Travail du dimanche : un levier efficace pour booster la reprise ?

Le ministère du Travail a annoncé ce vendredi qu'une soixantaine de départements ont pris des dérogations pour renforcer l'ouverture des commerces le dimanche, avec l'espoir de booster le chiffre d'affaires des commerces frappée par la crise sanitaire. Mais l'efficacité économique de l'activité dominicale reste difficilement évaluable.
Selon l'Insee, 19% des salariés ont travaillé au moins un dimanche sur quatre au cours de l'année 2019.
Selon l'Insee, 19% des salariés ont travaillé au moins un dimanche sur quatre au cours de l'année 2019. (Crédits : © Jacky Naegelen / Reuters)

La relance passera-t-elle par l'accélération du travail dominical ? C'est en tout cas l'un des leviers que veulent actionner plusieurs acteurs économiques, comme le Conseil du commerce de France, afin de combler les pertes de chiffre d'affaires causées par le confinement. Mais les résultats de ces mesures restent à ce jour incertains.

Selon des chiffres du ministère du Travail, communiqué ce vendredi sur LCI par sa ministre Élisabeth Borne, une soixantaine de départements ont pris des dérogations pour permettre l'ouverture des commerces le dimanche. "Des arrêtés ont été pris pour des dérogations exceptionnelles au repos le dimanche dans une soixantaine de départements", a-t-elle précisé, comme "Paris, la Côte-d'Or ou l'Isère." La concertation, lancée début mai, s'était étendue à 76 départements.

"Un contre-choc d'activité" pour doper la consommation

Conformément à la loi Macron de 2015, qui accentuait le travail du dimanche dans certaines zones denses et pour le commerce de détail, un éventuel accord se discute dans les territoires entre les différents partenaires sociaux, sous l'égide de la préfecture qui donne l'autorisation ou non. Certains départements se sont refusés à le faire, "par exemple, le Tarn", a précisé Élisabeth Borne.

L'ouverture le dimanche permettrait aux commerçants d'écouler leurs stocks accumulés depuis plusieurs mois. Et, dans un contexte de jauge d'accueil réduite, d'étaler les visites potentielles des clients sur davantage de jour. Plusieurs observateurs estiment également que l'ouverture du dimanche, après un confinement, peut "produire un contre-choc d'activité", soutient notamment l'Observatoire du travail le dimanche et ainsi doper la consommation :

"C'est une nécessité, d'autant plus que les commerçants subissent de plein fouet la concurrence du e-commerce, accélérée dans la période de confinement. Une concurrence qui fait planer le risque d'une désaffection des consommateurs pour le commerce physique."

Le e-commerce dans le collimateur du Medef

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, confirmait en mai dernier cette inquiétude :

"Le commerce, c'est un secteur en difficulté, à cause de l'e-commerce. L'e-commerce, évidemment, est ouvert le dimanche (...) donc, il y a une sorte d'inégalité de concurrence et donc, du coup, oui, il faut qu'on redonne un certain nombre de dimanches", estimait-il.

En zone touristique, certains commerces ouverts le dimanche ont vu leur fréquentation augmenter. L'enseigne des Galeries Lafayette, boulevard Haussmann, à Paris, note par exemple que le dimanche "est depuis quelques temps le 2e ou 3e jour d'activité du magasin", selon son directeur Alexandre Liot, cité par l'AFP.

"Si tous les commerces ouvrent le dimanche", c'est "un jeu à somme nulle"

Toutefois, la multiplication des ouvertures le dimanche pose la question de la rentabilité pour ces commerces. Pour le sociologue Laurent Lesnard, co-auteur de l'ouvrage Les batailles du dimanche : l'extension du travail dominical et ses conséquences sociales, "l'intérêt financier pour [ces commerces] n'est valide que s'ils prennent à leurs concurrents (fermés) des parts de marché et que le coût de l'ouverture est inférieur au bénéfice engrangé ce jour-là. Au final, si tous les commerces ouvrent le dimanche, il n'y a plus d'avantage concurrentiel et il y a de fortes chances pour que le coût supplémentaire d'ouverture soit supporté par les salariés (avec baisses de salaires ou de volume horaire) et les consommateurs (répercussion sur les prix des produits).

Dans le média de débats La Drenchel'économiste Pierre Rondeau, qui s'appuie sur une étude de la CCI Ile-de-France, estime que "la rentabilité a été difficile à trouver pour les indépendants" suite à l'ouverture le dimanche. Et de préciser :

"Autoriser l'ouverture le dimanche ne permettra pas une augmentation des ventes, mais un simple effet de substitution. Ce qu'on achètera le dimanche, on ne l'achètera pas la semaine, ou inversement. Le tout se traduira donc par un jeu à somme nulle."

Généralisation du travail du dimanche ?

Selon l'Insee, au cours de l'année 2019, 19% des salariés ont travaillé au moins un dimanche sur une période de 4 semaines. La crise sanitaire et son déconfinement vont-ils accélérer cette tendance ?

"Ouvrir tous les dimanches, non, mais je pense qu'il faut qu'on redonne un peu de marge de manoeuvre", a estimé le patron du Medef, rappelant que "le dimanche est un travail exceptionnel, ça ne doit pas être la norme."

La ministre Élisabeth Borne a notamment rappelé que le travail le dimanche devait se faire "sur la base du volontariat et avec des compensations en terme de salaire et de jours de repos pour les salariés".

Mais certaines organisations syndicales s'inquiètent de ces dérogations supplémentaires. "Au lieu de dire 'on veut généraliser la fin du repos le dimanche', on nous dit 'c'est la crise'. Mais le retard qui a été pris, on ne pourra jamais le rattraper. C'est de l'hypocrisie", dénonce Amar Lagha, secrétaire général de la CGT Commerce et Services, qui rapporte des pressions sur les employés pour se porter "volontaires" le dimanche.

Commentaires 3
à écrit le 06/06/2021 à 13:02
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L'effet dimanche sur la consommation économique n'a jamais été prouvé. Par contre l'effet choc sur les nuisances écologiques, énergétiques, sociales et sanitaires est parfaitement documenté.

à écrit le 04/06/2021 à 19:01
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Pour saigner plus les actifs ? L’heure est à 30 heures pour tous et toutes et avec une augmentation du SMIC On vous attendra au tournant après le covid.

à écrit le 04/06/2021 à 17:21
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Encore les lubies du travail le dimanche parce que quidam moyen n'a pas le temps de consommer! Bref on met la pression sur le salariat!

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