Semi-conducteurs : le rachat colossal d'Arm par Nvidia a du plomb dans l'aile

Prévu pour 2022, le rachat de l'architecte de puces Arm par le constructeur Nvidia pour 40 milliards de dollars rencontre une vive opposition. Alors que les régulateurs britanniques et européens ont déjà ouvert des procédures, leur homologue américain, la Federal Trade Comission, vient de faire de même. Pour garder l'espoir de maintenir l'opération, Nvidia devra prouver qu'il ne profitera pas de sa mainmise sur Arm pour profiter d'un avantage compétitif.
François Manens
(Crédits : Tyrone Siu)

La méga-acquisition d'Arm par Nvidia, prévue pour mars 2022, rencontre toujours plus de nouveaux obstacles. Dès son annonce en septembre 2020, l'opération de 40 milliards de dollars (35 milliards d'euros) avait provoqué une levée de boucliers des entreprises du secteur des semi-conducteurs.

Il faut dire que Arm, actuelle propriété de Softbank, se fait surnommer la "Suisse des semi-conducteurs". Pour cause : l'entreprise britannique vend des licences pour exploiter les architectures de puces qu'elle conçoit à presque tous les acteurs du marché. Ses concepts ont rapidement servi de base à la majorité des constructeurs de puces pour smartphones (au point que 90% des appareils sont équipés d'une puce à architecture Arm), et ils connaissent aujourd'hui un succès grandissant dans d'autres applications, notamment dans l'informatique embarquée et dans les centres de données. Nvidia, de son côté, est un des plus gros constructeurs de GPU, les puces responsables du rendu graphique des ordinateurs, qui excellent aussi dans la réalisation des calculs demandés par les algorithmes d'intelligence artificielle.

La peur que le constructeur américain s'approprie la propriété intellectuelle de l'architecte de puces britannique à son avantage anime donc tout un pan de l'industrie mais aussi des régulateurs, qui doivent statuer sur l'opération financière. Le gendarme britannique a fait part de ses inquiétudes dès cet été. Puis, en octobre, la Commission Européenne a ouvert une enquête approfondie, dont les conclusions seront apportées d'ici mars 2022. Et pour finir, le jeudi 2 décembre, la Federal Trade Commision a également ouvert une procédure qui pourrait mener au blocage de la transaction.

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Offrir des garanties, la défense à trouver de Nvidia

Les régulateurs craignent que l'acquisition cause des effets négatifs sur le prix des semi-conducteurs et sur la concurrence, qui plus est dans un secteur qui traverse une longue pénurie. Les concurrents plus ou moins directs de Nvidia s'appuient sur les architectures Arm et ce dernier pourrait, en théorie, les en priver en cas d'acquisition. Ou, du moins, se les procurer en avance.

Depuis le début, le constructeur américain défend qu'il laisserait Arm conserver sa politique de neutralité et son modèle d'affaire historique. Nvidia cherche désormais des méthodes pour prouver concrètement sa bonne foi aux régulateurs et empêcher les procédures de blocage de l'acquisition.

Sauf qu'en plus de la variable concurrentielle, un autre sujet pèse sur l'opération : la souveraineté technologique. Aujourd'hui sous giron japonais, le britannique Arm passerait sous contrôle américain. Or, avec des mesures comme le Cloud Act, Washington a montré qu'il n'hésitait pas mettre en place des lois invasives, qui profitent de la prédominance de ses entreprises nationales.

Une potentielle crise diplomatique se profile dès lors : parmi les utilisateurs des licences Arm se trouvent plusieurs entreprises chinoises, dont le géant Huawei. Justement, l'administration Trump n'avait pas réussi à couper les relations entre Arm et Huawei, essentielles pour ce dernier, en partie car Arm n'était pas sous giron américain...

François Manens

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