Comment contenir l'influence croissante de l'Etat chinois ?

CHRONIQUE DU "CONTRARIAN" OPTIMISTE. La volonté de l'Etat chinois d'avoir le leadership mondial passe par une guerre d'influence que documente un rapport pour le cas de la France. Face à l'hégémonie de Pékin, les Etats-Unis ont décidé de monter d'un cran le rapport de forces dans la région indo-pacifique, qui pénalise la France, et, à travers elle, l'Europe.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

La Chine fascine. Sa réussite économique en quelques décennies, le développement de son pouvoir international, sa confrontation avec les Etats-Unis pour lui disputer le titre de première puissance mondiale conduisent certains dans les démocraties occidentales à y voir une source d'inspiration. Pour imposer des solutions, par exemple pour lutter contre le réchauffement climatique, un pouvoir fort ne serait-il pas plus efficace, en lieu et place de longs débats qui n'aboutissent pas rapidement à des solutions concrètes ? Le taux record d'abstention, notamment chez les jeunes, participe de ce désenchantement à l'égard de la démocratie, et les partis populistes qui vantent le recours à un pouvoir autoritaire pour imposer des solutions, toujours simples, ont le vent en poupe, quitte à affaiblir l'état de droit et le respect des libertés individuelles, fondements des régimes démocratiques.

Les moyens les plus divers

Mais cette séduction ne tombe pas du ciel. La Chine y contribue activement en termes d'influence, sous la forme d'un soft power, qui utilise les moyens les plus divers pour contrôler son image. Ainsi, mardi, le Centre national de sécurité informatique basé à Vilnius (Lituanie) assurait que le logiciel d'un téléphone du fabricant chinois Xiaomi disposait d'une fonction de censure désactivée dans l'Union européenne mais pouvant être déclenchée à distance à tout moment.

La semaine dernière,  le conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) examinait un rapport indépendant qui met en cause sa directrice générale, la Bulgare Kristalina Georgieva, ex-commissaire européenne, soupçonnée d'avoir exercé des pressions en faveur de la Chine dans le classement du rapport 2018 "Doing Business" lorsqu'elle était en poste à la Banque mondiale. La Chine aurait ainsi conservé sa 78e place alors qu'elle aurait dû être classée à la 85e place, de ce classement qui évalue le degré de liberté en matière de climat des affaires et d'investissements.

Cette action systématique du "soft power" chinois est largement exhibée par le contenu d'un rapport sur le cas de la France publié en début de semaine par l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (Irsem), un centre de recherche rattaché au ministère des Armées. Intitulé "Les opérations d'influence chinoises. Un moment machiavélien", et conçu sous la direction de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, le directeur de l'Irsem, et Paul Charon, sinologue et chercheur dans cet institut, il répertorie et documente sur plus de 600 pages tous les moyens utilisés par l'Etat chinois et sa colonne vertébrale, le Parti communiste, pour accroître son influence à l'étranger, notamment en France.

Contrôler, désinformer, neutraliser

Cette stratégie, qui peut compter sur un large financement, vise à contrôler, désinformer, neutraliser tout ce qui peut gêner le développement de la puissance chinoise. Selon les auteurs, le pouvoir à Pékin mène ce qu'ils nomment les « Trois guerres », "qui représentent l'essentiel de la « guerre politique » chinoise, une forme de conflictualité non cinétique visant à vaincre sans combattre, en façonnant un environnement favorable à la Chine. Entreprise en temps de guerre comme en temps de paix, elle est composée de la guerre de l'opinion publique, la guerre psychologique et la guerre du droit (qui s'apparente, sans correspondre complètement, à ce que l'on appelle en anglais le lawfare)".

Certes, la Chine n'est pas la seule à le faire. Depuis les révélations d'Edward Snowden, on sait que les Etats-Unis ont développé également un vaste système de surveillance. Mais ils disposent de solides institutions démocratiques qui en tant que contre-pouvoirs peuvent limiter les dérives d'un pouvoir autoritaire, comme on a pu le voir durant la présidence de Donald Trump.

C'est d'ailleurs cette confrontation entre les deux superpuissances qui imprime aujourd'hui l'agenda international dans la région indo-pacifique. Une récente illustration  en est la volte-face australienne, aux dépens de la France, sur un contrat d'achat de sous-marins construits par Naval Group au profit de l'acquisition de sous-marins nucléaires américains. L'axe Washington-Canberra-Londres a exclu sans prévenir la France, pourtant une alliée, mais aussi à travers elle l'Union européenne, leur interdisant de facto toute marge d'action.

Une stratégie européenne spécifique

En effet, l'UE comptait déployer sa propre stratégie dans cette région, comme l'a résumé  le haut représentant et vice-président de l'UE, Josep Borrell : « L'avenir de l'UE et celui de la région indo-pacifique sont liés l'un à l'autre. L'UE est déjà le premier investisseur et le principal partenaire de coopération au développement dans la région indo-pacifique, ainsi que l'un des plus grands partenaires commerciaux de cette dernière. Notre engagement vise à faire en sorte que la région indo-pacifique demeure libre et ouverte à tous, tout en nouant des partenariats forts et durables, afin de coopérer en matière de transition écologique, de gouvernance des océans, de transition numérique ou encore de sécurité et de défense.»

Pour les Etats-Unis, une telle coopération voulue par l'UE ne semble plus de mise face à l'hégémonie de Pékin. Mais le rapport de force que va établir cette nouvelle guerre froide sino-américaine sera-t-elle plus profitable à l'ensemble des acteurs dans la région ?

Robert Jules
Commentaires 5
à écrit le 25/09/2021 à 17:56
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La Chine est surtout un danger pour ses proches voisins, d'autant plus que la diaspora chinoise dans ces pays est importante et pourrait servir de " 5ème colonne ".

à écrit le 25/09/2021 à 10:54
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"La volonté de l'Etat chinois d'avoir le leadership mondial passe par une guerre d'influence que documente un rapport pour le cas de la France." C'est un euphémisme car la Chine pratique le terrorisme tel qu'en emprisonnant arbitrairement des d...

à écrit le 25/09/2021 à 10:38
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La France est pénalisée parce que nos dirigeants zombis sont incapables d'exploiter notre domaine maritime sinon les australiens ne nous auraient pas humilié de la sorte, ils auraient gardé les sous marins français, tout ceci forment un tout que la d...

à écrit le 24/09/2021 à 21:37
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Ce que les gens lambda ,savent depuis les années 90 , les hautes sphères intellectuelles du pays découvrent que l'on est bouffé par deux empires: l'un chinois ,l'autre américains . L'ère des naïfs qui dure depuis 30 ans !

à écrit le 24/09/2021 à 17:25
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En montrant ce qu'est réellement la Chine. Une dictature Stalino communiste qui bafoue tous les droits...de l'homme, du travail, la justice etc...etc...

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