C'est le premier coup de théâtre de la campagne présidentielle. Valérie Pécresse a réussi à coiffer au poteau tous les candidats mâles à la primaire des Républicains. En ces temps de mouvement #Metoo, cette performance politique séduit déjà au-delà de son camp : « Je voterais sans hésiter Pécresse en avril prochain, une femme présidente de la République, ça aurait de la gueule, et je ne supporte plus Emmanuel Macron », me confie un ancien électeur de l'actuel président, haut commercial à l'international, se définissant pourtant comme « de gauche ».
S'installer entre Zemmour et Macron
Si le programme de Valérie Pécresse est sans ambiguïté à droite toute (ce qui a permis de séduire la base des Républicains), avec pour objectif de contenir le phénomène Zemmour, la présidente de la Région Île-de-France, pourrait donc bien réussir à constituer un front « tout sauf Macron » bien plus large qu'on ne le pense aujourd'hui. C'est en tout cas tout l'enjeu pour elle dans les prochaines semaines : s'affirmer comme la seule candidate de la (vraie) droite, pour s'installer entre Zemmour et Macron, tout en s'adressant à l'ensemble des Français, y compris ceux du centre et du centre-gauche.
Un défi que n'avait pas relevé en son temps un certain François Fillon. L'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy était, il est vrai, cerné par les affaires judiciaires... Un des éléments de langage de la candidate résume d'ailleurs cette quadrature du cercle : « Une femme qui fait comme moi, comme l'ont fait Angela Merkel et Margaret Thatcher, peut défendre les intérêts de son peuple », a affirmé Valérie Pécresse au lendemain du premier tour de la primaire des Républicains.
Quelques mois plus tôt, lors du lancement de sa campagne, elle avait d'ailleurs déclaré : « Je suis 2/3 Merkel et 1/3 Thatcher ». Manière de s'adoucir (un peu) après le programme ultra-libéral de François Fillon en 2017 ? Valérie Pécresse a tout de même annoncé son intention de supprimer 150.000 postes de fonctionnaires...
Quand Barnier invite Pécresse à son QG
En attendant le grand soir, Valérie Pécresse souhaite rassembler son camp. Et pour l'instant, l'opération se passe sans trop de difficultés. Pour une fois depuis bien longtemps, les Républicains ne se sont pas entre déchirés. Xavier Bertrand qui pensait pourtant être l'opposant numéro 1 à Emmanuel Macron, s'est rallié sans broncher le soir du premier tour, accourant jusqu'au siège de campagne de Valérie Pécresse. D'autres ont eu plus de difficultés à faire acte d'allégeance : c'est le cas de Michel Barnier qui avait fini par croire à sa bonne étoile, et qui, après l'annonce de sa défaite, a proposé à Valérie Pécresse de passer à son QG pour recevoir son soutien plutôt que l'inverse !
« Le moniteur de ski, comme l'appelait Jacques Chirac, n'a peur de rien », s'amuse un bon connaisseur de la chiraquie. Résultat, face au refus de l'équipe Pécresse de se déplacer jusqu'au seigneur de Savoie, Barnier ne s'est fendu que d'un tweet de soutien. Les ténors de la droite ont toutefois permis à Valérie Pécresse de remporter le second tour de la primaire, même si Eric Ciotti a réussi à rassembler 40 % des suffrages ! Preuve que la « zemmourisation » de la droite continue de faire son effet jusqu'au coeur de LR.
Une team chiraquienne
Pour réussir ce défi de rassembler toutes les droites tout en réaffirmant son opposition aux candidatures d'extrême droite, Pécresse peut compter sur une équipe solide. Et c'est bien ce qui inquiète une partie de la macronie. Aux côtés de Valérie Pécresse, on trouve en effet le redoutable Patrick Stefanini. Ce préfet, pilier historique du RPR, a fait élire en son temps un certain Alain Juppé député du 18ème arrondissement à Paris, puis a été le directeur de campagne de Jacques Chirac à la présidentielle de 1995. Plus récemment, c'est lui qui permettra à François Fillon de remporter la primaire LR de 2016, mais aussi, un an plus tôt, à Valérie Pécresse de gagner la région Île-de-France face à Jean-Paul Huchon.
Ces deux là se connaissent donc depuis longtemps. Et Stefanini ne cesse de rappeler la « détermination » de sa candidate, histoire de montrer qu'elle est plus costaud que son ancien poulain François Fillon. Dans ses bagages, Stefanini a réussi à emmener également auprès de la candidate l'ancienne plume de François Fillon, le très envié Igor Mitrofanoff. De même, du coté des réseaux d'affaires, la communicante Anne Méaux, qui s'était déjà investi lors de la dernière présidentielle auprès de François Fillon, s'active en coulisses pour soutenir la candidature Pécresse.
Car derrière la versaillaise Pécresse, on trouve la Corrèze, terre chiraquienne par excellence, d'où est originaire son mari Jérôme. C'est d'ailleurs à Brive-la-Gaillarde que Valérie Pécresse a lancé son mouvement Libres ! à l'été 2019. C'est également dans cette sous-préfecture de Corrèze que la responsable de droite a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle en août 2021. « Je préfère prévenir, je suis là pour gagner », avait-elle alors lancé. Stefanini emmène donc avec lui toute la chiraquie historique qui a fini par se détourner largement d'Emmanuel Macron au cours du quinquennat. Un François Pinault, très déçu par Emmanuel Macron, ou une Claude Chirac pourraient facilement se laisser séduire par Valérie Pécresse et lui ouvrir leurs carnets d'adresse respectifs dans le monde économique et financier. Pécresse ratisse donc du coté des chiraquiens, mais aussi des sarkozystes, comme Brice Hortefeux. De là à imaginer que Nicolas Sarkozy la soutienne... Il y a encore une marge.
Philippe et Wauquiez, ses autres ennemis...
La candidature de Valérie Pécresse n'inquiète pas uniquement la macronie. Car celle qui a failli devenir Première ministre d'Emmanuel Macron, pourrait aussi assombrir considérablement l'avenir de Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles pour 2027. Idem pour Édouard Philippe, avec son mouvement Horizons, qui se positionne également sur cette prochaine échéance présidentielle. Pour Valérie Pécresse, la bataille se joue donc à la fois sur 2022 et 2027, tant elle peut bouleverser les plans de certains de ses concurrents.
Le retour de la guerre des égos à droite ? Cette future bataille montre au moins une chose : que la droite dans son ensemble a déjà tourné la page Macron. Et à ce jeu là, Laurent Wauquiez comme Edouard Philippe auraient tort de sous-estimer Valérie Pécresse : « Il ne faut jamais oublier qu'elle peut être très dure, inflexible, comme lorsqu'elle aurait voulu aller jusqu'au bout de sa réforme des universités, alors que Nicolas Sarkozy a préféré flancher », remarque un observateur. Comme elle le dit elle-même : 2/3 Merkel, 1/3 Thatcher... La guerre droite continue, hors les murs de LR !