Le marché des semi-conducteurs symbolise toutes les difficultés persistantes qui pèsent sur les chaînes d'approvisionnement. Aux Etats-Unis, l'administration Biden veut prendre à bras le corps le problème car il y a urgence. Mardi, la secrétaire au Commerce, Gina Raimondo, a fait part dans un communiqué des résultats d'une enquête menée en novembre dernier auprès de 150 producteurs et consommateurs de ces puces, dont il ressort que le niveau moyen des stocks aux Etats-Unis ne représente plus que 5 jours de consommation contre 40 en 2019. Ce problème est redoublé par l'allongement des délais de livraison qui se situent aujourd'hui dans une fourchette de 103 à 365 jours contre 84 à 182 jours avant la pandémie.
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La demande pour les semi-conducteurs a augmenté de 17% en 2021 par rapport à 2019, selon les données du département du Commerce. La majorité des usines tournent à plus de 90% de leur capacité d'utilisation, limitant la capacité de fournir davantage de puces si besoin.
A la merci d'une catastrophe naturelle ou un instabilité politique
"Nous sommes loin d'être tirés d'affaires en ce qui concerne les problèmes d'approvisionnement en semi-conducteurs", a alerté la secrétaire au Commerce, qui évalue à 6 mois la période de tensions avant que les capacités de production augmentent.
La chaîne d'approvisionnement est si fragile aujourd'hui que "si une vague de Covid, une catastrophe naturelle ou une instabilité politique venait à perturber une usine étrangère de semi-conducteurs ne serait-ce que quelques semaines seulement, cela pourrait conduire à fermer une usine de fabrication aux États-Unis, mettant en danger les travailleurs américains et leurs familles", a averti le secrétariat au Commerce.
A brève échéance, une partie de la solution se trouve au Congrès. Comme l'a déjà fait le président Joe Biden, Gina Raimondo a exhorté les élus à approuver rapidement un ensemble de mesures pour le secteur. Car si le Sénat a voté en juin dernier une loi "U.S. Innovation and Competition Act", dotée de 250 milliards de dollars dont 52 milliards pour favoriser la production de semi-conducteurs, en revanche les élus de la Chambre bloquaient jusqu'à il y a quelques jours un projet similaire intitulé "America Competes Act".
Joe Biden a remis la pression sur les élus pour l'obtention rapide d'un accord bipartisan à la Chambre, afin de débloquer les montants prévus pour accélérer les projets du côté des producteurs. Intel a d'ores et déjà annoncé vouloir consacrer 20 milliards de dollars dans la construction de nouvelles capacités de production dans l'Ohio. La Maison Blanche évalue à quelque 80 milliards de dollars le montant qui sera investi d'ici 2025 pour augmenter la production de puces sur le sol américain.
Conséquences sur l'emploi et l'inflation
Car l'aggravation d'une pénurie accentuerait les conséquences sur l'emploi et l'inflation, tant la gamme de semi-conducteurs est présente dans la production. Ce composant est essentiel pour faire fonctionner des millions d'appareils électroniques - des PC, smartphones, voitures, aux serveurs de centres de données en passant par les consoles de jeux - dans les secteurs des transports, de l'énergie, de l'éducation, de la recherche, des communications, de la défense ou encore de la santé.
Les difficultés sont également accrues par les différents modèles et utilisations de ces puces qui fragmentent le marché. "Il faut des années d'expérience et de recherche dans ce secteur pour développer, concevoir, produire, commercialiser et assurer le service après-vente d'une seule gamme de semi-conducteurs", rappelle le fabricant américain AMD.
La tension mondiale sur l'approvisionnement des semi-conducteurs pousse le secteur à la consolidation. Le géant américain Nvidia lorgne par exemple le britannique ARM et est prêt à débourser 40 milliards de dollars pour son acquisition. Mais l'opération semble rencontrer des obstacles insurmontables. Le gouvernement britannique multiplie les enquêtes pour éviter que ce fournisseur - essentiel à l'industrie de la défense du Royaume - ne passe sous pavillon américain.