"Si la France avait autant d'ETI que l'Allemagne..."

Frédéric Coirier, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti), se félicite de la disparition de l'ISF sur les actions et explique en quoi la French Fab peut aider à développer les entreprises de taille intermédiaire.
Frédéric Coirier, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) et président du directoire des cheminées Poujoulat.

LA TRIBUNE - Que représentent les entreprises de taille intermédiaire pour l'économie française (ETI) ?

FRÉDÉRIC COIRIER - On compte près de 5.000 ETI en France contre 13.000 en Allemagne et autour de 10.000 au Royaume-Uni ainsi qu'en Italie. En fait, 40% des ETI exercent dans l'industrie. Elles sont donc d'une importance stratégique dans le cadre d'une refonte de notre politique industrielle. Elles ne sont pas très nombreuses mais elles pèsent 39% de notre PIB, près d'un tiers de nos exportations. De 2009 à 2016, elles ont créé 130.000 emplois. Leur impact économique est donc très important. Par ailleurs, deux tiers d'entre elles irriguent nos régions et contribuent à la stabilisation de l'économie des territoires. Au Danemark, en Suisse ou en Allemagne, il n'y a pas une ville, petite ou moyenne, sans ETI. Si la France avait autant d'ETI qu'en Allemagne, il y a longtemps qu'on n'aurait plus le même niveau de chômage. On ne peut pas réindustrialiser la France sans elles. Il faut amener notre économie à renforcer leur nombre et à faire en sorte qu'elles grandissent à l'international.

Comment pourrait-on augmenter le nombre d'ETI ?

D'abord en améliorant la fiscalité du capital. Il ne s'agit pas de transformer la France en paradis fiscal. Chaque ETI est le fruit du travail d'une, de deux ou parfois de trois générations. Ce qui réclame un actionnariat très stable sur un temps long. Il faut alors garder et, parfois, transmettre les actions au sein des familles ou des cadres qui veulent s'impliquer dans un projet de croissance. En tout cas, la fiscalité ne devrait pas inciter à vendre les actions au risque de fragmenter l'actionnariat.

Pensez-vous à l'impôt sur la fortune (ISF), à la taxation sur les droits de succession ?

Bien sûr ! Certains actionnariats ont explosé à cause de l'ISF. Je pense notamment à un secteur d'activité comme le ski français. Dynastar, Salomon, Rossignol... Ces entreprises ont toutes été vendues car l'actionnariat n'a pu transmettre ou conserver ses parts. La plupart du temps, leurs usines ont fermé ou ont été restructurées. Par conséquent, la disparition de l'ISF sur les parts du capital de l'entreprise, annoncée par Bruno Le Maire au lancement de la French Fab, va dans le bon sens car elle va contribuer à maintenir des blocs actionnariaux stables. On ne vendra plus une entreprise à cause de la fiscalité.

À votre avis, l'ISF a-t-il « forcé » les entreprises à distribuer davantage de dividendes ?

Oui. Justement pour permettre aux actionnaires de payer l'ISF. Les dégâts ont été considérables. L'argent ISF n'est allé ni dans la modernisation de l'appareil de production ni dans l'innovation. La France a été l'un des rares pays d'Europe à maintenir la taxation des propriétaires d'entreprise. Cela fait trente ans que cet impôt a affaibli la capacité d'investissement des entreprises. L'ISF porte une grande part de responsabilité dans notre écart de performance avec nos voisins. Il en va de même pour les droits de succession qui, en France, coûtent deux à trois fois plus cher que dans la plupart des pays européens. En Allemagne, 59% des entreprises se transmettent contre 16% en France. Pourquoi ne pas nous mettre au diapason de la concurrence mondiale ? À marchés égaux, traitements égaux.

Comment la French Fab pourrait-elle générer 4.000 ETI supplémentaires durant le quinquennat ?

En développant la compétitivité des entreprises françaises sur deux axes : le coût du travail et la fiscalité qui pèse sur l'appareil productif. Concernant le coût du travail, la France accuse un des niveaux les plus élevés d'Europe. Même si, il faut le reconnaître, le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a réduit l'écart sur les bas salaires. C'est une bonne mesure mais elle n'est pas suffisante. Dans les ETI, on a besoin de spécialistes pour l'innovation, la robotisation, le marketing dont les rémunérations sont plus élevées que 2,5 fois le Smic [la limite du CICE, ndlr]. Bruno Le Maire s'est dit prêt à regarder la compétitivité sur les salaires plus élevés. Il faut savoir que les charges patronales sur les cadres sont de 40% à 45% chez nous contre 20% en Allemagne et au Royaume-Uni. Ici encore, nous voudrions être à égalité avec nos concurrents.

Et côté production ?

En France, plus on investit dans l'appareil de production, plus est taxé. Ce n'est pas logique. Ces taxes sont de l'ordre de 4% pour à peine 0,7% outre-Rhin. Mécaniquement, une entreprise allemande fait deux à trois points de résultat net de plus qu'une française. Il faut changer cette logique.

Quelle stratégie d'innovation pourrait apporter la French Fab aux ETI ?

Beaucoup de choses qui existent déjà. Les ETI pratiquent l'Open Innovation [innovation partagée], collaborent avec des startups, des centres de recherche, des universités, des pôles de compétitivité... Mais, avec la bannière de la French Fab, nous espérons un puissant effet d'entraînement pour changer d'échelle. En revanche, il faut innover davantage dans les services comme la relation client et les nouveaux modèles économiques. En liaison notamment avec les startups innovantes. Les ETI peuvent les aider à développer leurs technologies, à fabriquer leurs produits, voire à développer leurs ventes et les porter vers l'international. Encore une fois, ce sont des pratiques déjà courantes dans les ETI dont certaines, par ailleurs, disposent d'incubateurs ou investissent dans les startups. En clair, l'écosystème existe mais il a besoin de grandir. C'est là où la bannière de la French Fab est porteuse d'espoir.

Les dirigeants d'ETI doivent-ils moderniser leur « logiciel social » ?

À l'instar du Groupe Hervé, certaines ETI sont des « entreprises libérées ». Il y a un véritable lien entre performance économique et qualité de vie au travail (QVT). Améliorer les conditions de travail, disposer de machines récentes et sûres, avoir une vraie considération envers les salariés... toutes ces valeurs sont importantes dans les ETI. De même que l'éthique, le respect, la transparence ainsi que les actions au niveau du territoire en matière de mécénat culturel, artistique ou sportif. C'est aussi notre intérêt de développer la marque employeur.

Propos recueillis par Erick Haehnsen

Commentaires 7
à écrit le 26/10/2017 à 7:58
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Bien sûr les français sont des français et des allemands sont des allemands. Mais aussi les français ont envie de se développer et inventer en revanche nous sommes systématiquement puni par les impôts. Donc pourquoi agir si l'état nous enlève une tro...

à écrit le 26/10/2017 à 7:00
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il n'y a qu'une solution pour rendre ce pays plus compétitive . Supprimer et dissoudre carrément les syndicats comme la CGT , FO et cie . durcir aussi les lois sur les manifestations afin d'empêcher de plus en plus les fainéants à descendre dan...

à écrit le 25/10/2017 à 19:20
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Il faudrait que les grands groupes cessent de considérer les ETI comme variable d'ajustement.

à écrit le 25/10/2017 à 16:42
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Sauf que les Allemands sont allemands et les Français français. La normalisation de tout est une doctrine collectiviste dont on connaît les résultats :-)

à écrit le 25/10/2017 à 16:02
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Et si ma tante en avait, elle s' appellerait mon oncle ... La France a deux fois plus de grosses entreprises au CAC que Frau Merkel au DAX, c' est pas mieux non ....? Dommage que Macron les brade comme Alstom aux améri...

le 26/10/2017 à 5:52
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vous êtes bien sûr de vos dires : aucune entreprise française n'est aussi grosse que les allemandes rien que dans l'automobile !!!!

à écrit le 25/10/2017 à 13:51
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Oui mai la France ne peut pas tout avoir elle a deja plus de fonctinnaires!!!

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