Tunisie  : la Banque mondiale suspend son partenariat après les commentaires haineux du président Saïed à l'égard des migrants africains

La Banque mondiale a décidé de suspendre « jusqu'à nouvel ordre » son partenariat avec la Tunisie, jugeant « complètement inacceptables » les propos de Kais Saïed. Le président tunisien a parlé fin février de « hordes de migrants clandestins » dont la venue procèderait dont la venue relevait d'une « entreprise criminelle ourdie à l'orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ».
Pour le chef d'état tunisien, la venue de « hordes de migrants clandestins » relève d'une « entreprise criminelle ourdie à l'orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ».
Pour le chef d'état tunisien, la venue de « hordes de migrants clandestins » relève d'une « entreprise criminelle ourdie à l'orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ». (Crédits : TUNISIAN PRESIDENCY)

« Hordes de migrants clandestins ». L'expression du président tunisien Kais Saïed n'est pas du goût de la Banque mondiale qui a suspendu « jusqu'à nouvel ordre » son cadre de partenariat avec la Tunisie. Le 21 février, le chef d'Etat avait estimé dans un discours que « des mesures urgentes » étaient nécessaires « contre l'immigration clandestine de ressortissants de l'Afrique subsaharienne », parlant notamment de « hordes de migrants clandestins » dont la venue relevait d'une « entreprise criminelle ourdie à l'orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ».

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Ces propos ont semé un vent de panique parmi les migrants subsahariens en Tunisie, qui font depuis état d'une recrudescence des agressions les visant et se sont précipités par dizaines vers leurs ambassades pour être rapatriés. Selon des chiffres officiels cités par l'ONG Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, la Tunisie, qui compte quelque 12 millions d'habitants, abrite plus de 21.000 ressortissants de pays d'Afrique subsaharienne, en majeure partie en situation irrégulière.

« Les commentaires publics qui attisent la discrimination, les agressions et les violences racistes sont complètement inacceptables », a jugé le président de la Banque centrale, David Malpass, dans un courrier adressé dimanche soir à ses équipes et que l'AFP a pu consulter lundi. Face à la dégradation et aux agressions rapportées, le responsable estime que la Banque mondiale n'est pas en mesure de poursuivre ses missions sur place, « la sécurité et l'inclusion des migrants et des minorités (faisant) partie des valeurs centrales d'inclusion, de respect et d'antiracisme » de la Banque.

« Compte tenu de la situation, la direction a pris la décision de mettre en pause » cet accord de partenariat « et de retirer du calendrier la revue du conseil d'administration » (CA) de la Banque mondiale, prévue initialement le 21 mars et « reportée jusqu'à nouvel ordre ».

Cette décision concerne le cadre de partenariat pays (CPF en anglais), qui sert de base de suivi par le conseil d'administration de la Banque mondiale afin d'évaluer et accompagner le pays dans ses programmes d'aide.

« Les projets financés restent financés et les projets en cours sont maintenus »

Concrètement, l'institution, qui ne peut pas lancer de nouveaux programmes de soutien avec le pays tant que le CA ne s'est pas réuni, a décidé de suspendre la tenue de cette réunion sur la Tunisie « jusqu'à nouvel ordre », selon le courrier. « Les projets financés restent financés et les projets en cours sont maintenus », précise cependant à l'AFP une source proche de la Banque mondiale.

L'institution prévient par ailleurs d'un possible ralentissement de ses actions sur place à cause de la mise en œuvre de mesures de sécurité, en particulier concernant ses employés originaires d'Afrique subsaharienne et leurs familles.

Des propos condamnés par Etats-Unis et les Nations unies

A l'occasion d'un point presse lundi, le porte-parole du département d'Etat américain, Ned Price, a fait part des « préoccupations profondes » des Etats-Unis « concernant les commentaires du président Saïed ». Il a appelé le gouvernement tunisien à « respecter ses obligations au regard du droit international en protégeant les droits de réfugiés, demandeurs d'asile et migrants ».

Le secrétariat général des Nations unies a de son côté condamné « sans réserve tout commentaire xénophobe et raciste ayant pour but de nourrir la haine raciale », a insisté, également lundi, son porte-parole Stéphane Dujarric. Ces propos ont été vivement critiqués par des ONG et des militants des droits humains.

Un Guinéen témoigne de son calvaire

« Un déferlement de haine qui n'a pas de raison », lâche Ibrahima Barry, un Guinéen, encore sonné, dans une voiture l'emmenant rejoindre son frère dans la banlieue de Conakry. Le jeune homme de 26 ans s'interrompt, puis reprend : « en Tunisie, si je vous dis qu'ils sont sauvages, le mot n'est pas de trop ».

Arrivé en Tunisie en 2019 pour aller à l'université grâce à une bourse de l'Etat guinéen, Ibrahima Barry vivait de petits métiers à Gabes, dans le sud-est du pays. « J'étais couché quand un ami m'a appelé pour me dire de ne pas sortir, qu'un nationalisme anti-noirs s'était déclenché partout dans le pays après un discours du chef de l'Etat », explique-t-il. « Dans mon quartier, les noirs étaient recherchés, pourchassés, violentés et leurs résidences pillées par des Tunisiens », assistés parfois par des agents de police. « Il leur suffisait de voir un noir, même assis devant sa porte ou en ville, pour qu'ils l'attaquent à coups de pierres ou de bâtons (...) C'est un cauchemar que nous avons vécu en Tunisie », dit-il. « Un Africain qui traite comme ça un autre Africain est tout simplement inhumain, sauvage ».

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 08/03/2023 à 17:56
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logique ils sont en situation irreguliere!avant l on ne rentrait dans aucun pays du monde sans passeport! les lois ont elles changées ?

à écrit le 07/03/2023 à 15:37
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Félicitations au gouvernement tunisien et la Tunisie, ils ont bien raison

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