Pour dévoiler ces nouvelles projections, le Conseil d'orientation des retraites a pris son temps. Attendues avant l'été, les conclusions ont été reportées à cette rentrée, car il fallait intégrer la nouvelle donne politique, et la feuille de route, le programme de stabilité, que le nouveau gouvernement a envoyé à Bruxelles en juillet dernier.
Un système en excédent mais pour peu de temps
Dans son rapport, qui devait être publié ce 15 septembre, mais qui a été transmis aux partenaires sociaux aujourd'hui, et dont la Tribune a eu connaissance, il apparaît une importante amélioration des comptes pour 2021 et 2022. Une bonne nouvelle, puisque le précédent rapport tablait plutôt sur un déficit. Et une fois n'est pas coutume, le régime renoue avec des excédents. Près de 900 millions d'euros en plus en 2021, et plus de 3,2 milliards en 2022. Le système n'avait pas engrangé pareil surplus depuis la crise de 2008.
Ces bons résultats s'expliquent en grande partie par la reprise économique, la baisse du chômage, grâce à des créations d'emplois, qui ont permis au régime d'engranger des recettes ces deux dernières années. Et le montant est conséquent, notamment en 2022 : 3,2 milliards d'euros représentent 0,1% de PIB.
Le système serait en déficit les 25 prochaines années
En revanche, les prévisions avancées par le Conseil d'orientation des retraites ne sont pas très optimistes. L'accalmie devrait être de courte durée, puisque dès la fin de cette année, et jusqu'en 2032, la situation du régime devrait se dégrader. Le déficit pourrait aller de -0,5 de PIB à -0,8 point, en fonction de la convention retraite retenue. Soit entre 7,5 et 10 milliards d'euros de déficit en 2027, selon les options retenues - en fonction notamment des scénarios d'évolution du taux de chômage et de la productivité.
Et l'organisme table en moyenne sur un système déficitaire, quel que soit le scénario pour les 25 prochaines années.
Mais à plus long terme, de 2032 à 2070, malgré un vieillissement progressif de la population, la part des dépenses de retraites dans la richesse nationale serait stable ou en diminution, note le COR. Et d'ajouter « ce résultat peut sembler contre intuitif au regard du vieillissement démographique attendu (...) mais cette évolution démographique est contrebalancée d'une part par le recul de l'âge de départ de 62 à 64 ans du fait des réformes déjà votées, et d'autre part, par la moindre augmentation du niveau de vie des retraités vis à vis des actifs. » Le conseil d'orientation des retraites fait référence à la réforme des retraites menée en 2014 par Marisol Touraine pour allonger la durée de cotisation des actifs... réforme qui mènera donc pleinement ses fruits à cette période.
Prudence politique de l'organisme
Le COR précise clairement « qu'il ne lui revient pas de se positionner sur le choix du dimensionnement du système de retraites ». C'est une décision « selon les préférences politiques », écrit-il. Au passage, il réfute les arguments qui consisteraient à dire que le système n'est pas maîtrisé au niveau budgétaire : « les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l'idée d'une dynamique non contrôlée des dépenses de retraites ».
L'institution souligne aussi "les fortes incertitudes qui entourent ses travaux, l'évolution du contexte économique des prochaines années dépendant de la situation internationale ainsi que de la situation sanitaire ".
Si l'organisme est aussi prudent, c'est parce que, par le passé, il a souvent été montré du doigt pour ses projections beaucoup trop optimistes, notamment en matière de baisse du chômage. Il n'empêche, malgré ses précautions, ces conclusions ne manqueront pas de donner du grain à moudre au débat politique, dans un contexte où le chef de l'Etat souhaite mener sans attendre, une réforme des retraites, et où pendant la campagne, il a avancé comme objectif un passage de l'âge légal de 62 à 64 ans. Dans le Point, Olivier Dussopt, le ministre du travail et du plein emploi, en charge du dossier, assure que "le système des retraites est structurellement en déficit."
De leurs côtés, les syndicats sont nombreux à freiner des quatre fers, jugeant que cette réforme n'est ni « urgente, ni essentielle ». Reçus ce lundi par Olivier Dussopt, ils ont réaffirmé leur opposition à ce chantier. Ils craignent que des mesures figurent dans le futur budget de la sécu, le PLFSS, qui sera discuté cet automne au Parlement.