Inflation : relever les taux sans tomber en récession, le pari difficile mais possible des Etats-Unis (Fed)

La Banque centrale américaine a opté pour une hausse de ses taux directeurs depuis mars afin de contrer l'inflation galopante aux États-Unis. Une nouvelle augmentation pourrait d'ailleurs être actée début mai. Selon un des responsables de l'institution, cette politique ne rime pas nécessairement avec récession, même s'il juge que ça ne sera pas facile. Cette stratégie ne fait en tout cas pas le consensus entre tous ses membres, ni même parmi le reste des banques centrales. La BCE temporise.
« Je pense que la politique (monétaire) est bonne, pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande et nous permettre de faire ralentir l'inflation », considère John Williams, président de la Fed de New York.
« Je pense que la politique (monétaire) est bonne, pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande et nous permettre de faire ralentir l'inflation », considère John Williams, président de la Fed de New York. (Crédits : JOSHUA ROBERTS)

Resserrer la politique monétaire pour contrer la forte inflation, sans pour autant faire plonger l'économie dans la récession : telle est l'ambition de la banque centrale américaine (Réserve fédérale, Fed). Et qui, selon le président de l'antenne de New York, John Williams, est réalisable.

« Je pense que nous pouvons réaliser un atterrissage en douceur », a-t-il indiqué lors d'une interview pour Bloomberg TV jeudi 14 mars, reconnaissant cependant que « ça n'allait pas être facile ». « Je ne vais pas prétendre que (...) tout se passera exactement comme prévu », évoquant « un ensemble de circonstances uniques » lié à la pandémie et à la guerre en Ukraine.

Il estime cependant que la hausse des taux directeurs en cours, stratégie amorcée par la Fed depuis mars (ses taux directeurs sont passés de 0 à 0,25% à 0,25 à 0,50%), associée à la réduction du bilan qui pourrait être annoncée lors de la prochaine réunion monétaire début mai et commencer en juin, doit permettre de remettre l'inflation sur les bons rails.

Lire aussi 4 mnLa Fed amorce la remontée des taux pour lutter contre l'inflation

« Je pense que la politique (monétaire) est bonne, pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande et nous permettre de faire ralentir l'inflation », a souligné John Williams.

L'inflation aux États-Unis est au plus haut depuis plus de 40 ans, à 8,5% sur un an selon l'indice CPI. La Fed privilégie cependant un autre indicateur, l'indice PCE, qui s'est élevé à 6,4% sur un an en février, selon les données les plus récentes disponibles.

Lire aussi 6 mnAux États-Unis, le prix de l'essence en mars (+18%) envoie l'inflation à +8,5%: du jamais-vu depuis 1981

Une nouvelle augmentation des taux en mai ?

Une interrogation demeure cependant : l'inflation a-t-elle atteint un pic pour refluer ensuite comme le prédisent certains économistes ? C'est ce que pense en tout cas Christopher Waller, un responsable de la banque centrale américaine qui mise sur le reflux. « Je pense que nous pourrions être au sommet » de l'inflation, a déclaré ce gouverneur de la Fed sur la chaîne CNBC jeudi 14 mars, anticipant « un ralentissement dans les prochains mois ».

Christopher Waller estime néanmoins que la Fed relèvera ses taux d'un demi-point de pourcentage lors de la prochaine réunion, les 3 et 4 mai. « Et peut-être encore en juin et en juillet », a-t-il ajouté. L'institution n'a pas eu recours à une telle hausse depuis 2000.

Le gouverneur juge d'ailleurs pertinent d'approcher « dès que possible » le niveau de taux considéré comme neutre, soit 2 ou 2,50%, et « le dépasser (...) sans doute d'ici la seconde moitié de cette année ».

Lire aussi 4 mnInflation : face à l'urgence, un responsable de la Fed juge nécessaire d'accélérer la levée des taux

Réduire l'inflation sans brider l'économie : « une fantaisie »

Tous les membres de la Fed ne partagent pas cet avis. Un autre membre votant du comité monétaire, James Bullard, président de la Fed de St Louis, a affirmé mercredi 13 mars dans un entretien au Financial Times, que c'était « une fantaisie » de penser que l'institution américaine pouvait réduire suffisamment l'inflation sans augmenter les taux à un niveau qui bride l'économie.

Ce "faucon" favorable à une politique peu accommodante - terme désignant les membres de la Fed qui privilégient la lutte contre l'inflation, en opposition aux "colombes" qui se focalisent sur la croissance et l'emploi - estime que la Fed devrait être plus agressive dans ses tours de vis, et qu'atteindre le taux dit neutre « ne suffira pas ».

« La neutralité n'exerce pas de pression à la baisse sur l'inflation. Elle cesse simplement d'exercer une pression à la hausse », a-t-il déclaré. Or, « nous devons exercer une pression à la baisse sur la composante de l'inflation que nous pensons être persistante », a-t-il ajouté.

James Bullard avait, lors de la réunion de mars, été le seul à voter contre une hausse d'un quart de point, estimant que relever les taux d'un demi-point directement aurait été plus approprié.

Lire aussi 6 mnMalgré l'embargo, les Etats-Unis continuent d'importer du pétrole russe!

Les taux restent inchangés en Europe

La politique américaine est en tout cas bien différente de celle choisie par la Banque centrale européenne (BCE). L'institution a confirmé jeudi 14 avril lors de la réunion de son conseil des gouverneurs sa volonté de resserrer sa politique monétaire, en cessant son programme de rachats d'actifs obligataires durant le troisième trimestre de cette année. D'ici là, elle réduira régulièrement ses achats nets d'obligations mensuels, de 40 milliards d'euros en avril, de 30 milliards d'euros en mai et de 20 milliards d'euros en juin, confirmant les plans antérieurs, indique le communiqué.

La BCE laisse donc pour le moment ses taux directeurs (0,5 %, 0% et -0,5%), inchangés depuis près de huit ans, alors que le taux d'inflation a atteint 7,5% en mars sur un an dans la zone euro, largement au-dessus de la cible des 2% que doit viser la BCE.

Lire aussi 4 mnInflation : la BCE prend le contre-pied des autres banques centrales

(Avec AFP)

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.