
[Article publié le jeudi 04 mai 2023 à 12h58 et mis à jour à 13h34] Faire de la voie professionnelle « une voie d'excellence ». Emmanuel Macron a présenté la réforme du lycée professionnel ce jeudi, lors d'un déplacement en Charente-Maritime. Le chef de l'Etat, qui poursuit ses visites de terrain au rythme d'une à deux sorties par semaine depuis la promulgation de la réforme des retraites, était attendu vers 11h45 au lycée technologique et professionnel Bernard Palissy à Saintes.
Emmanuel Macron était accompagné des ministres de l'Education nationale Pap Ndiaye, du Travail Olivier Dussopt, en première ligne sur les retraites, et de l'Enseignement professionnel Carole Grandjean. Déterminé à reprendre la main et à tourner la page de la crise des retraites avec des sujets proches des préoccupations des Français, Emmanuel Macron a dévoilé les grandes lignes d'une réforme qu'il avait annoncée lors de la campagne de 2022 et entend « accélérer ».
« Une cause nationale »
Le locataire de l'Elysée a ainsi confirmé investir un milliard d'euros par an pour les lycées pro, couplé à un objectif de 100% d'insertion des lycéens. A ses yeux, cette réforme n'est « pas simplement une réforme », mais « une cause nationale ». Il a donc fixé trois objectifs : « s'attaquer au décrochage » scolaire, l'insertion professionnelle et la reconnaissance de l'engagement des enseignants des lycées professionnels.
Dans les faits, l'exécutif désire renforcer l'attrait pour ces filières, en donnant accès à des formations plus qualifiantes, notamment. Déjà mercredi soir, Emmanuel Macron avait promis d'investir « près d'un milliard par an » pour les lycées professionnels, dans une tribune publiée sur Facebook et LinkedIn. « Le but, c'est que chacun puisse trouver un bon métier, un métier avec un bon salaire, et qui a du sens », a-t-il souligné.
Les lycéens stagiaires rémunérés par l'Etat
Un tiers des lycéens, soit environ 621.000 élèves, sont scolarisés en lycée professionnel, un public souvent « fragile, jeune et hétérogène », relève une conseillère présidentielle. Seul un bachelier professionnel sur deux et un quart des élèves titulaires d'un CAP parviennent à s'insérer dans l'emploi dans l'année suivant l'obtention de leur diplôme. Et parmi ceux qui poursuivent en BTS, un trop grand nombre décroche dès la première année, souligne l'Elysée.
Pour augmenter l'attractivité de ces filières techniques, les lycéens stagiaires vont être rémunérés par l'État dès la rentrée prochaine, avait esquissé l'Elysée auprès de l'AFP. Des indemnités de stage comprises entre 50 et 100 euros par semaine seront versées, a précisé Emmanuel Macron.
Le montant de cette indemnité sera fixé en fonction du niveau du lycéen. Il sera rémunéré à hauteur de 50 euros par semaine en seconde, 75 euros en première et 100 euros en terminale, a détaillé le chef de l'Etat.
« C'est à la fois une mesure de justice et de mérite (...). C'est reconnaître que c'est un travail qui est demandé aux élèves », a dit Emmanuel Macron.
Pour l'année de terminale, qui nécessite davantage de « souplesse », « la durée des stages sera augmentée de 50% ». Emmanuel Macron a aussi évoqué la fermeture de certaines filières, sans préciser lesquelles.
« Quand on a une filière (...) où il y a très peu de débouchés en emploi, très peu de débouchés en enseignement supérieur, cela veut dire que c'est sans doute une filière qu'il faut fermer », a-t-il relevé.
Le chef de l'État a annoncé la mise en place d'« un bureau des entreprises dans chaque lycée professionnel » pour garantir un meilleur accompagnement des élèves, et la venue dans ces établissements de « professeurs associés » issus du monde de l'entreprise.
Les Régions de France déplorent un manque d'ambition
La fermeture de filières, qui n'offrent plus de débouchés aux élèves ou encore le renforcement du lien entre les écoles et les entreprises, était également sur la table.
« La réforme des lycées professionnels annoncée aujourd'hui par le Président de la République fixe un cap et des objectifs ambitieux qui doivent constituer des opportunités pour tous, que ce soit nos jeunes où nos entreprises », Joël Fourny, Président de la Chambre des métiers et de l'artisanat, dans un communiqué. La voie de la formation par apprentissage, qui est régulièrement citée en modèle, constitue une façon d'apprendre un métier qui répond à des besoins précis dans les entreprises, mais aussi et surtout chez les jeunes que nous accueillons. »
« Compétentes sur la carte des formations professionnelles, les Régions partagent l'ambition de la réforme : faire du lycée professionnel, université de proximité et des métiers, un vecteur d'ascenseur social y compris pour les plus fragiles, un choix d'avenir pour tous les jeunes », a déclaré Alain Rousset, qui a accueilli au nom des Régions le président de la République au lycée Bernard-Palissy, dans un communiqué des Régions de France.
Dans ce même communiqué, ces dernières émettent toutefois une nuance. Les Régions de France estiment que « la réforme proposée par le chef de l'État aurait gagné à afficher une ambition plus importante ». « Cette réforme s'inscrit insuffisamment dans les investissements dans les métiers d'avenir et notamment à préparer aujourd'hui les diplômés qui seront les acteurs des transformations de demain dans les métiers du numérique, de l'environnement, du changement climatique ou du soin à la personne », taclent les Régions.
Des opposants à la réforme des retraites
Avant même le discours d'Emmanuel Macron, les syndicats de l'enseignement professionnel voyaient dans cette réforme « une menace forte pour l'avenir des lycées professionnels » et un « projet de désorganisation de la voie professionnelle scolaire ».
Le gouvernement cite en exemple la réforme de l'apprentissage, qui repose sur l'alternance entre enseignement théorique et contrat chez un employeur. Cette voie connaît un franc succès avec de vrais débouchés en termes d'emploi.
Ces annonces interviennent alors que, par crainte de « troubles à l'ordre public », la préfecture a publié un arrêté interdisant toute « manifestation » et « attroupement » autour du lycée Palissy. Une centaine d'opposants à la réforme des retraites s'est rassemblée en début de matinée à l'extérieur du périmètre interdit, à environ 500 mètres de l'établissement, avait constaté un journaliste de l'AFP.
Munis de casseroles et sifflets, de drapeaux aux couleurs de la CGT ou de La France insoumise, ils brandissaient des pancartes « Macron destitution » ou encore « Le personnel des lycées professionnels en colère ». Le 20 avril dernier, la CGT avait aussi coupé le courant lors d'une visite du président dans un collège de l'Hérault. Mais des groupes électrogènes sont depuis installés pour parer à toute éventualité.
(Avec AFP)