Le changement de nom du franc CFA va-t-il mettre fin à la "dépendance" monétaire ?

L'Union économique ouest-africaine (Uemoa) et la France ont signé samedi un accord "historique" pour une réforme en profondeur du franc CFA, considéré comme l'une des dernières survivances de la "Françafrique", qui deviendra "l'Eco" en 2020. Mais en restant "arrimé" à l'euro, cela va-t-il vraiment changer quelque chose ?
Emmanuel Macron, en compagnie d'Alassane Ouattara, son homologue de la Côte d'Ivoire.
Emmanuel Macron, en compagnie d'Alassane Ouattara, son homologue de la Côte d'Ivoire. (Crédits : LUC GNAGO)

Le Franc CFA -acronyme alors pour "Colonies françaises d'Afrique"- créé après la Deuxième Guerre mondiale est encore actuellement commun à 14 pays africains, soit quelque 150 millions d'habitants pour un produit intérieur brut (PIB) d'environ 235 milliards de dollars.

Aux termes de l'accord annoncé par le président ivoirien Alassane Ouattara et Emmanuel Macron, au deuxième jour de la visite du président français en Côte d'Ivoire, il est mis fin à l'obligation pour la Banque centrale d'Afrique de l'Ouest de placer 50% de ses réserves de change sur le compte d'opérations géré par le Trésor français.

Ce compte, "un souci, un sujet de crispation", sera supprimé, a confirmé Emmanuel Macron.

La France, par ailleurs, ne siégera plus dans les organes de décision et de gestion de l'Uemoa, qui regroupe le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.

"La question du franc CFA cristallise de nombreux débats et de nombreuses critiques sur le rôle supposé de la France en Afrique. C'est la jeunesse africaine qui la pose", a relevé Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse au côté de son homologue ivoirien.

La directrice générale du Fonds monétaire international a salué dimanche la réforme d'envergure du franc CFA décidée par huit pays d'Afrique de l'Ouest et la France.

Pour Kristalina Georgieva, ces changements "constituent une étape essentielle dans la modernisation d'accords de longue date entre l'Union économique et monétaire ouest-africaine et la France".

"Le FMI se tient prêt à coopérer avec les autorités régionales en fonction des besoins ainsi qu'à appuyer la mise en oeuvre de cette importante initiative", a assuré la patronne de l'institution financière.

Les "oripeaux" du colonialisme

Le franc CFA est de plus en plus dénoncé par les opinions publiques africaines comme une monnaie "post-coloniale".

"Donc rompons les amarres, ayons le courage d'avancer, de regarder et de bâtir ensemble un partenariat décomplexé. La France n'a rien à cacher, n'a aucun privilège à avoir", a souligné le président français.

Alassane Ouattara, président en exercice de la conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'Uemoa, a justifié cet accord "historique" par la nécessité d'"entreprendre des réformes encore plus ambitieuses afin de consolider notre dynamique de croissance, préserver le pouvoir d'achat de nos populations."

Les huit pays de l'union monétaire ont toutefois souhaité maintenir la parité fixe de la monnaie avec l'euro et la garantie de convertibilité par la France "afin d'attirer les investissements privés, de créer des emplois et de poursuivre le développement de nos pays".

Emmanuel Macron a salué "une page nouvelle de notre histoire commune qui [met]fin aux oripeaux du passé, aux malentendus, parfois à des dispositifs qui n'avaient plus beaucoup de sens."

Le président français, qui avait qualifié la colonisation de "crime contre l'humanité" lors d'un déplacement de campagne en février 2017 à Alger, a regretté que la France soit encore lestée d'"un regard d'hégémonie et des oripeaux d'un colonialisme qui a été une erreur profonde, une faute de la République".

Le maintien de la parité pose problème

La réforme du FCFA est "une étape préalable" "dans la feuille de route du projet de monnaie unique de la CEDEAO", selon la présidence française. Quand sera vraiment lancée cette monnaie unique ? Pour l'instant, rien est fixé : les pays de la CEDEAO ont évoqué l'année 2020, mais sans fixer de calendrier précis.

La parité fixe avec l'euro du franc CFA restera maintenue (1 euro = 655,96 francs CFA). Il s'agit d'éviter les risques d'inflation (présente dans d'autres pays d'Afrique), a expliqué le président ivoirien Alassane Ouattara.

Cette parité fixe est pourtant l'une des caractéristiques du FCFA les plus critiquées par des économistes africains, selon lesquels l'arrimage à l'euro, monnaie forte, pose problème pour les économies de la région, beaucoup moins compétitives, qui ont besoin de donner la priorité à la croissance économique et à l'emploi plutôt que de lutter contre l'inflation.

Ces économistes plaident pour la fin de la parité fixe avec l'euro et l'indexation sur un panier des principales devises mondiales, le dollar, l'euro et le yuan chinois, correspondant aux principaux partenaires économiques de l'Afrique.

Commentaires 6
à écrit le 24/12/2019 à 16:23
Signaler
Que peut-on attendre en la matière d'un Présidnt Français qui déclare que le colonialisme est un crime contre l'humanité ?

à écrit le 24/12/2019 à 0:21
Signaler
En supprimant la garantie de convertibilité du CFA, cette monnaie ne vaudrait plus rien du jour au lendemain et l'Afrique de l'Ouest et Centrale sombrerait dans une crise sans précédent. Si la région accueille des investisseurs (européens, car les ch...

le 26/12/2019 à 0:09
Signaler
De quoi vous parler le fcfa n'a rien apporté comme développement, juste à favoriser la fuite des capitaux. Le fcfa est considéré comme un impôt coloniale en Afrique. Des pays comme le nigeria ,le ghana profite d'une monnaie flexible . Le fcfa est une...

à écrit le 23/12/2019 à 13:37
Signaler
La parité avec l'euro est invraisemblable. La France est la première à souffrir de cet euro trop fort, qui ne convient qu'à l'Allemagne et provoque la cases des économies des autres pays. Alors l'Afrique ! L'indexation sur un panier des principales d...

le 23/12/2019 à 15:20
Signaler
à 1,11$ pour un €, l'€ n'est pas particulièrement fort et n'handicape pas les exportations hors zone €. Et il n'y a pas que l'Allemagne qui s'en accommode très bien, les Pays Bas, l'Autriche, les pays de l'Est qui l'ont déjà adopté, et même l'Espagne...

le 23/12/2019 à 19:44
Signaler
Plus de 60% de nos échange se font dans la zone euros, donc le débat sur l'euro fort est largement artificiel, il est plutôt que notre pays à une structure économique basé sur le pouvoir d'achat et la demande intérieure qui fait augmenter les importa...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.