La reprise de la croissance française dès le second semestre 2021, entraînant le recul du chômage, a encore accru la pénurie de main-d'œuvre déjà présente dans les secteurs du BTP, de l'industrie, et de l'hôtellerie-restauration. En Centre-Val de Loire, territoire d'industrie et de tourisme, où ses trois secteurs sont fortement représentés, près de 5.000 emplois ne seraient ainsi pas pourvus faute de candidats. « Ce manque concerne tous les métiers, des agents de fabrication aux techniciens et aux ingénieurs, peste Emmanuel Wasseneix, président de la Laiterie de Saint Denis de l'hôtel (LSDH) dans le Loiret. « Pour y remédier, les entreprises industrielles doivent redoubler d'ingéniosité avec un résultat non garanti de surcroît ».
Pour tenter de séduire de nouveaux salariés, les groupes de tailles intermédiaires et certaines PME du Centre-Val de Loire ont donc dégainé depuis un an une panoplie de solutions alternatives aux méthodes classiques de recrutement.
Affichage et street marketing
L'usine Wilo Intec, qui fabrique des circulateurs pour chauffage et climatiseurs à Aubigny-sur-Nère, dans le Cher, a ainsi sorti les grands moyens pour recruter. Elle a lancé en juin une campagne sur le réseau de panneaux d'affichage en 4X3 de JC Decaux dans les agglomérations voisines de Bourges, de Vierzon et de Gien. Une première en Centre-Val de Loire, selon l'afficheur. Côté résultats et retour sur investissement, la société Wilo n'a pas souhaité s'exprimer mais d'après nos informations, une proportion importante de la cinquantaine de postes ouverts a été pourvue par ce biais.
La Laiterie de Saint de Denis de l'Hôtel, spécialisée dans le conditionnement de liquides alimentaires et les salades en sachets, peine également à remplir son ambitieux plan de recrutements en 2022 et 2023. L'ETI loirétaine (800 millions d'euros de chiffre d'affaires et 1.500 salariés en 2021) propose ainsi 200 nouveaux postes dans ses trois unités du Centre-Val de Loire. Pour recruter une partie de ses futurs salariés, l'entreprise inaugurera à la rentrée des opérations de Street Marketing afin de faire connaître et valoriser sa marque, via une startup bordelaise.
Encore peu pratiquée dans l'Hexagone, la cooptation rémunérée des salariés tend par ailleurs à se généraliser sur le territoire. L'équipementier aéronautique Safran, basé à Issoudun, dans l'Indre, a commencé à tester des primes de parrainage de l'ordre de 300 à 600 euros à destination de ses collaborateurs. LSDH, qui propose depuis un an environ 1.000 euros à ses salariés qui sourcent de nouveaux collaborateurs, estime à 10% le pourcentage des embauches cooptées (et réussies) sur la totalité du recrutement. « Cette formule obtient un vrai succès grâce à la proximité entre parrains et filleuls, nous allons renforcer encore l'incitation », assure Emmanuel Wasseneix. « Les salariés sont les meilleurs ambassadeurs de leur entreprise à l'extérieur, abonde Jean Louis Jarry, PDG de la PME de batteries pour le secteur médical Vlad. « Ils peuvent gagner 1000 euros si le processus de recrutement va jusqu'au bout, période d'essai comprise. C'est loin d'être négligeable, notamment pour les petites rémunérations ». La société, basée à Parcay-Meslay en Indre-et-Loire, espère par ce biais combler en partie les 16 postes ouverts actuellement.
Le groupe de menuiserie Dubois, situé à Sepmes dans le sud de la Touraine, a quant à lui doublé récemment sa prime de cooptation de 1.000 euros pour attirer du sang neuf.
Nouveaux profils
« Face à des ressources humaines devenues une denrée rare, les entreprises de la région sont également contraintes d'évoluer dans le choix des profils recherchés », explique Christelle de Becdelièvre, directrice du cabinet de chasse de têtes Premi Homme (Artus Interim). « Ainsi, les seniors, jusqu'à présent délaissés voir exclus du marché du travail, ont désormais le vent en poupe. Il s'agit de l'une des grandes tendances du marché de l'emploi post Covid 19 ». Le retour en grâce de cette catégorie serait un pari largement gagné pour les employeurs qui, outre l'expérience et le conseil, bénéficient d'une stabilité professionnelle et géographique largement supérieure à celle des collaborateurs au début ou à mi-carrière.
De leur côté, les entreprises du maraîchage ne sont plus les seules à faire appel à la main-d'œuvre étrangère pour pallier le manque de salariés locaux. La Laiterie de Saint Denis de l'Hôtel a été récemment approchée par l'agence de travail temporaire IK Interkadra, spécialisée sur la main d'oeuvre des pays de l'Europe de l'Est. L'ETAI n'exclue plus de recruter en Pologne et en Roumanie, non pas en raison des niveaux de salaires moins élevés, mais dans l'objectif de ne pas devoir arrêter des lignes de production.