Des milliards comme s'il en pleuvait. Selon le dernier moniteur des finances publiques dévoilé par le Fonds monétaire international ce jeudi 28 janvier, les Etats ont injecté environ 14.000 milliards de dollars en 2020 dans les économies pour affronter cette pandémie hors-norme. Sur ce total, 7.800 milliards de dollars correspondent à des dépenses supplémentaires ou des pertes de recettes et 6.000 milliards dollars font référence à des injections de capitaux, des prêts ou des garanties. Par rapport au dernier moniteur d'octobre, le surcroît est d'environ 2.200 milliards de dollars.
Ce soutien massif, inédit depuis la Seconde guerre mondiale, a permis selon les économistes de l'institution basée à Washington "de sauver des vies et ont atténué les effets de la pandémie sur la consommation et la production". A cela s'ajoutent, les décisions des banques centrales (BCE, FED) qui ont amplifié leur programme de rachats des dettes publiques depuis la propagation de cette maladie infectieuse sur toute la planète. A la fin de l'année, la dette publique mondiale était d'environ 98% rapportée au PIB contre 84% un an plus tôt.
Malgré l'ampleur des mesures d'urgence budgétaires et monétaires déployées, le PIB mondial a enregistré un plongeon de l'ordre de 4% l'année dernière. Face à cette terrible récession, les gouvernement vont devoir remettre la main à la poche à un moment où la multiplication des variants et le durcissement des mesures en Europe notamment précipitent de nouveau l'activité dans un cycle dangereux. Si la course au vaccin laisse entrevoir le bout du tunnel, les différents problèmes de logistique et les difficultés de l'industrie pharmaceutique pour répondre à la demande urgente des Etats repoussent sans cesse le début d'une reprise rapide et durable.
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Des écarts criants entre les économies avancées
Le tableau dressé par les économistes de l'organisation multilatérale montre des écarts saisissants dans les pays développés. Le creusement des déficits dans ces économies correspondent pour la plupart à une hausse spectaculaire des dépenses et à de moindres recettes. Le déficit dans ce groupe de pays est passé de -3,3% du PIB en 2019 à -13,3% en 2020, soit environ 10 points de PIB. Aux Etats-Unis, le déficit public a plongé de -6,4% en 2019 à -17,5% en 2020. L'administration Trump qui a injecté des milliards dans l'économie pour limiter la casse économique et sociale a relativement préservé le revenu des Américains par des aides fédérales importantes. En revanche, le nouveau président Biden hérite d'une situation sanitaire et humaine catastrophique avec plus de 400.000 morts et des contaminations au plus haut.
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En zone euro, le déficit public est passé de -0,6% du PIB en 2019 à -8,4% en 2020. Le FMI prévoit déjà un recul à -5,9% en 2021. L'Union monétaire a ainsi creusé son déficit d'environ 7,8 points l'année dernière pour faire face à la crise. Au sein de la zone euro, quelques différences entre les principales puissances apparaissent. La balance budgétaire de l'Allemagne est ainsi passée de 1,5% à -6,5%. Celle de la France a reculé de -3% à 10,6%. En Espagne et en Italie, les situations sont un peu plus critiques avec des déficits avoisinant les -12%.
Surtout, l'économie de la zone euro a été lourdement frappée en 2020 et la crise risque de laisser des traces durables sur le tissu productif et les salariés. Sans l'intervention des banques centrales, la situation pourrait être bien plus alarmante. En 2020, l'Eurosystème, c'est-à-dire la BCE et les banque centrales nationales, ont absorbé environ 58% de la dette publique, soit 800 milliards d'euros sur le marché secondaire sur les 1.380 milliards d'euros de dette publique supplémentaire selon de récents chiffres de l'OFCE. Certains économistes n'hésitent pas à parler de "monétisation de la dette".
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Contrairement aux autres puissances économiques planétaires, la Chine n'a pas prévu de réduction importante de son déficit en 2021. Les experts du fonds anticipent un recul du solde public de -0,8 point passant de -11,8% à 11% entre 2020 et 2021. "Parmi les pays émergents et à revenu intermédiaire, la Chine a opté pour des mesures de soutien à la demande plus vastes au fil du temps, car elle a endigué la pandémie à un stade précoce" notent les économistes. Pékin qui a tiré son épingle du jeu sur le plan économique en affichant un PIB positif l'année dernière fait l'objet de multiples interrogations sur le nombre de victimes et de contaminations.
La situation préoccupante des pays pauvres
Les marges de manoeuvre budgétaires et monétaires des pays pauvres de la planète sont bien plus limitées. Si la plupart de ces pays ont enregistré un recul de leur déficit moindre que dans les pays riches, ils vont devoir affronter les pertes abyssales de recettes fiscales liées à la récession. "La moins-value de recettes imputable à la baisse de la production et à une chute concomitante des cours des produits de base ainsi que la vulnérabilité liée à la dette ont contraint de nombreux pays en développement à faible revenu à limiter l'ampleur du soutien budgétaire" indiquent les auteurs du moniteur fiscal. L'institution redoute notamment une montée de la pauvreté et de la malnutrition dans les pays à bas revenu. Ces pays qui ne disposent pas d'espace budgétaire conséquent risquent de sombrer dans une dangereuse récession s'ils demeurent dans l'angle mort des campagnes vaccinales.