Le calendrier n'est pas défini officiellement, mais il est dans toutes les têtes de l'exécutif, au premier rang, celle d'Emmanuel Macron. En matière de réformes - assurance-chômage et retraite - le Président veut aller vite, et mettre à profit ces prochains mois.
« D'abord, parce que les changements importants passent toujours mieux en début de mandat, mais aussi parce qu'il est toujours plus facile de réformer quand la situation économique n'est pas (encore) trop mauvaise », plaide un conseiller.
En France, le taux de chômage est aujourd'hui tombé à 7,4 %, contre 9,5 % il y a cinq ans, la croissance reste positive, la récession guette mais n'est pas encore arrivée... Pour son second et dernier mandat, Emmanuel Macron tient aussi à montrer qu'il n'a rien perdu de sa capacité à réformer. Il en fait, selon son entourage, un sujet personnel.
Un levier pour faire entrer de l'argent dans les caisses
Enfin, s'y ajoute un dernier argument, et non des moindres, celui des finances publiques. L'exécutif est actuellement en pleine préparation du budget, qu'il présentera le 26 septembre prochain. Selon plusieurs sources, ce projet de finances pour 2023, ne devrait pas comporter beaucoup de mesures de dépenses. Il faut donc trouver des recettes supplémentaires.
Revoir le modèle social en est une. La France l'a d'ailleurs présentée comme telle à ses partenaires européens, en inscrivant cet été, la réforme de notre marché du travail, mais aussi des retraites, dans le pacte de stabilité envoyé à Bruxelles.
Surtout, après plus d'une dizaine d'années de déficit, le régime d'assurance chômage revient dans le vert, - un excédent de plus de 2,5 milliards d'euros est prévu à la fin de cette année -. Le ponctionner ne serait donc pas impossible.
Pour la retraite, l'exercice promet d'être plus périlleux, car le système général reste déficitaire de 2,6 milliards d'euros. Mais les comptes se sont nettement améliorés à la faveur de la reprise économique. « Il faut encourager cette tendance », plaide l'entourage du président.
Assurance chômage et retraite, même combat : faire travailler plus les Français
Pour l'heure, les modalités précises de chacune de ces réformes ne sont pas connues. Mais l'exécutif n'a jamais caché les principes qu'il souhaite mettre en œuvre. Il s'agit dans les deux cas, de faire travailler plus les Français.
En matière d'assurance-chômage, il s'agit de moduler la durée des indemnités - pas forcément le montant - en fonction de la conjoncture économique. Plus la situation économique est mauvaise, et moins le régime d'indemnisation sera généreux. Et inversement. L'objectif étant d'inciter les demandeurs d'emploi à reprendre un travail au plus vite. Surtout quand il y a des pénuries de main-d'œuvre.
Concernant la retraite, il s'agit là aussi de pousser les actifs à rester plus longtemps en poste. Emmanuel Macron, pendant la campagne, avait évoqué un report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans voire 65. Si depuis, il a assuré que « l'âge n'était pas un totem », il souhaite au moins accélérer le calendrier de la réforme Touraine de 2014, pour allonger la durée de cotisations et maintenir dans le marché du travail plus longtemps les Français.
Le gouvernement prêt à la confrontation
Quant au risque de susciter les oppositions et de voir des manifestations envahir les rues, cet automne, pour défendre le système actuel d'assurance chômage ou même celui de la retraite, l'exécutif n'y croit pas vraiment. Pour lui, les syndicats sont divisés - preuve en est leur présence éparse au Conseil National de la refondation, ce 8 septembre. Ils ressortent aussi affaiblis après la période Covid.
Aussi l'exécutif fait-il le pari qu'ils auront beaucoup de mal à mobiliser leurs troupes. « Laurent Berger de la CFDT nous menace d'appuyer sur le bouton, mais quelles sont ses marges de manœuvre réelles ? », plaide un conseiller ministériel. Et d'ajouter : « Quant à la CGT, elle a perdu de sa superbe, et est prise dans ses problèmes de succession de Philippe Martinez ». Pour l'exécutif, le risque est donc minime, alors même que chacune de ces centrales compte plus de 600 000 adhérents.
« Par ailleurs, les enquêtes d'opinion montrent que la majorité des Français sont favorables à un durcissement des règles du chômage », rappelle un ministre. L'exécutif estime que dans un contexte d'inflation élevée, la première préoccupation des ménages est désormais le pouvoir d'achat, les hausses de salaires, et le maintien du niveau de vie. Le reste est relégué au second plan.
Il veut croire aussi, que les Français ont intégré la nécessité de travailler plus longtemps, et sont moins réticents qu'il y a quelques années, à une réforme des retraites. « Les gens râlent, mais au fond, ils ont bien compris qu'on doit partir un peu plus tard à la retraite, sinon ça n'est pas tenable », poursuit encore ce proche d'Emmanuel Macron.
Passage en force envisagé
Aussi, l'exécutif est-il prêt à passer en force. Sur l'assurance chômage, Olivier Dussopt le ministre du Travail a déjà prévenu : il s'en tiendra à une concertation avec les partenaires sociaux. Exit la négociation.
Quant au calendrier, il n'est pas défini, mais dans les grandes lignes, les discussions devraient débuter très rapidement pour se tenir jusqu'à la fin de l'année. Le gouvernement prendrait en compte la période des élections professionnelles - chère aux syndicats - entre novembre et décembre 2022, pour ne rien présenter.
Mais selon nos informations, dès le début de l'année, un projet de loi pourrait être soumis au Parlement. Sans majorité absolue, l'exécutif espère obtenir les voix des Républicains pour faire voter un texte qui fera de la « valeur travail » sa priorité.
Pour la réforme des retraites, le gouvernement a l'été prochain en ligne de mire. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire le répète : « La réforme des retraites doit entrer en vigueur - de façon progressive - dès l'été 2023 ». L'idée est de concerter avec les parties prenantes en début d'année, jusqu'au printemps pour vote d'un texte avant l'été.
Une réforme des retraites dans le PLFSS ?
Mais, certains, au sein du gouvernement, veulent même aller plus vite. Ils plaident pour une inscription de la réforme des retraites dans le PLFSS, le projet de loi de finances présenté dès cet automne. « Quitte à passer en force, autant y aller sans tarder ! », confie un bon connaisseur du dossier, qui rappelle que le prochain rapport du COR, le conseil d'orientation des retraites, sera présenté le 15 septembre.
Il devrait montrer la nécessité - financière - de prendre des mesures au moins à court terme, pour maintenir la pérennité du régime, et ne pas rogner sur les pensions. En matière d'inflation haute, les retraités verraient d'un mauvais œil la baisse de leur revenu. Autant d'arguments supplémentaires que l'exécutif entend bien utiliser. « Il faut savoir prendre son risque », répète le chef de l'Etat. Ça passe ou ça casse !