La dernière version du coronavirus Omicron est au centre des préoccupations en ce début d'année. Plus contagieux, il déjoue en partie l'immunité naturelle et celle des vaccins. Le dernier né des variants SARS CoV-2 fait flamber les taux de contamination et trembler les économies. Il provoque cependant des formes moins sévères et certains pensent qu'il pourrait même améliorer une forme d'immunité collective. Omicron est-il une bonne ou une mauvaise version du coronavirus ? Quelle évolution du virus annonce-t-il ? Nous permettra-t-il de sortir de la course aux variants en 2022 ? Ou faut-il craindre une prochaine version, Pi ou Rho ?
Plus contagieux et résistant
Alors qu'une nouvelle vague monte - la sixième ! - Israël commence à injecter une quatrième dose. En France le débat s'intensifie. Pfizer annonce travailler sur une nouvelle version de son vaccin spécial Omicron. Le CoV-2 paraît nous entraîner dans une course aux variants auxquels on devra s'adapter tous les six mois.
LA DÉCENNIE COVID. A lire l'épisode 2 : Pfizer, Moderna... : comment la machine à cash du Covid bouleverse la hiérarchie de l'industrie pharmaceutique
Après Delta, Omicron, alias le B.1.1.529, nous donne des sueurs froides. En fin d'année, il s'est d'abord révélé encore plus contagieux que son prédécesseur. En se répliquant davantage dans les cellules du patient, les virus deviennent suffisamment nombreux pour ressortir et contaminer d'autres personnes rapidement. Pire, Omicron affecte les patients pourtant vaccinés ou immunisés par une première infection.
Dans cette dernière version, le CoV-2 a donc trouvé la bonne formule pour savoir déjouer les anticorps. Ses mutations n'ont pas trop modifié sa protéine Spike pour rester capable d'infecter les cellules humaines, mais suffisamment pour que les anticorps Covid ne le reconnaissent plus. Il est ainsi devenu plus résistant à l'immunité neutralisante, celle qui se colle à la Spike pour l'empêcher d'entrer dans les cellules. C'est sans doute pour ça qu'il circule aussi vite, profitant de tous ceux qu'il croisait sans se soucier de leurs anticorps.
Mais peut-être un peu moins sévère
La troisième leçon d'Omicron est plus rassurante. Il déclenche des formes moins sévères de la maladie, sauf pour les plus fragiles et les non-vaccinés. Les études sont de plus en plus nombreuses sur le sujet, les patients infectés resteraient moins longtemps à l'hôpital et ont moins souvent besoin d'être intubés. Sur le sujet, certains épidémiologistes restent encore incertains. Les nombreuses contaminations identifiées concernent aujourd'hui des patients jeunes. Cela pourrait expliquer une partie de la baisse du ratio entre contaminations et formes graves.
[Le dernier né des variants SARS CoV-2 fait flamber les taux de contamination et trembler les économies.]
Mais Omicron apparait néanmoins moins violent que Delta à cause de certaines particularités. Avec sa nouvelle forme de protéine Spike, le virus semble plus apte à se répliquer dans les cellules de la gorge et des bronches que dans les alvéoles pulmonaires. S'il descend moins au fond des poumons, il provoque moins de formes graves. De plus, Omicron échappe aux anticorps neutralisants mais pas à une autre forme d'immunité dite cellulaire. Cette immunité est celle qui détruit les cellules infectées par le virus avec les globules blancs appelés lymphocytes, l'immunité qui semble justement empêcher les formes graves. Malgré ces découvertes, les hospitaliers évitent de surestimer la moindre dangerosité du virus et insistent encore et toujours sur l'importance de la vaccination.
Néanmoins, les optimistes vont plus loin. Comme Olivier Véran quand il évoque une possible immunité collective que nous conférerait ce variant, sans causer autant de dégâts que Delta. En ce début d'année, on comprend la volonté politique d'éviter de plomber le moral des Français. Pourtant, issue du variant Alpha, moins dangereux - et non de Delta - cette mutation Omicron induit des anticorps adaptés à une protéine Spike très spécifique qui déjoue nos défenses... De là à penser que l'immunité qu'il apporte nous protégera aussi des futurs variants Pi, Rho ou Sigma, il y a un grand pas à franchir dans l'utopie ou... la politique.
Comment évolue le virus ?
Si le pire n'est jamais certain, de nouvelles mutations du SARS-CoV-2 sont néanmoins inéluctables. Tant que la majorité des humains ne sera pas protégée par son système immunitaire ou par un vaccin, il continuera de s'ajuster aux victimes que nous sommes.
« Les variants que l'on connaît sont issus d'adaptations pour optimiser leurs capacités à infecter, à se répliquer et à résister à la réponse immunitaire, voire à infecter d'autres espèces animales comme les visons, les cerfs, les souris et les rats, rappelle Bruno Coutard, professeur de virologie à l'université Aix-Marseille. Les premiers variants n'étaient pas si bien adaptés puisqu'ils ont été supplantés par les suivants ».
Avec Omicron, le virus continue de surprendre les chercheurs. Il dispose d'un vaste réservoir pour trouver de nouvelles opportunités d'évoluer. Si 56,5 % de la population mondiale avait déjà reçu au moins une dose de vaccin Covid fin 2021 ce taux chute à 7,5 % dans les pays en voie de développement. L'an dernier, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Union européenne ont bien créé le système Covax pour fournir des vaccins aux pays du Sud. Mais en novembre, 144 pays n'avaient reçu que 10 % du volume visé avec 560 millions de doses. CoV-2 continue donc d'évoluer.
Dernier identifié en date, le variant B.1.640.2 a été repéré à Marseille avec 36 mutations (contre 50 pour Omicron) mais il circule un peu en France depuis quelques semaine sans paraître vraiment dangereux.
Le Covid peut-il devenir une maladie saisonnière ?
Depuis l'annonce d'une simple "grippette", début 2020, jusqu'au bilan de quelque 125.000 décès en France fin 2021, le Covid-19 est passé par différents stades. D'abord présenté comme une maladie redoutable qui mène droit en réanimation, il est ensuite devenu une pathologie respiratoire gênante. Difficile pourtant d'imaginer que l'on va apprendre à vivre avec.
« Pour l'instant, nous sommes encore dans la période émotionnelle, observe le Pr Jean Michel Pawlotsky, virologue au CHU Henri Mondor à Créteil. Mais cette maladie ne disparaîtra sans doute jamais. En maîtrisant de mieux en mieux sa prise en charge, on peut espérer faire baisser le nombre de complications. Elle pourra devenir endémique, c'est-à-dire une maladie habituelle face à laquelle on possède des vaccins et des médicaments. Comme la grippe qui tue en moyenne 10.000 patients par an, elle provoquera peut-être toujours des décès chez les sujets à risque. Et comme la bronchiolite, il y aura de temps en temps des poussées. »
[Le variant Omicron a entrainé le retour des tests massifs dans de nombreux pays, comme ici en Australie.]
Après la période de sidération hospitalière, les médecins ont appris à mieux gérer les complications. Et avec les nouveaux traitements, ils espèrent améliorer la protection des patients immunodéprimés ou non vaccinés, comme le souligne le Pr Jacques Izopet, chef du service virologie au CHU de Toulouse :
« Les anticorps neutralisants sont intéressants à un stade précoce pour réduire l'aggravation de la maladie chez des personnes à haut risque, mais aussi pour prévenir l'infection chez les immunodéprimés qui ne répondent pas à la vaccination. Il faudra cependant utiliser des molécules actives sur de nouveaux variants émergents. »
Alors que les places en réanimation sont comptées, les nouveaux traitements pourraient compléter la campagne vaccinale pour éviter de faire exploser l'hôpital. S'ils se montrent efficaces, les nouveaux traitements antiviraux - comme la pilule Paxlovid de Pfizer - et les rappels de vaccin nous permettront de finir par cohabiter avec Covid-19.
Mais à quel prix ? Avec des anticorps monoclonaux à plus de 1.200 € la dose et des millions de rappels de vaccin à effectuer, ces solutions pharmas risquent de bousculer les modèles économiques des systèmes de santé. Après une année de vaccination et quelques mois d'anticorps Covid, les assurances maladie, tant publiques que privées, commencent à craindre de finir elles-mêmes en réanimation.
---------------
LIRE ICI LES AUTRES ÉPISODES
ÉPISODE 2 : Coronavirus : comment le jackpot du vaccin redistribue les cartes des Big Pharma
ÉPISODE 3 : Les leçons de deux années de gestion chaotique de la crise sanitaire bousculées par Omicron
ÉPISODE 4 : Covid-19 : les zones d'ombre de l'enquête sur les vraies origines du coronavirus
ÉPISODE 5 : Covid-19 : la prévention coûterait 100 fois moins qu'une nouvelle pandémie