Relance : "L'Urssaf joue un rôle de moteur avec les exonérations de cotisations sociales"

ENTRETIEN. Relance, accompagnement des entreprises en sortie de crise, rééchelonnement des cotisations sociales, fraudes...après avoir traversé 16 mois troublés par la crise sanitaire, le directeur général de l'Urssaf, Yann-Gaël Amghar, est optimiste sur la capacité de rebond de l'économie française.
Grégoire Normand
Yann-Gaël Amghar a été directeur adjoint du cabinet de la ministre de la santé et des affaires sociales Marisol Touraine sous François Hollande. C'est un habitué des couloirs ministériels. L’Urssaf collecte et répartit 500 milliards d’euros, soit 22% des richesses produites annuellement en France pour financer le modèle social français rappelle l'institution.
Yann-Gaël Amghar a été directeur adjoint du cabinet de la ministre de la santé et des affaires sociales Marisol Touraine sous François Hollande. C'est un habitué des couloirs ministériels. L’Urssaf collecte et répartit 500 milliards d’euros, soit 22% des richesses produites annuellement en France pour financer le modèle social français rappelle l'institution. (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE. Quel est le rôle de l'Urssaf depuis le début de la crise ?

YANN-GAEL AMGHAR. Depuis le début de la crise, l'Urssaf a joué un rôle d'amortisseur économique et social. En mars 2020, les employeurs ont pu sans aucune formalité et aucun contrôle a priori reporter leurs échéances de cotisations. Pour les travailleurs indépendants, nous avons suspendu tous les prélèvements entre mars et août 2020. Nous avons repris entre septembre et octobre et avons de nouveau suspendu ces prélèvements en novembre et décembre.

Depuis janvier dernier, nous avons repris les prélèvements sauf pour les secteurs les plus en difficulté. Le réseau a été capable d'ajuster et de faire dans la dentelle en fonction des restrictions sanitaires, sectorielles et géographiques. Ces mesures ont apporté un soutien massif aux trésoreries. 800.000 employeurs ont bénéficié des mesures de report et la quasi-totalité des travailleurs indépendants. L'Urssaf a été aussi un amortisseur social car elle a, malgré la crise, continué à financer les systèmes de santé et de prestations sociales. Plus d'un milliard d'euros d'aides ont été versées à 1,2 million de travailleurs indépendants lors du premier confinement.

Quelle est la place de l'Urssaf dans le plan de relance ?

L'Urssaf joue un rôle de moteur dans la relance avec les exonérations de cotisations sociales et des aides aux employeurs comme aux travailleurs indépendants. L'Urssaf accompagne les entreprises dans la sortie de crise avec la mise en place d'un échelonnement des échéances sociales.

Avec la sortie de crise, les entreprises sont-elles en mesure d'assurer leurs échéances actuellement ?

Nous avons plutôt des signes encourageants. Au moment du premier confinement, près de la moitié des employeurs avait reporté leurs échéances de cotisations. En avril 2020, 36% des cotisations ont été reportées, par près de 50% des entreprises. En avril et mai 2021, entre 12% et 15% des employeurs ont reporté leurs échéances. Cela représente 4% des cotisations chaque mois. Ce qui signifie que la très grande majorité des employeurs arrive à faire face à leurs échéances. Il existe certes des difficultés concentrées sur une minorité d'entreprises dans les secteurs les plus touchés, plutôt de petites entreprises. Globalement, ce sont des signaux positifs sur la capacité de résilience et de rebond de l'économie française.

Comment l'Urssaf accompagne-t-elle les entreprises en sortie de crise ?

Nous avons mis en place beaucoup d'outils pour informer les entreprises sur l'ensemble des dispositifs en renforçant nos capacités à répondre au téléphone. On a pris en charge 90% des appels téléphoniques en 2020 et on continue sur cette tendance en 2021. Nous avons mis en place un chatbot qui a permis de répondre à un million et demi d'utilisateurs. Un site internet dédié aux mesures d'accompagnement face à la crise a été mis en place.

Sur le long terme, il s'agit de prolonger cet accompagnement avec un dispositif "exceptionnel" de rééchelonnement. Première nouveauté, nous avons rééchelonné des dettes de cotisations salariales. Avant, nous ne pouvions pas accorder de délai sur les cotisations salariales.

L'autre changement est qu'auparavant, l'entreprise devait nous faire une demande d'échelonnement. Avec la pandémie, l'Urssaf propose directement un rééchelonnement aux entreprises et aux travailleurs indépendants. Plus de 240.000 plans de rééchelonnement ont été proposés avec des approches au cas par cas. Les entreprises ont le temps de renégocier le plan que nous proposons.

Quelles ont été les difficultés rencontrées lors des périodes de confinement et de déconfinement dans les relations avec les cotisants ?

Nous avons été confrontés à de nombreux cotisants, notamment des petits entrepreneurs et des indépendants qui se sont posés des questions. Les restrictions ont généré beaucoup d'inquiétudes. Nous avons dû répondre à davantage d'appels lors du premier confinement. Beaucoup de questions portaient sur les dispositifs d'exonération qui ont évolué dans le temps. Un numéro d'information a été mis en place avec la DGFIP (direction générale des finances publiques). Ce numéro a été mis en place pour répondre aux questions des entrepreneurs sur les dispositifs d'accompagnement dans le contexte de la crise. A partir du second confinement, l'Urssaf a été confrontée à des situations de fragilités, notamment psychologiques sur la durée d'accompagnement. Des personnes ont été en situation de détresse et cela nécessitait un traitement en urgence de leur demande. On a travaillé avec des associations qui ont offert un accompagnement psychologique aux travailleurs en difficulté.

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Lors des périodes de confinement et de déconfinement, quelles ont été les difficultés pour l'organisation interne du réseau de l'Urssaf ?

En interne, nous nous sommes adaptés très rapidement au basculement dans le confinement. Dès le mois de février 2020, nous nous sommes très rapidement posé la question d'un possible confinement. Cela est passé par l'acquisition importante de matériel pour équiper davantage de salariés pour le télétravail, ainsi que pour leur permettre de se connecter à distance sur leur équipement personnel. Lors de l'annonce du confinement au printemps 2020, l'essentiel des collaborateurs a pu passer en télétravail total en seulement quelques jours. En revanche, certaines activités ont été interrompues ou suspendues comme les contrôles sur place par exemple. Ces collaborateurs ont été réaffectés sur des missions prioritaires comme les réponses au téléphone, la prise en charge des mesures d'aides d'actions sociales en faveur des travailleurs indépendants.

Avez-vous constaté une hausse des fraudes et du travail au noir depuis le début de la pandémie ?

Sur le travail au noir, les contrôles ont été suspendus pendant deux mois. Ce que l'on constate en matière de lutte contre le travail dissimulé en 2020 est une baisse du montant des redressements. Il était de 606 millions d'euros contre 708 millions d'euros de redressement en 2019. En revanche, nous avons mis en place à partir de l'été 2020 des actions nouvelles comme la lutte contre la fraude à l'activité partielle en coopération avec le ministère du travail.

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La crise a-t-elle provoqué une hausse des contentieux ?

Globalement, il y a eu moins de contentieux. Les procédures de recouvrement forcé qui pouvaient entraîner des contentieux ont été suspendues par exemple. Il y a également une baisse des redressements judiciaires en raison également de la suspension des procédures.

Depuis le début de l'année, avez-vous constaté une hausse des défaillances d'entreprises ?

Nous restons sur un niveau très faible depuis le début de l'année 2021. La baisse a été très importante en 2020 et la tendance reste la même sur les premiers mois de cette année. Outre les aides de l'Etat et la suspension de l'activité des tribunaux, l'intérêt est de donner du temps aux entreprises pour qu'elles soient en mesure de payer leurs échéances plutôt que de les mettre en difficulté.

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Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 25/06/2021 à 22:02
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L'URSSAF suspend le paiement des cotisations même quand l'entreprise souhaite les payer ! Si elle insiste pour payer, il n'y a pas de procédure, sauf compliquée. Après on s'étonne d'être en déficit perpétuel, et que les impôts suivent le même chemin...

à écrit le 25/06/2021 à 11:33
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Si je comprends bien, l'Umachin n'a pas encaissé de cotisations mais a reversé du fric à ses créanciers habituels; d'où diable a-t-il tiré cet argent?

à écrit le 25/06/2021 à 9:19
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Creuser les déficits d'une entité publique pour mieux la privatiser et la faire disparaître en simple assurance! Tout sous couvert d'une publicité "d'efficacité" politique!

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