Tunisie : l'octroi du prêt du FMI plus que jamais dans l'impasse

Vitale pour le pays, une nouvelle tranche de 1,9 milliard de dollars du prêt du FMI est bloquée depuis la fin 2022. Kais Saied, le président tunisien, refuse les conditions mises par l'institution internationale dont la levée progressive des subventions étatiques aux produits de base, en particulier les carburants, et la restructuration d'une centaine d'entreprises publiques criblées de dettes. Sans accord, le pays pourrait être contraint de faire défaut sur sa dette en 2024.
Le président de la Tunisie, Kais Saied.
Le président de la Tunisie, Kais Saied. (Crédits : Reuters)

Le désaccord sur les modalités du prêt du Fonds monétaire international (FMI) et la Tunisie est total. La dernière fois qu'il a évoqué le FMI, Kais Saied, le président tunisien, a eu des mots cinglants. L'octroi par l'institution internationale d'un crédit crucial pour le pays, étranglé financièrement, paraît de plus en plus compromis, selon des économistes et des sources proches du dossier, cités par l'AFP.

Après avoir évoqué une « malédiction antique » pesant sur le FMI, Kais Saied a appelé dimanche dans un discours à Rome lors du sommet international sur les migrations, à « créer une nouvelle institution financière mondiale » pour « établir un nouvel ordre humain où l'espoir remplace le désespoir ».

Des difficultés croissantes qui inquiètent l'Europe et les Etats-Unis

Malgré un premier feu vert de Washington en octobre dernier, les négociations avec Tunis pour un nouveau crédit du FMI de 1,9 milliard de dollars piétinent depuis fin 2022. Un accord apporterait une bouffée d'oxygène à un pays dont les difficultés croissantes inquiètent Europe et Etats-Unis, et déclencherait d'autres financements étrangers.

Endettée à hauteur de 80% du PIB, la Tunisie a un besoin criant d'argent pour régler les salaires des fonctionnaires (680.000 dans l'administration centrale) et ses dépenses courantes. Mais Kais Saied s'oppose aux « diktats » du FMI que sont, à ses yeux, deux mesures prévues pour obtenir le crédit: une levée graduelle des subventions étatiques aux produits de base, surtout sur les carburants et la restructuration d'une centaine d'entreprises publiques criblées de dettes.

« L'accord est bloqué à cause de Kais Saied qui rejette des réformes proposées par son gouvernement (au FMI), en particulier pour les subventions », explique à l'AFP Aram Belhadj, enseignant-chercheur à l'Université de Carthage. Avec une économie marquée par de faibles salaires, le pays a instauré dans les années 1970 une « Caisse de compensation » à travers laquelle l'Etat achète des produits de première nécessité pour les réinjecter à bas prix sur le marché. Pour l'expert, « si d'ici fin août, il n'y a pas de clarification de la position de la Tunisie, l'accord FMI sera enterré une fois pour toute ».

« Les négociations sont complètement à l'arrêt, c'est Tunis qui bloque », confirme à l'AFP l'économiste Ezzedine Saidane, soulignant que le président tunisien « a vu dans ces réformes des choses qui le pénaliseraient politiquement ».

Plutôt des taxes qu'une réduction des subventions

Le directeur du département régional du FMI, Jihad Azour, a indiqué à la mi-avril n'avoir reçu « aucune demande de Tunis pour la révision de son programme ». « Depuis, il ne se passe plus rien », confie à l'AFP une source proche du dossier.

Début juin, Kais Saied avait de nouveau exclu de toucher aux subventions, annonçant à la place des taxes « pour prendre l'excédent d'argent aux riches et le donner aux pauvres ». Plus simple à dire qu'à réaliser: le déficit public (8% du PIB) provenait en totalité en 2022 des « compensations » étatiques, et aux deux tiers des subventions énergétiques après l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022 qui a fait flamber les cours du pétrole. « Il n'y a pas grand chose qui puisse remplacer le relèvement progressif des prix à la pompe prévu par le programme du FMI », estime la source informée. Pour sa part, Ezzedine Saidane déconseille une hausse des taxes alors que le pays, « avec la pression fiscale la plus élevée d'Afrique », est déjà « à la limite ».

Si la Tunisie décide de se passer du FMI, peut-elle tenir ou fera-t-elle défaut en cessant de rembourser ses dettes ? Pour 2023, le pays peut faire face à des échéances estimées à 21 milliards de dinars dont 12 milliards en devises (environ 4 milliards d'euros), grâce au tourisme, aux envois de la diaspora, aux exportations de phosphates et à la baisse du coût de l'énergie, selon les économistes. « Mais en l'absence d'accord, la situation va devenir de plus en plus difficile. Le risque de défaut sera très grand en 2024 et 2025 », juge Aram Belhadj. L'Etat tunisien « semble avoir fait le choix de privilégier le remboursement de sa dette. Mais aux dépens de l'approvisionnement en produits de base », souligne Ezzedine Saidane. Ces derniers mois ont déjà été marqués par des pénuries sporadiques de farine, de riz, de sucre ou d'essence, se traduisant par des rayons vides ou de longues queues devant certains magasins.

Aucun nouvel investissement

Cette crise financière a d'autres conséquences néfastes. L'Etat ne peut pratiquement financer aucun nouvel investissement, ce qui condamne la Tunisie à stagner, avec une croissance faible, d'environ 2%, et un chômage supérieur à 15%. Pour financer ses dépenses, il sollicite aussi de plus en plus les banques locales, minant leur réputation à l'international: quatre d'entre elles ont vu leur note dégradée en début d'année par l'agence Moody's.

Commentaires 6
à écrit le 26/07/2023 à 15:28
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Obtenir un financement du photovoltaïque et le distribuer ,automobile passer électrique ou tout au moins hybride interdire voiture import de voitures consommatrices d'essence tout cela pour enlever la compensation sur hydrocarbures

à écrit le 26/07/2023 à 15:24
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On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre . Il me semble que le président ne voit pas où ne veut pas voir un grand nombre de fonctionnaires payés à ne rien faire , le gouffre que représente tunis air en salariés inutiles, toutes les recett...

le 29/07/2023 à 14:52
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Ont n'en veut pas de vôtre FMI. Occupez vous de votre pays et cessez vôtre ingérence. L'économie tunisienne ne vous regarde pas !!!

le 31/07/2023 à 19:00
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@Wissem "Occupez vous de votre pays et cessez vôtre ingérence." Dixit un clandestin tunisien depuis son ghetto maghrébin dans l'hexagone.

à écrit le 26/07/2023 à 12:42
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Je ne serais pas surpris d'une proposition, voire d'une aide des Brics. Ce serait un joli pied de nez, un de plus a l'occident.

à écrit le 26/07/2023 à 8:55
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Le FMI est coutumière de l'asservissement. Certains ont si vite oublié le cas emblématique Argentin (prêts du FMI ; puis ensuite attaque spéculative massive des vulture funds américains sur la dette argentine, et jusque devant les tribunaux US pour r...

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