Le calendrier sur le projet de loi industrie verte s'accélère. Après les trois mois de débats houleux sur les retraites, la Première ministre, Elisabeth Borne, a détaillé sa feuille de route particulièrement chargée pour les prochains mois. Parmi les priorités évoquées, figure la présentation du projet de loi industrie verte en Conseil des ministres à la mi-mai. Le texte sera ensuite débattu au parlement au cours de l'été.
Un sujet dont s'est saisi le mouvement des entreprises à impact. À quelques jours des derniers arbitrages, il vient de dévoiler, dans une note confidentielle consultée par La Tribune, un arsenal de propositions détonantes dans les milieux dirigeants. L'objectif : « développer une compétitivité écologique et sociale », affirme Caroline Neyron, directrice générale du mouvement Impact France, qui jugerait « dommage » que « le projet de loi industrie verte [soit] présenté sans de vraies incitations ». « Si on n'incite pas les grandes entreprises aujourd'hui, elles iront droit dans le mur en 2050 », insiste-t-elle.
Pour rappel, ce projet de loi vise « à renforcer l'attractivité de la France pour l'implantation des grandes technologies de la décarbonation », souligne Matignon. Le mouvement des entreprises à impact regroupant des entreprises comme l'Occitane en Provence ou 1083 en Isère a fait appel à des économistes, des chercheurs et des think tank comme Shift project, engagés dans la décarbonation de l'économie, pour présenter cette trentaine de propositions.
Conditionner la baisse des impôts de production
La première concerne la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Le gouvernement s'est engagé à poursuivre sa politique de l'offre en baissant les impôts de production entamée lors du premier quinquennat Macron. La suppression de la seconde tranche de la CVAE devrait ainsi avoir lieu cette année. Au total, « l'effort serait de 9 milliards d'euros sur deux ans », précisent les services de la Première ministre. Sur ce sujet sensible, le mouvement des entreprises à impact propose de « réserver la suppression de la deuxième tranche de la CVAE aux entreprises engagées dans une transformation systémique de leur modèle ».
Cette proposition risque de raviver les débats sur l'efficacité de la baisse de la fiscalité et de la conditionnalité des aides. « La première tranche a été accordée sans mesures de transparence, ni d'engagement. La CVAE doit être éco-conditionnée comme d'autres aides publiques », souligne Caroline Neyron. Ces conditionnalités peuvent « concerner par exemple la publication sur les engagements écologiques et sociaux dans un impactscore », poursuit la porte-parole. Parmi les indicateurs proposés, la publication de l'empreinte carbone des entreprises et des emplois inclusifs pourraient faire partie des critères. Elle considère que « la fiscalité doit retrouver son rôle d'intérêt général. Ce sont des coûts évités pour la société ». Le lobby propose également de mettre en place un crédit d'impôt pour l'achat d'équipements reconditionnés pour les TPE et les PME.
Verdir le crédit d'impôt recherche (CIR)
Toujours sur le plan fiscal, le mouvement patronal propose également d'intégrer une dimension environnementale et sociale dans les critères d'attribution des Crédits d'impôt Innovation et Crédits d'impôt recherche (CIR). Aujourd'hui, le crédit d'impôt recherche qui représente environ 6 milliards d'euros est « centré sur l'innovation technologique et moins sur l'innovation écologique et sociale», regrette Caroline Neyron.
Elle prend l'exemple d'associations ou d'infrastructures qui luttent contre la précarité énergétique ou le gaspillage alimentaire. « Jamais, ces associations ne touchent un euro du CIR. Or, ces structures inventent des nouvelles pratiques », explique-t-elle. Lors de leurs récentes interventions, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, et le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, ont néanmoins ouvert la voie à « un verdissement » du crédit d'impôt recherche, chasse gardé des milieux patronaux.
Enfin, en matière de financement, le groupe de pression propose un prêt écologique garanti par l'Etat, à l'image du prêt garanti par l'Etat (PGE) octroyé pendant la pandémie. Il serait remboursable 10 ans après l'octroi. « Les entreprises ont absolument besoin de fonds propres pour faire leur transformation économique et sociale », souligne Caroline Neyron.
Faciliter l'accès aux métiers de l'industrie et améliorer l'attractivité du secteur
La longue période de désindustrialisation tricolore s'est accompagnée d'une chute des vocations pour les métiers industriels. Pendant des décennies, les jeunes ont boudé les filières de formation débouchant sur la production industrielle. Pour redorer l'image de ces filières et répondre au manque de bras dans l'industrie, les entreprises à impact veulent créer une filière de formation initiale et de formation continue dédiées aux métiers de l'industrie verte. « L'objectif est d'avoir des formations portées sur l'industrie verte avec des approches théoriques et pratiques. Aujourd'hui, les parcours de formations sont éloignés de la transition », indique Caroline Neyron. « Il faut mettre l'accent sur les jeunes et les femmes et rendre les filières attractives », conclut-elle. Reste à savoir si ces propositions vont retenir l'attention de Bercy et Matignon.