Franc CFA, ou l'impérialisme à la française

OPINION. Le CFA a présidé au pillage en règle de l'Afrique : de fait, sous une apparence légale, la France a freiné le développement de quasiment tout un continent - évidemment à son plus grand avantage. Par Michel Santi, économiste(*).
Michel Santi, économiste.
Michel Santi, économiste. (Crédits : DR)

Franc CFA: A eux seuls, ces mots symbolisent l'expérience macro économique le plus synonyme d'asservissement de toute l'Histoire de l'Humanité. Le CFA a en effet présidé au pillage en règle de l'Afrique : de fait, sous une apparence légale, la France a freiné le développement de quasiment tout un continent - évidemment à son plus grand avantage.

Instrument idéal de mise sous tutelle

Réunissant sous sa houlette le Cameroun, le Gabon, le Tchad, la Guinée Equatoriale, le Congo, le Centrafrique, le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Niger, le Togo, le Mali et le Sénégal regroupés en deux unions monétaires faisant respectivement usage de deux monnaies distinctes appelées « CFA » et reliées à l'euro selon une parité fixe, ce système est toujours sous l'emprise de la République Française qui poursuit - sous des formes plus insidieuses - la colonisation de près de 170 millions de citoyens africains.

Car le franc CFA reste l'instrument idéal pour maintenir sous tutelle ces nations par l'ancien colonisateur qui a, de manière historique et chronique, imposé à cette monnaie une valorisation artificiellement haute (vis-à-vis du Franc Français puis de l'Euro) dans le seul but de rendre plus attractives les exportations françaises en direction du réseau CFA, et afin que les exportations de ces pays africains vers le reste du monde soient plus chères, confortant ainsi leur entière dépendance à l'endroit de Paris.

Faire régner la peur, voire le chaos pour arriver à ses fins

Sous un vernis de paternalisme et d'octroi de protection assurés à des nations réputées incapables de se gérer elles-mêmes, le CFA a, en réalité, donné un blanc-seing à la France qui a pu à loisir se procurer toutes sortes de marchandises africaines quasi gratuitement... puisque c'est elle qui contrôle la monnaie de ces pays produisant ces biens et ces produits.

Pour défendre ses intérêts vitaux et pécuniaires intimement liés au CFA, la France n'a jamais lésiné sur les moyens ni reculé à faire régner la peur, voire le chaos. La fameuse et tristement célèbre « coopération » masque désormais difficilement la déstabilisation politique et économique, quand ce ne fut pas littéralement la violence, orchestrées par la France afin de maintenir le CFA, et dissuader toute velléité de s'en défaire.

Les entreprises nationales hexagonales purent ainsi rapatrier tous leurs profits générés dans ces nations africaines en lieu et place d'y réinvestir, ce qui a donné lieu à une privatisation en bonne et due forme des ressources de ces pays par la courroie de transmission de l'obligation faite à leurs banques centrales de déposer en France une partie substantielle de leurs réserves monétaires.

La soumission à la politique de la BCE, une aberration

Ce privilège exorbitant conféré à la France a donc confisqué tout pouvoir de politique monétaire autonome aux nations membres du CFA qui n'ont en fait jamais - et pas même le jour de leur indépendance - recouvré leur souveraineté ! Il est en effet aberrant que ces pays - qui ont des cycles économiques absolument pas corrélés ni semblables à ceux de l'Union Européenne - soient soumis à la politique des taux d'intérêt de la Banque Centrale Européenne, quand leurs préoccupations et priorités ne sont strictement pas la discipline fiscale et budgétaire qu'ils doivent respecter du fait de l'indexation du CFA à l'euro, mais bien l'amélioration de leurs capacités de production, le développement de leurs infrastructures et la mise au travail de leurs jeunes. Combien de temps encore quatorze nations d'Afrique (en comptant les Comores affiliées au CFA) imploreront-elles la France, seule aux manettes de leur destinée économique et financière ?

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin

Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 14
à écrit le 25/12/2019 à 2:07
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L'analyse de Michel Santi sur le franc CFA est pointilleuse et rigoureuse. Il a fait le tour de la question en peu de mots... Après la presse allemande, les autorités italiennes, la sortie de Santi montre ouvertement que la France a toujours spolié l...

à écrit le 05/07/2019 à 19:34
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Parlons peu, parlons bien! Que vaut la france sans ses colonies Africaines? Les indépendances ont été et demeurent de vains mots puisqu'il y a encore la dépendances économiques et financières! Laissons le passé aux passés, mais les bonnes questions ...

le 09/07/2019 à 14:07
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Vous voudriez nous parler de l'expérience de Sekou Touré, qui a détaché la Guinée, pays le plus riche en ressources d'Afrique Occidentale, de la zone CFA dès 1959?

à écrit le 05/07/2019 à 19:33
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Parlons peu, parlons bien! Que vaut la france sans ses colonies Africaines? Les indépendances ont été et demeurent de vains mots puisqu'il y a encore la dépendances économiques et financières! Laissons le passé aux passés, mais les bonnes questions ...

le 09/07/2019 à 14:04
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"Il a fallu Tabo Mbéki pour justifier les médicaments génériques aux pays africains touché par la Pandémie du Sida",http://www.rfi.fr/afrique/20160307-afrique-sud-sida-thabo-mbeki-indignation Pour combattre le SIDA, il recommandait l'usage de l'ail,...

à écrit le 02/07/2019 à 22:36
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C'est la même méthode que l'on utilise pour la globalisation économique!

à écrit le 02/07/2019 à 18:51
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Problème de l'argumentation : les pays africains sont libres d'en sortir ou d'y entrer comme ils l'entendent. Et c'est ce qui s'est passé depuis la mise en place. On fait mieux comme impérialisme...

le 03/07/2019 à 11:44
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Ils sont "libres" ,demande au x dirigeants qui ont essayé d'en sortir

à écrit le 02/07/2019 à 17:15
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La comparaison avec les pays anglophones ou lusophones, ou la République du Congo, avec leurs monnaies locales ne donnent pas de résultats probants au niveau de la réussite économique et de leurs développements, ni au Maghreb d'ailleurs . Si on prend...

à écrit le 02/07/2019 à 15:44
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ça sent un peu le réchauffé, chaque article anti-franc CFA utilise les mêmes arguments, les mêmes tournures, etc... les africains ont-ils réellement envie de prendre leur destin en main? Pour l'instant ils sous-traitent leur éducation, leur sécurité...

à écrit le 02/07/2019 à 13:27
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La peste ou le choléra ; la stabilité monétaire ou la fragilité d'une politique monétaire libre mais isolée... Je pense que le business a choisi son camp tout comme le choix de l'euro. Vos remarques sont valables jusqu'au début des années 2000. ...

à écrit le 02/07/2019 à 12:10
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Franc : A lui seul, ce mot symbolise l'expérience macro économique le plus synonyme d'asservissement de toute l'Histoire de l'Humanité. Le Franc a en effet présidé au pillage en règle de la Province de fait, sous une apparence légale, Paris a freiné ...

à écrit le 02/07/2019 à 11:40
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Euro: A lui seul, ce mot symbolise l'expérience macro économique le plus synonyme d'asservissement de toute l'Histoire de l'Humanité. L’Euro a en effet présidé au pillage en règle de l’Europe du sud: de fait, sous une apparence légale, l’Allemagne a ...

le 02/07/2019 à 14:44
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OK c'est bien de faire le parallèle entre le franc cfa et l'Euro je ne suis pas opposé mais quand même, la relation esclavagiste entre la France et l'Afrique noire n'est pas la même chose que l'Europe qui à la base sont des partenaires qui se respect...

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