Les leçons de deux années de gestion chaotique de la crise sanitaire bousculées par Omicron

LA DÉCENNIE COVID ? 3/5 - Vaccination, tests, gestes barrière, gouvernance sanitaire : après des débuts chaotiques, la France comme toute la planète a dû apprendre à gérer la pandémie. Alors que le pass vaccinal devrait entrer en vigueur dans les prochains jours (sous réserve de validation par le Conseil constitutionnel), les enseignements des deux dernières années vont-ils permettre de faire face au variant Omicron et à la flambée des chaînes de contamination ? Analyse.
(Crédits : BENOIT TESSIER)

Avec le variant Omicron, les chiffres de la pandémie se sont emballés et donnent le vertige. La deuxième semaine de janvier, près de 295.000 nouveaux cas par jour ont
été recensés dans l'Hexagone. Quasiment 3 % de la population a été infectée
pendant cette période. Manifestement, l'arsenal de mesures imaginées depuis deux ans pour lutter contre le Covid-19 n'a pas suffi à contenir la vague provoquée par ce variant ultra contagieux. Il aurait peut-être aussi fallu réagir plus tôt, quitte à gâcher une partie des fêtes des Français. Il est vrai que la mise en œuvre de certaines mesures demande du temps, parfois plus que prévu.

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C'est le cas du pass vaccinal qui va rejoindre l'arsenal anti SARS-COV-2 dès la
fin de semaine. Cette entrée en application, retardée après des débats houleux au
Parlement, pourrait coïncider avec le pic de contamination. Cette « forme déguisée d'obligation vaccinale » (comme l'a reconnu le ministre de la Santé, Olivier Véran, auprès du média en ligne Brut), vise à rallier les hésitants et les indécis. Restera le noyau dur d'antivax, une part infime de la population estimée à environ 2 %, mais jusqu'ici irréductible.

La vaccination solution miracle ?

« Se fonder uniquement sur une mesure biomédicale, même si elle est très efficace comme la vaccination, ne suffit pas pour espérer contrôler la situation, avec le virus et les variants qui circulent à l'heure actuelle », avait averti l'épidémiologiste Dominique Costagliola, directrice de recherches émérite à l'Inserm, lors d'une table-ronde au Sénat, fin novembre. Car les vaccins, « très efficaces » contre les formes graves, ne permettraient de réduire la transmission que de 50 %, au mieux.

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[Le gouvernement mise énormément sur la vaccination, mais n'ose pas franchir le pas d'une vaccination obligatoire, contrairement à certains pays européens.]

Face à Omicron, le télétravail est revenu dans les entreprises avec un minimum de trois jours par semaine et le port du masque obligatoire dans les lieux collectifs. En revanche, le gouvernement a fait marche arrière sur le pass vaccinal en milieu professionnel devant l'opposition des partenaires sociaux. « Priver les gens de travail parce qu'ils ne sont pas vaccinés ne me paraît pas la bonne solution », a claironné le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux sur France Inter.

Dans les écoles, après un allégement des mesures en novembre dernier, le
protocole a été renforcé début janvier... puis de nouveau assoupli à deux reprises car inapplicable. Or, le virus circule beaucoup chez les élèves du primaire, qui sont encore très peu vaccinés. Là, il semble clair que le gouvernement tâtonne, alors que dans les écoles la situation est devenue chaotique, épuisant un peu plus des enseignants excédés et des parents déboussolés. Deux journées de grève du personnel enseignant ont été décidées et le ministre de l'Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, est fragilisé à trois mois du premier tour de la présidentielle.

Manque d'anticipation

Bernard Jomier, sénateur de Paris apparenté socialiste et président de la mission
d'information Covid, fustige une action gouvernementale par à-coups et un manque
criant d'anticipation. « Avec la mission Covid du Sénat nous avons appelé à une
stratégie de circulation minimale du virus, affirme cet élu également médecin
généraliste. Le gouvernement ne l'a pas fait par défaut d'analyse de santé publique,
et parce qu'il est parti du principe que les mesures de contrôle de l'épidémie sont
mauvaises pour l'économie, ce qui est une erreur ».

D'après une étude publiée par The Lancet, la reprise économique a été plus rapide dans les cinq pays ayant pris les mesures les plus drastiques contre le SARS-COV-2 (Australie, Islande, Nouvelle-Zélande, Japon, Corée du Sud). En juillet dernier, les sénateurs de la mission recommandaient notamment de mettre en place des dépistages itératifs dans les écoles (également préconisés par le Conseil scientifique) et d'imposer la vaccination aux 24-59 ans. Un pas récemment franchi chez nos voisins italiens pour les plus de 50 ans, et grecs pour les plus de 60 ans.

Dans ces deux pays, les réfractaires risquent une amende de 100 euros, et pour les salariés transalpins l'ardoise peut grimper jusqu'à 1.500 euros. L'Autriche va plus loin : la vaccination deviendra obligatoire pour tous les adultes à partir du mois prochain (des sanctions financières de 600 euros à 3 600 euros, en cas de récidive, sont prévues).

'Vivre avec'" ou "Zéro covid", erreur ou illusion ?

« Je fais le lien, explique Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie-mycologie à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, entre la situation que nous vivons aujourd'hui et la doctrine du vivre avec le virus, exprimée dès la sortie de la première vague, au printemps 2020. On ne vit pas avec un virus, on le subit. Ne pas l'attaquer fortement, comme l'ont fait un certain nombre de pays d'Asie ou d'Océanie en appliquant une stratégie Zéro covid, lui a laissé la possibilité de se propager et de se diversifier. Il aurait mieux valu le maintenir au niveau le plus bas possible. Plus un virus circule, plus il aura l'occasion de muter et de s'adapter ».

Si elle est un objectif louable, la ligne du Zéro Covid s'avère très difficile à maintenir
faute d'application mondiale. Qui plus est avec un variant ultra-contagieux. Jusqu'ici
très préservée, l'Australie dépasse désormais les 100.000 contaminations quotidiennes début janvier...

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[L'Australie a été l'un des pays les plus stricts du monde, multipliant les confinements et misant sur la stratégie Zéro Covid.] 

Alors aurait-il fallu serrer la vis avant les fêtes pour contenir un Omicron se répandant
comme une traînée de poudre ? Rodolphe Thiébaut est professeur de santé publique
à l'Université de Bordeaux et chef de service d'information médicale au CHU de
Bordeaux :

« Une intervention plus précoce empêche une vague épidémique de
prendre de l'ampleur, mais le timing reste difficile à trouver. Le début de la pandémie a provoqué la prise de décisions inédites de confinement, tout en ignorant les conséquences sur la santé (santé mentale et retard de diagnostic) ou l'économie. D'autres mesures, moins violentes, ont ensuite été mises en place, nous sommes en train d'évaluer leurs impacts ».

Sur cette évaluation, un couvre-feu aurait un effet « non négligeable » avec une réduction estimée à 30% des transmissions. Mesurer les gestes barrière s'avère plus difficile mais la mise en place de nouvelles restrictions s'accompagne souvent d'une reprise en main. « Avant l'arrivée du Covid-19, la France était parmi les pays les plus concernés par l'hésitation vaccinale. Aujourd'hui, notre taux de couverture vaccinale est parmi les meilleurs. Une fois informés, les Français sont devenus raisonnables », observe Rodolphe Thiébaut. A ce jour, 90 % des plus de 12 ans sont vaccinés (78% de l'ensemble de la population).

La flambée submerge le suivi des contaminations

Avant Omicron, les experts se félicitaient de l'éveil de la population aux questions de
santé publique. De même, la mission sur la gestion de la crise conduite par
l'infectiologue suisse Didier Pittet a notamment salué « l'amélioration progressive du
pilotage par les autorités ».

Après de gros couacs au printemps 2020, la France a mis en place une solide stratégie de dépistage appuyée sur les laboratoires et les pharmaciens.

« La prise de conscience générale, estime François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes, a permis de confier les rênes à un pilote, Santé publique France, qui a décidé de mettre tous les moyens sur la table pour permettre la création d'un système numérique unique au monde capable de récupérer en temps réel des données sur le nombre de tests et les résultats (la plateforme SI-DEP ndlr), ce qui permet d'avoir une photographie de la France tous les jours ».

Covid école

[La stratégie de tester massivement la population française s'est élargie aux écoliers, avec un protocole sanitaire complexe qui sera amendé quelques jours après sa mise en application.]

Mais Omicron a sérieusement remis en question ces acquis. Entre le 31 décembre et
le 6 janvier dernier, près de 9,5 millions de tests ont été réalisés, un bond de 25%
par rapport à la semaine précédente. Puis les files d'attente se sont encore allongées
devant les labos d'analyses et les pharmacies. Lors des pics antérieurs, le nombre
de tests hebdomadaires était bien moins important : 3 millions en décembre 2020 et
6 millions en août dernier. Résultat, l'explosion 2022 a entraîné des bugs sur la plateforme SI-DEP.

Le traçage du variant abandonné

Pour réduire la pression sur les biologistes, le criblage systématique permettant de
repérer le variant à l'origine de la contamination a été abandonné. De toutes façons,
Omicron est largement majoritaire. Le gouvernement a également annoncé l'ouverture de plusieurs centaines de centres de dépistage à proximité des centres de vaccination.

Dans un tel climat, briser les chaînes de contamination paraît bien illusoire. « Tester,
tracer, isoler n'a plus la moindre efficacité aujourd'hui, observe Renaud Piarroux.
Cette stratégie est utilisée quand il y a peu de cas et reste efficace lorsque le virus
n'est pas trop contagieux. Elle pouvait encore s'appliquer sur le variant anglais, mais
elle était moins adaptée pour le variant Delta et ne l'est plus du tout pour Omicron ».

Et alors que de nombreuses voix réclament la fin des dépistages massifs, les
velléités de contrôle de l'épidémie s'éloignent encore un peu plus. Faudra-t-il
attendre que la vague de contaminations redescende d'elle-même comme en Afrique
du Sud ou bien miser sur l'amélioration de l'immunité collective en attendant le
prochain variant ?

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ÉPISODE 1 : Coronavirus : quel sera le nouveau variant de la Covid-22 ?

ÉPISODE 2 : Coronavirus : comment le jackpot du vaccin redistribue les cartes des Big Pharma

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ÉPISODE 5 : Covid-19 : la prévention coûterait 100 fois moins qu'une nouvelle pandémie

Commentaires 11
à écrit le 20/01/2022 à 10:27
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Disons que quand on voit le bilan catastrophique de l'industrie pharmaceutique ces 20 dernières années, je parle d'un point de vue médical bien sûr sinon financièrement ils sont au top, tout miser sur ces gens qui se sont totalement endormis sur leur...

à écrit le 19/01/2022 à 16:52
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En parlant de gestion de crise. Dans le cadre de son émission quotidienne sur la chaîne i24News, la journaliste a consacré un débat, mardi soir, sur les vacances de Jean-Michel Blanquer à Ibiza. Une séquence qui fait polémique, car Anna Cabana par...

à écrit le 19/01/2022 à 14:35
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Depuis le début, il y a bien eu trop de coïncidences négatives permettant a cet épidémie de s'étendre et une prise en main centralisé, pour poser question!

à écrit le 19/01/2022 à 14:00
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Un francais détruit chaque année bien plus qu'il ne crée de valeur avec son PIB/personne ! Par amenuisement définitif de ressources non renouvelables = impasse sanitaire (un homme sain dans un corps sain...) au niveau de la logique du "progrès"!

à écrit le 19/01/2022 à 10:14
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C'est fou tous ces " y'a qu'à, faut qu'on " qui auraient géré la crise de manière parfaite...

à écrit le 19/01/2022 à 9:54
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Ce sont les connaissances scientifiques chaotiques sur l'épidémie qui font une gestion chaotique de l'épidémie. On sait que l'on est en période électorale mais il faut arrêter de prendre les citoyens pour des nuls.

à écrit le 19/01/2022 à 9:21
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De quelles lecons parlons-nous ? Celles du mensonge erige en vertu cardinale, qui est signe de reconnaissance dans cette tribu d'incapables pour la plupart enarques et leurs sous fifres en mal de reconnaissance ? Le rem est un naufrage. Jamais la Fr...

le 19/01/2022 à 13:17
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Ce sont des Youngs Leaders, vous vous attendiez à quoi ? Ceux qui gèrent la crise covid de manière paroxystique, entendez conformément aux attentes de Schwab du forum de Davos pour faire durer et "reseter" l' économie, "dép...

à écrit le 19/01/2022 à 9:18
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Si l'on reprend l’interview d'Albert Bourla, le PDG de Pfizer ,il y a deux jours ,lui ne veut pas que cela s’arrête ,il estimé que le variant Omicron ne serait sans doute pas le dernier variant. Mais certainement "le dernier avec autant de restrictio...

le 22/01/2022 à 5:51
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Tout à fait exact et pertinent ! En fait, il faut comprendre que ce n'est pas parce qu'il y a des variants, le petit nouveau B2.. vient d'ailleurs d'arriver sur le marché, qu'il faut un passe vaccinal, mais que c'est parce qu'il y a un passe vaccina...

à écrit le 19/01/2022 à 7:22
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Les médias continuent à découvrir l'eau chaude avec ce virus. Du temps de la grippe, il y avait déjà des "flambées" de contaminations, simplement, personne ne s'en inquiétait. Là, maintenant, et surtout chez les jeunes, on a l'impression d'être dans ...

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