Société Générale, TotalEnergies, Renault : trois stratégies de sortie de Russie

Pour les entreprises françaises présentes sur le marché russe, plus rien n'est comme avant depuis le 24 février 2022. Focus sur trois poids lourds du capitalisme français qui font le même choix de sortir de Russie, mais avec des approches différentes.
(Crédits : MAXIM ZMEYEV)

27 grandes entreprises françaises continuent à faire leurs affaires en Russie comme avant. Mais 56 entreprises tricolores ont revu à la baisse leurs activités en Russie depuis l'invasion de l'Ukraine, faisant le choix du départ définitif, du départ sous conditions de retour ou d'un départ partiel et étalé dans le temps. Parmi elles, TotalEnergies, Renault et la Société Générale.

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TotalEnergies temporise en attendant de partir

Entre la major française et le premier producteur mondial de gaz (et le troisième de pétrole) au monde, les affaires ont longtemps étaient prospères. Ces liens étroits, presque personnels à l'image du brise-glace baptisé du nom de l'ancien PDG Christophe de Margerie qu'a inauguré Vladimir Poutine en 2017, sont distendus mais pas encore totalement rompus.

TotalEnergies a enclenché sa retraite de Russie dès le printemps 2022 à travers des cessions d'actifs sur place équivalentes à près de 14,8 milliards d'euros. Côté pétrole, le géant des hydrocarbures n'a pas renouvelé ses contrats en Russie qui sont arrivés à leur terme en décembre dernier.

Côté gaz, le sevrage est plus lent. TotalEnergies a vendu ses parts dans la société Terneftegaz, qui exploite un champ gazier à Termokarstovoye, et retiré ses administrateurs du gazier russe Novatek. Il en détient encore 19,4% dont il assure qu'il ne peut se défaire pour l'instant en raison des sanctions qui frappent le repreneur potentiel Gennady Timchenko. Le patron Patrick Pouyanné défend aussi le maintien de son groupe au capital du projet Yamal LNG, à hauteur de 20%, « pour assurer la sécurité d'approvisionnement de l'Europe » et « son bien-être ».

Dans les caisses de l'entreprise, la sortie de Russie est en fin de compte plus que compensée par l'explosion de son bénéfice liée à l'envolée des cours de l'énergie consécutive à la guerre en Ukraine. Son bénéfice opérationnel en 2022 a atteint le montant faramineux de 36 milliards d'euros.

Société Générale tire sa révérence

La banque française a peu de motifs de consolation quand elle fait le bilan de sa retraite de Russie. Entrée sur ce marché émergent en 2006 en montant progressivement au capital de Rosbank, la Société Générale était parvenue, de restructurations en digitalisation, à moderniser et rendre profitable sa filiale russe, jusqu'à en faire la première banque étrangère de Russie.

Si le choix de sortir de Russie s'est rapidement imposé, il a été officialisé le 11 avril, deux mois après l'entrée de l'armée russe en Ukraine. « Une décision difficile et douloureuse », a déploré Frédéric Oudéa. Le repreneur se nomme Vladimir Potanine, un des rares oligarques exemptés de sanctions, à travers Interros Capital. Son fonds a également pris des parts dans la banque en ligne Tinkoff, ancienne pépite de l'oligarque en fuite à l'étranger Oleg Tinkov, et a mis la main sur les services en Russie de l'américain Global Payments.

L'ardoise pour solder l'aventure russe s'élève à 3,2 milliards de dollars, qui ont pesé sur ses comptes et assombri une année 2022 solide par ailleurs avec un résultat net « sous-jacent » de 5,6 milliards d'euros.

Renault quitte la Russie mais entretient l'espoir d'un hypothétique retour

Déjà affaibli par plusieurs années chaotiques, Renault ne s'est pas séparé de gaité de cœur de sa florissante filiale russe Avtovaz. Le fabricant de la marque Lada a été bradé pour un rouble symbolique aux autorités russes... assorti de la possibilité de reprendre possession de son ex-filiale pour le même montant pendant six ans (plus les investissements qu'auraient éventuellement réalisé les actionnaires publics russes). Le site de Moscou, repris par la mairie de la ville, a déjà été reconditionné pour produire des SUV de conception chinoise siglés de la marque soviétique « Moskvitch ».

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Avant guerre, Avtovaz s'était imposé comme le premier constructeur étranger de Russie où Renault avait pris pied en 1998. En 2021, Avtovaz y a écoulé autant de véhicules que Renault sur le marché tricolore soit près de 500.000 véhicules. Sa cession a entraîné une perte de 2,3 milliards d'euros pour le constructeur, sans compter les milliards d'euros de manque à gagner.

Dans le sillage de Renault, son partenaire Nissan a aussi pris le parti de quitter la Russie, abandonnant aux autorités son usine de Saint-Pétersbourg pour une perte de 700 millions d'euros, dont 331 millions qu'a essuyé Renault comme actionnaire de Nissan. Mais, là aussi, avec une option de retour pendant six ans de la marque nippone.

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