Le « Buy France Act » de Macron pour défendre l’industrie face aux Etats-Unis et à la Chine

Par Pauline Chateau et Coline Vazquez  |   |  1481  mots
Emmanuel Macron a présenté ce jeudi les contours du projet de loi « industrie verte ». (Crédits : Reuters)
Le chef de l'Etat présentait, ce jeudi, les contours du projet de loi « industrie verte », qui a pour objectif d'« accélérer » la « réindustrialisation » de la France. Il se rendra demain à Dunkerque dans le Nord, où va s'implanter une quatrième usine de batteries électriques avant de présenter, mardi, le projet de loi.

[Article publié le jeudi 11 mai 2023 à 16h24 et mis à jour à 18h50] « C'est une bataille économique, politique, territoriale et géopolitique », a asséné Emmanuel Macron, ce jeudi, quant à sa volonté de réindustrialiser le pays. Le chef de l'Etat a ainsi déploré que « la France se soit davantage désindustrialisée que les autres pays en Europe, (...) parfois on l'a laissée faire (...), et puis ça été subi. On a perdu 12 points de parts de l'industrie dans le PIB ». Et d'ajouter que nous avons « un différentiel de dix points par rapport à nos voisins allemands (...) [en termes de PIB par habitant]. Ce n'est pas tenable ».

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Emmanuel Macron présentait, ce jeudi après-midi, sa stratégie pour « accélérer » la « réindustrialisation » de la France, après avoir réuni plus tôt dans la journée les acteurs de l'industrie française. Ce cap sera ensuite illustré avec un déplacement vendredi 12 mai, à Dunkerque dans le Nord, où le groupe taïwanais ProLogium veut implanter une quatrième usine de batteries pour véhicules électriques en France, avec une entrée en production à partir de la fin de 2026. Suivront ensuite le sommet « Choose France » lundi, à Versailles, et la présentation mardi du projet de loi « industrie verte ».

« Immense défi du changement climatique et la protection de la biodiversité »

« On vit ces dernières années une accélération très forte du monde, d'un immense défi jumeau : le changement climatique et la protection de la biodiversité. Nous avons à faire une transformation de notre tissu industriel et productif », a ainsi détaillé le chef de l'Etat ce jeudi. « Cette accélération justifie d'avoir une stratégie d'industrialisation décarbonée », a-t-il ajouté.

« L'autre transformation est technologique (...) Elle révolutionne les méthodes de production, voire les produits eux-mêmes. Il faut décider vite, investir massivement pour être au sommet de la vague »

Enfin, « la troisième accélération est géopolitique : le retour des conflits (...), et des conséquences qui touchent directement notre capacité à produire (...) ».

Quatre piliers

« Nous avons engagé une politique résolue autour de quatre piliers : le premier est une politique macroéconomique de compétitivité », a détaillé Emmanuel Macron. « Le deuxième levier c'est l'investissement. Dès 2018 sur les batteries, l'électronique, l'IA ce sont plusieurs milliards d'euros qui ont été mis pour justement développer des verticaux avec des centres clés, a vanté le chef de l'Etat », rappelant que France 2030 a été bâtie pour poursuivre dans cette voie.

« La troisième approche est européenne, a-t-il poursuivi. Jusqu'alors l'Europe ne parlait qu'au consommateur (...). Elle faisait de facto le choix de renoncer à une base industrielle, si ça pouvait faire baisser les prix. Cette approche n'est pas soutenable »

« Le quatrième pilier c'est la stratégie territoriale, une alliance avec tous les territoires », a-t-il conclu, se félicitant d'avoir bâti 2.000 actions pour deux milliards d'euros.

Doubler la production de semi-conducteurs

« Pour la quatrième année consécutive, nous sommes le pays le plus attractif en termes d'investissements », a salué Emmanuel Macron, précisant que « 75% de ces investissements ce sont dans des villes moyennes de provinces ».

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« Au plan sectoriel sur les semis conducteurs, nous allons doubler la production de semi-conducteurs en particulier à Grenoble », a-t-il ainsi promis. Emmanuel Macron s'est également félicité que sur le plan de l'innovation, « nous avons des résultats très convaincants : 25.000 startups et créations d'entreprises au plus haut ».

« Réformer le lycée professionnel »

« J'aurais une politique de constance sur le plan macro économique. Notre pays a besoin d'augmenter la quantité de travail », a prévenu Emmanuel Macron, ajoutant que le deuxième levier consiste à « continuer à amener les Français vers l'emploi et l'industrie » afin de répondre au 60.000 emplois non-pourvus dans l'industrie. Pour cela, Emmanuel Macron veut « former plus d'ingénieurs », mais aussi « améliorer l'orientation », notamment dès la classe de cinquième.

« On va d'abord changer la carte des formations au plus près des territoires », a-t-il précisant voulant fermer les filières sans débouchées et ouvrir dans les filières dans le besoin. « On va investir dans le zéro décrochage avec des classes avec un plus petit nombre et aller vers le 100% insertion en améliorant le lien avec les entreprises », a-t-il encore détaillé à propos de la réforme du lycée professionnel.

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Emmanuel Macron veut également « rapprocher l'université et les milieux économiques » et « investir dans l'enseignement supérieur et dans Parcoursup »

« Accélérer les implantations industrielles »

« Lors de sa prise de parole, le chef de l'Etat a également indiqué sa volonté d'accélérer les implantations industrielles »estimant que « les délais réels, c'est 17, 18 mois. Avant, c'était plutôt 2, 3 ans ». Un objectif qu'il veut encore améliorer : « on doit les amener à un 9 mois garantis ». Et de promettre la mise en place d'une « procédure pour garantir ce délai ». « C'est un élément clé de compétitivité », a-t-il assuré.

Par ailleurs, Emmanuel Macron veut « diviser par deux le délai d'obtention des permis ». Plus encore : « pour des projets majeurs d'intérêt national, [il faut] une procédure exceptionnelle pour aller encore plus vite ».

De nouveaux produits d'épargne fléchés vers les industries vertes

Au sujet de l'épargne des Français, le chef de l'Etat a promis « le développement de produits nouveaux dans l'assurance vie et le PER pour les flécher vers les industries vertes, d'une part ». D'autre part, « de faire pour les industries vertes ce que nous avons fait pour les startups les fonds Tibi : mobiliser les financeurs institutionnels pour soulever plus d'argent et financer en fonds propres les acteurs du secteur ». « Au total, avec France 2030, ce cadre de financement doit nous permettre de rivaliser avec l'IRA américain », a conclu Emmanuel Macron.

Un bonus écologique en fonction de l'empreinte carbone

Quant au bonus écologique, « nous serons le premier pays européen à le réformer », a affirmé Emmanuel Macron, évoquant une « petite révolution » qui a pour objectif de soutenir les batteries et véhicules produits en Europe. En d'autres termes, la France veut « mieux prendre en compte l'empreinte carbone de la production du véhicule et que le soutien public soit ciblé sur ces objectifs ». « D'ici la fin de l'année, nous allons flécher le bonus automobile vers cela », a-t-il résumé.

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La réindustrialisation, c'est « la mère des batailles »

Le chef de l'Etat avait déjà annoncé la couleur dans un long entretien à l'hebdomadaire Challenges mercredi, affirmant que la réindustrialisation, c'est « la mère des batailles ».

« Réindustrialiser, c'est créer du pouvoir d'achat, financer notre modèle social », mais aussi « réduire le déficit du commerce extérieur »« Et puis, bien sûr, stopper le décrochage de cette France des territoires », a-t-il ainsi plaidé. Et d'insister : « Si on ne gagne pas la bataille de l'industrialisation, on ne pourra pas gagner celle du plein-emploi ».

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De son côté, Bruno Le Maire a décliné mercredi à La Tribune les « deux objectifs très clairs » du texte présenté ce jeudi : « produire de nouveau en France et produire mieux. Produire mieux, parce que nous voulons être la première puissance industrielle décarbonée en Europe ». Le ministre de l'Economie a assuré que le gouvernement avait commencé à « inverser la tendance avec la réforme de la fiscalité du capital en 2017, en créant un cadre fiscal favorable à l'industrie, notamment en baissant les impôts sur les sociétés et les impôts de production ».

« Avec ce projet de loi industrie verte, nous voulons accélérer la relance de notre machine à produire », s'est-il félicité, assurant qu'il a « plusieurs dizaines de milliers d'emplois industriels supplémentaires d'ici 2030 ».

Faire oublier la réforme des retraites

Un moyen pour le gouvernement d'essayer de faire oublier l'épisode orageux de la réforme des retraites au Parlement et dans la rue. Sans majorité absolue à l'Assemblée nationale, l'exécutif avait, en effet, employé un texte financier (Projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale) pour accélérer les débats et utilisé l'option constitutionnelle du 49-3 pour faire adopter le texte sans vote. Ce qui a provoqué plusieurs semaines de mobilisation, grèves et manifestations, sans pour autant parvenir à faire abandonner la loi promulguée le 14 avril dernier.

(Avec AFP)