Énergie : la grande revanche du gaz algérien

A la recherche d'alternative au gaz russe dont les livraisons s'amenuisent de semaines en semaines, les dirigeants européens sollicitent l'Algérie pour augmenter son approvisionnement sur le Vieux continent dont elle est un fournisseur de gaz historique. A travers sa visite à Alger qui mêlait aussi bien les dossiers de mémoire, de diplomatie et d'économie, Emmanuel Macron entendait sécuriser les partenariats gaziers avec l'ancienne colonie française sur le long-terme. Objet de ces convoitises, l'Algérie en ressort renforcée sur la scène internationale. Mais la dépendance de son économie aux hydrocarbures n'est pas sans effets pervers. Décryptage.
Emmanuel Macron et le président algérien Tebboune.
Emmanuel Macron et le président algérien Tebboune. (Crédits : Reuters)

[ Mis à jour le lundi 29 août à 11h00 ]

Anthony Blinken, Sergueï Lavrov, Mario Draghi, Emmanuel Macron... la liste des leaders de grandes puissances qui se sont pressés à Alger ces derniers mois doit faire rougir de fierté le président algérien Tebboune, lui qui était encore en quête de légitimité internationale après la fin chaotique de l'ère Bouteflika. Ce week-end, le Président de la République a clos une visite de trois jours dans l'ancienne colonie française.

Officiellement, le déplacement se faisait d'abord pour traiter des questions mémorielles et diplomatiques. Avant que l'avion d'Emmanuel Macron ne décolle, l'Elysée assurait même qu'aucun contrat gazier ne figurait à l'agenda de la délégation française. Dans la délégation du Président se trouve pourtant la directrice générale d'Engie Catherine MacGregor.

« Le gaz est évidemment un enjeu de la visite »

« Malgré ce qu'Emmanuel Macron en dit, le gaz était évidemment un enjeu de la visite. Des renégociations de contrats d'approvisionnement en gaz de la France sont en cours avec Engie », décrypte Alexandre Kateb, économiste, fondateur du site Multipolarity report, spécialiste des économies émergentes. S'il ne s'attendaient pas à trouver dans les sables algériens des trésors cachés de gaz disponible tout de suite en grande quantité, le ministère de la Transition énergétique a confirmé dimanche pour sa part que des échanges avaient lieu autour de nouveaux contrats gaziers « entre Engie et la Sonatrach ».

« D'un point de vue technique, les autres pays sont passés avant, par conséquent l'essentiel de ce qui pouvait être vendu est déjà acheté, même s' il y a probablement une petite marge. Le gaz encore négociable aujourd'hui, c'est du GNL (gaz naturel liquéfié, exporté par bateau en volumes plus faibles que par gazoduc). L'Algérie arrive à l'extrémité de ses capacités de production », prévient Anna Creti, professeur d'économie à Dauphine et directrice de la chaire économie du climat.

En effet, à l'occasion des deux visites de Mario Draghi à Alger, le Premier ministre transalpin a conclu des accords avec l'Algérie. Elle est désormais le premier fournisseur de gaz de l'Italie, en lieu et place de la Russie. Le géant pétro-gazier ENI a obtenu l'exploitation d'un nouveau gisement pour 25 ans aux côtés de l'entreprise nationale algérienne d'hydrocarbures Sonatrach à Berkine dans l'est du pays. Italiens et Algériens disposent du pipeline Transmed qui permet d'acheminer le gaz du désert algérien aux côtés italiennes en sillonnant à travers la Tunisie et la Sicile. A court-terme, la France risque de se contenter de goûtes de gaz supplémentaires.

« Le problème, c'est que l'Algérie exploite des gisements vieillissants. Cela crée un goulot d'étranglement au niveau de la production, mais du côté de la distribution il n'y a pas de problème. Les pipelines sont sous-utilisés. L'Algérie a connu une relative stagnation ces dernières années notamment parce que la Russie lui avait pris des parts de marchés sur le gaz en Europe. En parallèle, la demande nationale augmente en raison des besoins accrus de certaines industries comme la métallurgie, la sidérurgie mais aussi de la croissance démographique de l'ordre de 1% par an », abonde Alexandre Kateb au sujet de l'industrie gazière.

Dans ce secteur, les contrats sont souvent scellés et garantis plusieurs mois voire plusieurs années à l'avance tant les dépenses d'exploitation sont lourdes. Le gouvernement français n'ignore rien du fonctionnement de ce marché du gaz. Il mise sur l'avenir pour sécuriser l'approvisionnement en gaz par des relations économiques de confiance avec ses homologues algériens. En juillet, Engie et Sonatrach avaient déjà étendu un partenariat gazier existant, avec à la clé une hausse des volumes, notamment du GNL, mais aussi des prix ajustés (à la hausse) aux cours actuels.

« Retour en grâce du gaz algérien »

De fait, l'économiste Alexandre Kateb consent à parler de « retour en grâce du gaz algérien » comme l'illustre les sollicitations des grandes entreprises européennes orphelines du gaz russe, soutenues par des dirigeants politiques à la recherche d'une alternative à la Russie. « Le gaz algérien a toujours été demandé historiquement, mais pas avec ce caractère d'urgence que provoque la guerre en Ukraine », reconnaît-il. Nouveauté notable, ce sont désormais les leaders politiques et plus seulement les patrons d'entreprise qui négocient directement les contrats d'hydrocarbures de long-terme, à la manière de ce qui se faisait après la Seconde guerre mondiale.

La stabilisation de la situation politique permet aussi aux Occidentaux de discuter de manière sereine avec l'exécutif algérien présidé par Abdelmadjid Tebboune, un personnage moins contesté par la rue que ne l'était Abdelaziz Bouteflika en fin de règne lors de la contestation populaire du Hirak.

La récente floraison de contrats gaziers et pétroliers ne tient d'ailleurs pas qu'à la guerre en Ukraine. En décembre 2019, l'Algérie a établi une nouvelle loi sur les hydrocarbures dont les décrets d'application sont entrés en vigueur en 2021. Ce cadre légal « donne beaucoup plus de flexibilité aux majors du financement à l'exploitation jusqu'à la distribution. La loi est aujourd'hui opérationnelle. Ce cadre plus attractif justifie l'intérêt croissant pour le gaz algérien », analyse Alexandre Kateb.

L'Algérie renforcée à l'international

Du point de vue de la géopolitique du gaz, l'Algérie en sort également renforcée. Le pays demeure un acteur incontournable du commerce d'hydrocarbures fossiles. Premier exportateur africain de gaz naturel et septième mondial, il est doté d'un potentiel colossal d'exploitation du gaz de schiste qui, s'il venait à être exploité, placerait l'Algérie selon les estimations dans le top 5 voire le top 3 des plus gros producteurs de schiste.

Sur le moyen-long terme, l'appétit des Européens pour le gaz algérien représente à Alger la certitude d'achats constants sur plusieurs années. Rattachée à l'Algérie via quatres branche de gazoducs dont Transmed par l'Italie et Medgaz par l'Espagne, l'Europe reste le débouché naturel du gaz algérien. Certes, l'Asie monte en puissance et représente un marché d'avenir mais l'exportation de GNL demeure bien plus coûteuse, donc moins profitable, que celle par gazoduc.

La malédiction du syndrome hollandais

A la faveur de la crise de l'énergie, le gaz algérien ressemble plus que jamais à une bénédiction qui remplit les caisses de l'Etat et fournit des devises. Mais l'abondance de matières premières se mue parfois en malédiction. « Les pays émergents qui lient leur destin aux ressources naturelles doivent toujours faire attention à ne pas s'enfermer exclusivement dans cette rente, qui peut disparaître brutalement quand les ressources seront épuisées. Il y a un risque de syndrome hollandais», avertit la professeure Anna Creti de l'université Paris-Dauphine.

Le syndrome néerlandais décrit une économie qui s'appuie essentiellement sur l'exportation de matières premières et finit par se reposer sur cette manne. In fine, les pays frappés par ce syndrome tardent à s'industrialiser et à se diversifier. A bon entendeur.

Commentaires 10
à écrit le 29/08/2022 à 14:23
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Selon Europe 1 et BFMTV ce dimanche 28 août, les livraisons de gaz algérien pourraient augmenter de 50%. Le chiffre n'a pas été confirmé officiellement mais il serait "une cible crédible", concède une source du gouvernement à nos confrères de BFMTV c...

à écrit le 29/08/2022 à 8:56
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J'avais cru entendre à une époque qu'on leur achetait leur gaz plus cher que le prix du marché pour les 'aider' financièrement, étant un pays riche ayant un passé commun avec ce pays. Ça les aide bien ou c'est comme l'eau sur le sable ? Ne vivre que ...

à écrit le 28/08/2022 à 21:18
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Disons plutôt la grande victoire tolérante des sans papiers tolérants ultra néo multirecidivistes reenchantes. Ils seront désormais non expulsables et public prioritaire pour les logements sociaux. En outre après acquisition de la nationalité frança...

le 30/08/2022 à 5:32
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Hors sujet et mélange de tout et n'importe quoi!

le 01/01/2023 à 1:00
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La roue tourne! Vous vous en êtes pas rendue compte? Arrêtez de roupiller et de vous plaindre!!! Les autres travaillent et on s’occupe de sois quand on veut avancer! Alors les critiques faciles sans arguments ça suffit ! Il faudrait se demander ...

le 24/04/2023 à 7:34
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Bienveillant et pas extrême votre point de vue

à écrit le 28/08/2022 à 18:15
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Le termes ancienne colonie et très déplacé, l'algerie suffis. Stop avec l'arrogance.

à écrit le 28/08/2022 à 10:14
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Il faut pas exagéré cette visite et ses résultats, la production de gaz de l'Algérie correspond a 3% de la production mondiale ???

à écrit le 28/08/2022 à 9:12
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L'Algérie a le même problème que la Russie, c'est une station service qui finance une armée et une police sans chercher à se diversifier.

à écrit le 27/08/2022 à 19:56
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On est toujours étonné de "l'enjolivation" des déplacements de nos soi-disant représentants par les médias mainstream!;-)

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