Une voix qui prend le contre-pied d'une des revendications principales des agriculteurs mobilisés en France : la fin des accords de libre-échange. Interviewé par France 2 ce jeudi matin, le patron du Medef Patrick Martin s'est montré favorable à l'accord UE-Mercosur. Une position qu'il justifie notamment au nom de l'emploi, tout en convenant qu'il faut se « laisser du temps ».
« Est-on prêt à supprimer 20% des emplois français ? », ceux concernés par le secteur de l'exportation, s'est demandé le président de l'organisation patronale, en soulignant que « si on ferme les frontières à des importations, le pays exportateur fermera ses propres frontières ».
« Il faut se laisser du temps et vérifier que les quatre pays sud-américains impliqués (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, ndlr) respectent le minimum sur le plan environnemental et social ». « On va moins aller vers la Chine, allons vers l'Amérique du sud, le jour venu », a-t-il résumé.
Le Mercosur, objet de discorde
Les propos du président du Medef tranchent avec l'une des revendications essentielles du mouvement des agriculteurs français : la fin des accords de libre-échange, accusés d'installer une concurrence déloyale entre les producteurs étrangers de denrées, non soumis aux mêmes normes sociales et environnementales que les agriculteurs européens.
Cette semaine, le gouvernement français a fait savoir qu'il n'était pas favorable, en l'état, à l'accord UE-Mercosur. Ce traité « n'est pas bon pour nos éleveurs et ne peut pas, ne doit pas être signé en l'état », a d'ailleurs souligné hier le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Il a promis que la France s'engagerait dans un « bras de fer » à Bruxelles pour que cet accord ne soit pas signé, en tout cas tel qu'il est actuellement.
L'exécutif bruxellois avait déclaré, la veille, qu'« à l'heure actuelle, l'analyse de la Commission est que les conditions pour conclure des négociations avec le Mercosur ne sont pas réunies ». Mais « les discussions continuent et l'Union européenne continue à poursuivre son objectif d'atteindre un accord qui respecte les objectifs de l'UE en matière de durabilité et qui respecte nos sensibilités, notamment dans le domaine agricole », avait-il néanmoins précisé.
Le Medef « partage beaucoup des préoccupations des agriculteurs sur la sur-réglementation et sur la stratégie de décroissance de certains décideurs européens », a de son côté assuré Patrick Martin. Avant d'estimer que l'on a « impérieusement besoin d'Europe en face des Etats-Unis qui sont en train de devenir très agressifs sur le plan économique, et de la Chine ».
Bruxelles fait des concessions
Sous pression, la Commission a fait cette semaine des concessions sur d'autres sujets : elle propose de renouveler pour une année supplémentaire, entre juin 2024 et juin 2025, l'exemption de droits de douane accordée à l'Ukraine depuis le printemps 2022 pour soutenir le pays en guerre. Mais en l'assortissant de « mesures de sauvegarde » renforcées limitant l'impact des importations de produits agricoles ukrainiens, lesquelles ont bondi de 11% en valeur sur un an en janvier-septembre 2023.
Sur les obligations de jachères imposées par la nouvelle Politique agricole commune (PAC), entrée en vigueur début 2023, la Commission européenne propose aux Vingt-Sept une « dérogation partielle » leur permettant de toucher les aides même sans respecter la proportion d'au moins 4% de terres arables en jachères.
Enfin, le ministre français de l'Agriculture, Marc Fesneau, a appelé mercredi à Bruxelles à « simplifier » rapidement les procédures de la Politique agricole commune (PAC), dont le secteur critique la complexité. Quant au patron de la FNSEA, il a appelé hier ses troupes « au calme et à la raison ». « L'attente est énorme » face au « cumul de normes et de règles », a ainsi souligné Arnaud Rousseau. Mais « il y a aussi beaucoup de sujets européens qui ne sont pas des sujets qui se règlent en trois jours ».
Par ailleurs, pour le patron du Medef, « la conjoncture n'est pas fameuse » et pousse des entreprises à déposer le bilan, « surtout dans le secteur du bâtiment et sa périphérie comme les agences immobilières ou les promoteurs immobiliers ». « Il faut faire revenir l'investissement vers l'immobilier, remettre en place un certain nombre de dispositifs », a-t-il plaidé, jugeant aujourd'hui « plus intéressant » pour un particulier « d'avoir un livret de caisse d'épargne, que de se mettre en risque en investissant dans l'immobilier ». Il croit en « un premier et un deuxième trimestres encore difficiles » pour la croissance et une hausse du chômage, avant une embellie due en particulier à « des augmentations de salaires, en moyenne supérieures à l'inflation ». « Il faut absolument soutenir l'activité économique », a lancé à plusieurs reprises Patrick Martin, évoquant notamment un « dispositif de charges sociales extrêmement pénalisant en France ». Pour lui, « c'est là qu'il faut rebattre les cartes ». Une revendication portée de longue date par l'organisation patronale.Alerte sur la conjoncture économique de la France
(Avec AFP)