Guerre en Ukraine  : les Etats-Unis appellent les pays du G7 à être plus « ambitieux » dans l'utilisation des avoirs russes gelés

Les Etats-Unis ont mis jeudi la pression sur les pays du G7 en les appelant à être plus « ambitieux » dans l'utilisation des avoirs russes gelés pour aider l'Ukraine, alors que Vladimir Poutine a autorisé le jour même la confiscation d'actifs américains.
La secrétaire américaine au Trésor prônait la confiscation des actifs russes mais elle a dû faire face aux réticences des pays européens qui redoutent de lourds litiges judiciaires avec Moscou.
La secrétaire américaine au Trésor prônait la confiscation des actifs russes mais elle a dû faire face aux réticences des pays européens qui redoutent de lourds litiges judiciaires avec Moscou. (Crédits : AMIT DAVE)

Les Etats-Unis mettent la pression autour du recours aux avoirs russes gelés pour soutenir l'effort de guerre de l'Ukraine. « Nous appuyons la décision de l'UE d'utiliser les bénéfices exceptionnels générés par ces actifs, mais nous devons aussi poursuivre nos efforts collectifs en faveur d'options plus ambitieuses en agissant ensemble », a lancé la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen, au premier jour de la réunion des pays du G7 à Stresa, dans le nord de l'Italie.

L'Union européenne et les pays du G7 ont gelé quelque 300 milliards d'euros d'actifs de la banque centrale de Russie, selon l'UE. Ils ont aussi saisi des actifs privés de personnes liées au pouvoir russe, comme les yachts et villas des oligarques. Aucun registre ne comptabilise le total, mais selon l'Institute of legislative Ideas, un centre de réflexion ukrainien qui affirme interroger des sources officielles, 397 milliards de dollars sont immobilisés. La Banque mondiale évalue de son côté à plus de 486 milliards de dollars le coût pour reconstruire l'Ukraine, dévastée par deux années de guerre.

Un casse-tête juridique

Ce sujet épineux devrait dominer les échanges des ministres des Finances et banquiers centraux des sept pays les plus riches du monde, qui se concertent jusqu'à samedi sur les rives du Lac Majeur en vue du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement prévu mi-juin dans les Pouilles. Sur la table des négociations à Stresa figure la proposition des Etats-Unis visant à accorder à l'Ukraine jusqu'à 50 milliards de dollars de prêt garanti par les futurs bénéfices engendrés par les 300 milliards d'euros d'avoirs de la banque centrale de Russie gelés par le G7 et l'Europe.

Le temps presse, car la lenteur de l'aide européenne et l'arrêt quasi-total pendant des mois de celle des Etats-Unis ont handicapé l'Ukraine au moment même où la Russie reprenait l'initiative sur le terrain. Si Janet Yellen avait initialement prôné une solution plus radicale - la confiscation des actifs russes mêmes - elle a dû faire face aux réticences des pays européens qui redoutent de créer un précédent en matière de droit international, entraînant de lourds litiges judiciaires avec Moscou. Concernant les fonds de la banque centrale russe, les Occidentaux se heurtent à « l'immunité d'exécution », un principe de droit qui empêche la saisie des biens d'un Etat par un autre. Et le droit à la propriété privée bloque en théorie la confiscation définitive des biens détenus par des personnes.

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L'hôte de la réunion de Stresa, le ministre de l'Economie Giancarlo Giorgetti, reconnaît l'ampleur du casse-tête des actifs russes immobilisés : « Je dois être optimiste, ce n'est pas facile, c'est un problème difficile. Nous devons trouver une base juridique solide », a-t-il confié jeudi soir. Il s'est dit toutefois « certain » de trouver une solution », « peut-être » pour le G7 des chefs d'Etat et de gouvernement en juin. Son homologue allemand Christian Lindner s'est montré sceptique sur une solution à court terme:

« Il y a beaucoup de questions non résolues, beaucoup de questions ouvertes, c'est l'occasion d'en parler maintenant, mais je ne m'attends pas à une décision, le sujet est trop complexe ».

Le dossier chinois en haut de la pile

Moscou avait envoyé en avril un avertissement à peine voilé à l'Italie en tant que présidente du G7, en prenant le contrôle « temporaire » de la filiale russe du groupe italien Ariston, en guise de riposte à des « actions hostiles » menées par les Etats-Unis et leurs alliés. Une quelconque sanction du G7 envers la Russie pourrait en effet s'avérer être un boomerang, avec des représailles frappant d'autres sociétés européennes encore présentes sur son territoire. La Russie avait menacé en mars l'UE de lui intenter des poursuites judiciaires « sur des décennies » en cas d'utilisation des revenus de ses avoirs gelés au profit de l'Ukraine, ce qui s'apparenterait selon Moscou à un « vol ».

Depuis Moscou, le président russe a fait entendre sa voix en signant un décret jeudi autorisant la confiscation en Russie d'actifs appartenant aux Etats-Unis ou aux personnes leur étant « associées ». Cette mesure est justifiée par les « actions hostiles et contraires au droit international des Etats-Unis, destinées à porter atteinte à la Russie et à la banque centrale russe ».

Les sanctions à l'égard de Moscou et la menace commerciale chinoise figureront aussi en haut de leur agenda dominé par les tensions mondiales. La secrétaire américaine au Trésor a plaidé devant la presse pour former « un front clair et uni » face aux « surcapacités industrielles » de la Chine qui génèrent des « déséquilibres macroéconomiques » appelant des « réponses » des pays occidentaux inondés de produits subventionnés à bas prix.

Au menu, aussi, la taxation mondiale des plus riches

Enfin, un autre sujet clivant sera au menu de ce G7 : des négociations internationales sur une taxation mondiale des plus riches, un projet défendu par le Brésil à l'occasion de sa présidence du G20 et soutenu par la France. Janet Yellen s'est dite jeudi opposée à aborder cette taxation « dans le cadre d'une négociation fiscale internationale ».

Ce que regrette Emmanuel Macron qui a jugé jeudi qu'un impôt mondial sur les riches est « bien plus pertinent qu'un impôt français ou européen ».

« C'est une bonne question à l'échelle de la planète de dire que nous avons besoin de plus d'équité », a affirmé le président français sur la chaîne américaine CNBC, jugeant « qu'une taxe sur la richesse (était) un bon débat mondial ».

Au sein du G20 sous présidence brésilienne cette année, Paris et Brasilia tentent d'imposer un débat sur une taxation minimale des plus grandes fortunes, et ont reçu le soutien officiel fin avril de l'Allemagne, l'Espagne et l'Afrique du Sud. Une proposition serait que les milliardaires payent chaque année au moins l'équivalent de 2% de leur fortune en impôts sur le revenu, ce qui pourrait rapporter environ 250 milliards de dollars. Cette initiative s'ajoute à l'accord international conclu fin 2021 sur une grande réforme de la fiscalité des multinationales, sous l'égide de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), prévoyant un impôt minimal mondial sur les sociétés ainsi qu'une répartition plus juste de l'imposition là où les entreprises réalisent leur activité.

(Avec AFP)

Commentaires 8
à écrit le 24/05/2024 à 21:05
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Il se trouve que l'écrasante majorité des actifs russes sont détenus par l'Europe, l'attitude des USA est vraiment déplacée. Les USA ont bloqué l'aide ukrainienne pendant des mois et tout à coup le camp démocrate a l'initiative, tout s'accélère: on d...

le 25/05/2024 à 12:32
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@johnmckagan Je pense que Trump a fini par débloquer les 60 milliards (Israël , Taiwan, Ukraine, industries US) pour un seul but électoral. 3 raisons : 1) Une grosse percée russe avant novembre aurait tué sa campagne électorale. Le complexe indus...

à écrit le 24/05/2024 à 17:56
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Ahhhh les pays d'EUrope, s'ils se comportent comme ils se sont comportés en 14 et 39... en voyant la guerre de très très loin, on est les plus forts... l'histoire n'aura servit à rien. Jamais 2 sans 3 hein

à écrit le 24/05/2024 à 17:56
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Ahhhh les pays d'EUrope, s'ils se comportent comme ils se sont comportés en 14 et 39... en voyant la guerre de très très loin, on est les plus forts... l'histoire n'aura servit à rien. Jamais 2 sans 3 hein

à écrit le 24/05/2024 à 17:13
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Il peuvent faire autant de sommets qu'ils veulent, la propriété privée est inviolable et c'est écrit dans la déclaration des droits de l'homme et toutes les constitutions non soviétoides. Donc s'ils le font cela sera de toute façon un vol et sera per...

à écrit le 24/05/2024 à 16:08
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Les États-Unis ont abandonné l'Ukraine pendant plusieurs mois, et sont donc responsables des avancées des armées russes depuis l'automne 2023. Que les Etats-Unis aient raison ou pas sur l'utilisation de ces avoirs, l'UE n'a pas de leçons à recevoir ...

le 24/05/2024 à 19:11
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Ceci étant l'UE avait signé un accord début mai sur le principe, et vient d'acter en début de semaine le fait d'utiliser les bénéfices de ces avoirs. Royaume-Uni? La Suisse? Non pas G7. Pour rappel le G7 = ~ 40% du PIB mondial Le monde que détest...

à écrit le 24/05/2024 à 10:46
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Encore une information importante, elles s'enchainent de façon exponentielle je trouve en ce moment. certainement la quête de l'IA ! Ben oui avec des processeurs toujours plus performants forcément... ^^ Si Russes et américains commencent à taper dan...

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