
À la veille des mesures annoncées par Emmanuel Macron pour accélérer la réindustralisation et de son déplacement vendredi à Dunkerque pour imager ses propos, les contours du bonus écologique accordé aux voitures électriques se sont un peu éclaircis. « Nous finançons des usines de batteries, la production automobile en France. Nous sommes le continent qui se fixe les objectifs les plus ambitieux en particulier sur l'automobile, alors doit-on continuer à financer des voitures d'autres pays qui ne respectent pas les mêmes règles imposées ? Ce n'est pas cohérent. Il faut plutôt prendre en compte l'empreinte carbone des produits pour ce bonus écologique», a ainsi estimé l'Élysée lors d'une réunion avec la presse, ce mercredi.
Sous condition de l'empreinte carbone
Ce bonus, à hauteur de 5.000 euros, permet le financement des voitures électriques très coûteuses et reste nécessaire dans la transition. « Sur la seule force du marché actuel, vous n'avez aucune raison d'aller vers l'électrique », affirme Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'INSEEC.
« Il faut aider les revenus les plus faibles, mais il faut également que l'industrie européenne en profite », insiste Anne-Sophie Alsif.
Une préférence européenne avait été évoquée par le chef de l'Etat lors de précédentes interviews. Mais c'est finalement un bonus attribué selon l'empreinte carbone « qui fait sens », selon l'Elysée, dans un contexte de transition vers une mobilité décarbonée.
L'énergie pour produire les composants ou la batterie ainsi que le transport pourraient être analysés. À ce jeu, les constructeurs produisant en France pourraient être avantagés par la décarbonation de l'énergie grâce au nucléaire et à l'hydraulique. En effet, selon RTE, un kilowattheure produit dans l'hexagone ne dégageait que 56 grammes de CO2 en 2022 soit sept fois moins qu'en l'Allemagne, la grande puissance automobile européenne.
... à condition de simplifier sa mise en place
Mais pour que ce bonus puisse réellement profiter à la réindustrialisation, il va falloir qu'il soit simple à mettre en place, estime les analystes. Car mesurer l'empreinte carbone d'une voiture reste un casse-tête sans nom. Il faut pour cela mesurer l'empreinte de chaque composant selon l'usine dans laquelle il est produit et le type d'énergie utilisée par l'usine. Problème : une voiture possède une centaine de composants, parfois de rangs 3,4 ou 5 soit des pièces produites au début de la chaîne puis utilisées par d'autres usines avant d'être exportées dans les usines d'assemblage. « Je ne vois pas comment cela est possible », confirme un consultant spécialisé du secteur.
Pour faciliter la mise en place du bonus, le gouvernement pourrait éventuellement annoncer une empreinte carbone calculée sur la production de la batterie uniquement. Celle-ci représente, en effet, une part très importante des émissions du véhicule électrique.
« Pour une voiture de classe moyenne thermique, c'est 6 tonnes de CO2 à la production totale. Lors de la fabrication d'une batterie électrique de 50kwh qui alimente ces mêmes modèles, c'est 3,5 tonnes si elle est produite en France avec une énergie décarbonée, mais le double si elle vient de Pologne ou de Chine », explique Rémi Bastien, ancien directeur R&D chez Renault.
Les trois gigafactories du Nord de la France, complétée par la confirmation d'une nouvelle à Dunkerque du Taïwanais Prologium, seront alors privilégiées par ce bonus écologique. Mais pour le moment, peu de véhicules électriques seront équipés de ces batteries car la première usine inaugurée sera celle d'ACC (consortium entre TotalEnergies, Stellantis et Mercedes) fin mai. Elle devrait délivrer 50.000 batteries d'ici fin 2023.
Vers d'autres options plus judicieuses ?
D'autres solutions pourraient être envisagées, avec, elles aussi, leur lot de difficultés. Une préférence géographique de production comme l'IRA (Inflation Reduction Act) aux Etats-Unis pénaliserait, en effet, Renault avec sa Dacia Spring produite en Chine et favoriserait certains modèles de Tesla produits à Berlin.
Autre option un temps évoquée par le gouvernement : un bonus attribué en fonction de l'usage et orienté à destination des ménages qui font le plus de kilomètres sans avoir la possibilité de changer de véhicules comme les infirmiers libéraux par exemple. Alors que les trajets longs du quotidien représentent 60% des émissions, ce fléchage semble plus « intelligent » selon Rémi Bastien. « Il faut flécher l'accès à la voiture électrique de taille raisonnable à des publics qui en ont vraiment besoin. Il faut s'assurer que l'on protège les bonnes personnes. »
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