit le 04/02/2024 à 14:33
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J.O. 2024 ? Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile comment la Chine utilise tous les moyens pour que ses athlètes triomphent au niveau mondial....

à écrit le 04/02/2024 à 11:45
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A la ratp et à la sncf ils demandent 15000 salariés «  volontaires » - hors conducteurs et aiguilleurs - pour encadrer les flux de touristes dans les infrastructures de transports non payés bien sûr et sur leur temps perso ..avec Un discours infanti...

à écrit le 04/02/2024 à 11:04
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Pour l'instant c'est chaud pour ce énième comité thèodule français. Créé avec les organisations syndicales et patronales pour permettre de garantir la "pax romana" pendant la période des jeux du cirque organisés par Macronus 1er. Avec pour deuxième ...

à écrit le 04/02/2024 à 8:45
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Oui on s'en doute bien vu qu'avec un simple caillou on pourra bloquer la capitale ! C'est le moment idéal.

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