Retards de paiement : Bercy a infligé un montant d'amendes colossal de près de 30 millions d'euros en 2021

Bercy a infligé 29,7 millions d'euros d'amendes en 2021 pour manquement au respect des délais de paiement entre les entreprises. Il s'agit d'un record sur les cinq dernières années. Les enseignes de la grande distribution (Intermarché, Carrefour) font partie des mauvais élèves pointés du doigt par la Répression des fraudes (DGCCRF).
Grégoire Normand
Le ministère de l’Économie a décidé de serrer la vis à ceux qui abusent des retards de paiement.
Le ministère de l’Économie a décidé de serrer la vis à ceux qui abusent des retards de paiement. (Crédits : Reuters)

La multiplication des crises ces dernières années exacerbe les tensions entre les entreprises. Entre l'explosion des cas de Covid, la fermeture de pans entiers de l'économie, la flambée des prix de l'énergie, les difficultés d'approvisionnement, certaines entreprises se retrouvent au bord du gouffre. Le rapport de force entre les grands groupes et les petites sociétés peut rapidement dégénérer. Régulièrement, le médiateur des entreprises a tiré la sonnette d'alarme ces dernières années afin de mettre la pression aux donneurs d'ordres.

Pour tenter de mettre fin à certaines dérives, les enquêteurs de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) ont infligé 29,7 millions d'euros d'amende en 2021 pour des manquements en matière de délais de paiement. À titre de comparaison, pour ce même motif, les services de Bercy avaient infligé 9,4 millions d'euro d'amende en 2020, l'année de la pandémie. Certes, il y a deux ans, l'administration avait largement assoupli ses contrôles dans le contexte des confinements. Le montant de 2021 reste tout de même bien supérieur à ceux des années 2019 (22,4 millions d'euros), 2018 (17,2 millions d'euros) ou 2017 (14,7 millions d'euro).

« L'économie de marché ne saurait être une jungle. Il s'agit de garantir une concurrence loyale [...] Il y a moins d'amendes en nombre, mais il s'agit de plus gros montants », a déclaré la directrice Virginie Beaumeunier lors d'un point presse.

Avec le prolongement de la guerre en Ukraine, les délais de paiement pourraient encore s'allonger, mettant en péril un grand nombre de PME et TPE. Interrogée par La Tribune à propos des conséquences du conflit en Ukraine sur les délais de paiement, la haute-fonctionnaire a signalé « qu'il était encore trop tôt pour répondre. Nous n'avons pas encore assez de recul. Les contrôles des délais de paiement se font sur la comptabilité passée. Nous n'avons pas encore retrouvé la moyenne des délais de paiement de 2019. »

Concernant les contrôles durant la pandémie, elle a ajouté que, « en période de crise économique et sanitaire, nous avons fait preuve de mansuétude. Nous avons fait des rabais sur les sanctions pour tenir compte de la situation mais, à chaque fois, c'est une appréciation au cas par cas, en fonction de la bonne foi de l'entreprise de la réalité de ces difficultés financières ».

La grande distribution dans le viseur de Bercy

Le secteur de la distribution fait clairement partie des mauvaises élèves. Sur les 227 décisions de sanctions effectives en 2021, 24 concernent les enseignes de la grande distribution pour pratiques commerciales abusives. Lors de la présentation aux journalistes, Virginie Beaumeunier a pointé du doigt l'alliance à l'achat Incaa (4 millions d'euros d'amende) nouée entre Intermarché et Casino pour « avoir demandé à ses fournisseurs des budgets additionnels sans justification ni contrepartie ». Carrefour (1,75 millions d'euros d'amende) et Intermarché (2 millions d'euros) ont été également été cités parmi les groupes fautifs.

Dans le contexte de la flambée des prix dans l'alimentaire, les passes d'armes entre enseignes et fournisseurs n'ont cessé de se multiplier ces dernières semaines avec la réouverture des négociations commerciales. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a récemment annoncé qu'il allait lancer une mission de l'Inspection générale des finances (IGF) sur la formation des prix, pour s'assurer notamment que les agriculteurs n'étaient pas les perdants.

Les prêts garantis par l'État, arme efficace pour limiter l'allongement des délais de paiement

L'autre enseignement important de ce bilan d'activité 2021 est que les prêts garantis par l'État (PGE), fortement mobilisés depuis le début de la pandémie, ont permis de limiter les retards dans les délais de paiement. « Les contrôles (effectués par la DGCCRF) ont révélé que les entreprises ayant bénéficié d'un PGE étaient trois fois moins souvent en retard pour payer leurs fournisseurs que la moyenne (11% contre 32%) », souligne le ministère de l'Économie et des Finances. « On a mis l'accent sur les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire qui ont bénéficié de PGE », ajoute Virginie Beaumeunier.

Pour rappel, près de 680.000 entreprises ont souscrit à un PGE en France pour un encours total de 148 milliards d'euros environ, selon un récent bilan de Bercy. Sans surprise, la très grande majorité concerne des très petites entreprises (80%) alors que les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire ne concernent qu'une très faible proportion des prêts souscrits (0,2%).

Lire aussi undefined mnPGE : face à la crise, la moitié des entreprises françaises réclament un allongement des délais de remboursement

Fraudes massives sur les masques FFP2

L'éclatement de la pandémie en début d'année 2020 a jeté une lumière crue sur le manque de masques de protection sanitaire en France. En seulement quelques semaines, le gouvernement français a dû commander des millions de masques en provenance principalement de Chine pour pallier toutes ces insuffisances. En parallèle, de nombreux citoyens et des petites entreprises ont commencé à fabriquer ces masques de protection.

Dans ce contexte économique et sanitaire particulièrement troublé, les agents de la Répression des fraudes ont mené une enquête contre une entreprise commercialisant des masques chirurgicaux et FFP2 abusivement présentés comme étant du « Made in France ». « Les enquêteurs ont démontré que les masques n'étaient pas fabriqués dans les usines de la société en France ni même fabriqués en France, mais importés d'Asie et simplement reconditionnés dans des boîtes présentant la mention 'Made in France' », souligne le rapport. Au final, les deux dirigeants se sont retrouvés en prison écopant en parallèle de très lourdes sanctions (interdiction définitive de gérer une société, d'exercer une fonction commerciale et une fonction publique).

Lire aussi undefined mnMasques : les professions de santé dénoncent les "profiteurs de guerre" de la grande distribution

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 14/07/2022 à 10:31
Signaler
C'est incroyable ça !

à écrit le 14/07/2022 à 10:31
Signaler
C'est incroyable ça !

à écrit le 11/07/2022 à 21:39
Signaler
Mesdames et messieurs !! La France ! "La soeur de Jean-Noël Barrot, nouveau ministre du numérique, est directrice de la communication Uber Europe."

à écrit le 11/07/2022 à 18:55
Signaler
30 millions d’euros c’est rien. Presque risible !!!!!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.