Dissolution : les principes de la cohabitation en 3 minutes chrono

La dissolution de l'Assemblée nationale, annoncée dimanche soir par Emmanuel Macron, impose de nouvelles élections législatives prévues le 30 juin et le 7 juillet. Un vrai coup de poker du président car si sa majorité ne gagne pas, il devra gouverner avec un Premier ministre d'un autre bord politique que le sien. C'est la cohabitation.
Après la victoire écrasante du Rassemblement National, avec plus de 31% des voix, Emmanuel Macron a convoqué des élections législatives le 30 juin et le 7 juillet.
Après la victoire écrasante du Rassemblement National, avec plus de 31% des voix, Emmanuel Macron a convoqué des élections législatives le 30 juin et le 7 juillet. (Crédits : Reuters)

La dissolution surprise de l'Assemblée nationale, annoncée par Emmanuel Macron suite au résultat des élections européennes dimanche, rebat les cartes politiques. Après la victoire écrasante du Rassemblement National, avec plus de 31% des voix, le président a donc convoqué des élections législatives le 30 juin et le 7 juillet.

Si son entourage se dit prêt à gagner, une victoire du RN à l'issue de ce prochain vote pourrait le contraindre à une cohabitation avec l'extrême droite. La Tribune fait le point sur cette particularité de la Ve République.

Qu'est-ce qu'une cohabitation ?

Une cohabitation est un cas de figure dans lequel le président de la République gouvernement au côté d'un Premier ministre d'un autre bord politique. Plus précisément, elle se définit comme « la conjoncture politique dans laquelle le Président de la République et la majorité des députés sont de tendances politiques opposées », note le Conseil constitutionnel. « Le Gouvernement étant responsable devant l'Assemblée nationale, le Président de la République a vocation à nommer à la tête de ce Gouvernement une personnalité qui puisse avoir l'appui de la majorité à l'Assemblée nationale. », précise-t-il

S'il n'obtient pas la majorité lors des élections législatives les 30 juin et 7 juillet, Emmanuel Macron devra donc choisir un Premier ministre issu de l'extrême droite si cette dernière arrive en tête. Jordan Bardella pourrait par exemple devenir Premier ministre, comme l'affirment plusieurs membres du RN. Néanmoins, une majorité absolue paraît difficile à atteindre pour ce parti compte tenu du mode de scrutin mais n'est pas à exclure, juge Vincent Martigny, politologue à l'université Nice Côte d'Azur et à l'Ecole polytechnique. Il devra pour cela gonfler son groupe actuel de 88 à 289 députés, soit 200 sièges, ou s'allier éventuellement avec la droite classique s'il ne décroche qu'une majorité relative.

Si le président du parti, Jordan Bardella, accède à Matignon avec une majorité relative, il se retrouvera en revanche vite confronté à une motion de censure, estime Vincent Martigny. L'Assemblée nationale pourrait aussi finir bloquée, avec une majorité introuvable entre trois blocs, l'extrême droite, la gauche et les macronistes.

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Quel est le rôle du président en cas de cohabitation ?

Lors d'une cohabitation, le rôle du président s'efface par rapport à celui du Premier ministre. Même s'il nomme le chef du Gouvernement (le Premier ministre, NDLR), il doit le choisir dans les rangs de la majorité, auquel cas il expose le gouvernement à une motion de censure, c'est-à-dire à sa démission.

Le président n'a, premièrement, plus la possibilité de choisir son gouvernement, à l'exception du ministre de la Défense et des Affaires étrangères. Par ailleurs, il ne peut plus demander la démission du Premier ministre.

Néanmoins, le président continue de garder un rôle et des pouvoirs stratégiques, d'après vie-publique.fr. Il préside le Conseil des ministres et peut donc donner son avis sur la politique gouvernementale. Il continue à signer les ordonnances et les décrets en Conseil des ministres et peut ainsi refuser d'en signer certains.

Il dispose, qui plus est, « d'un pouvoir propre incontournable en matière constitutionnelle » et peut ainsi convoquer le Congrès ou le corps électoral pour approuver les révisions par référendum. Enfin, il a toujours la possibilité de démissionner.

Quelles sont les limites ?

Au-delà du fait que le président se voit quelque peu affaibli dans l'exercice de ses fonctions, la cohabitation peut amoindrir la France à l'international en cas de discorde entre le chef de l'Etat et le Premier ministre, réduire l'efficacité du gouvernement ou encore empêcher la mise en place de réformes structurelles.

C'est d'ailleurs pour éviter ce scénario que la Constitution a été révisée en 2000 pour que la durée du mandat du président soit la même que celle des députés, c'est-à-dire cinq ans. Pour rappel, celle du président était avant de sept ans. Le décalage des élections législatives par rapport à la présidentielle augmentait ainsi le risque de cohabitation.

Néanmoins, la dissolution demandée par le Président et la tenue des élections législatives en juin vont bel et bien décaler le calendrier électoral. Les députés nouvellement élus vont exercer un mandat de cinq ans, reportant les prochaines élections législatives en 2029, soit deux ans après l'élection présidentielle de 2027. Le prochain président pourra donc dissoudre une nouvelle fois l'Assemblée nationale une fois élu, pour espérer remporter la majorité.

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Quels sont les précédents ?

Ce cas de figure n'est arrivé que trois fois pendant la Ve République. La première cohabitation s'est déroulée entre 1986 et 1988, lorsque la gauche a perdu aux élections législatives, forçant le président François Mitterrand à cohabiter pendant deux ans avec le gouvernement de Jacques Chirac.

Une cohabitation qui ne fut pas de tout repos. Matignon a rapidement mis en œuvre son programme, fait voter au pas de charge privatisations, réforme électorale, réforme de l'audiovisuel... Le 14 juillet 1986, c'est la première crise ouverte : Mitterrand annonce qu'il ne signera pas les ordonnances proposées par le gouvernement pour la privatisation d'entreprises publiques. Chirac menace de démissionner, puis cède. Les projets d'ordonnances se transformeront en projet de loi.

A l'approche du scrutin présidentiel, la cohabitation se tend encore. L'animosité accumulée par Mitterrand et Chirac explose sous les yeux des Français au cours de leur duel télévisé d'avant second tour. En mai 1988, Mitterrand n'a plus qu'à recueillir les fruits de sa stratégie, il est réélu haut la main.

Le scénario se répète au printemps 1993 avec Mitterrand et Balladur, de 1993 à 1995. Le Premier ministre RPR désigné par François Mitterrand, Edouard Balldur, est le théoricien de la cohabitation. Déjà ministre d'Etat en 1986-1988, le chef du gouvernement dispose cette fois d'une majorité parlementaire écrasante. La cohabitation n'en est pas moins « courtoise », selon lui. Certains parleront de « cohabitation de velours ». Ce meilleur climat est dû aussi au fait que les protagonistes ne s'affronteront pas dans une campagne présidentielle. Il y a quand même des moments de vifs désaccords : sur la suspension des essais nucléaires décidée par le président, la réforme de la loi Falloux sur l'enseignement privé et le droit d'asile.

La troisième cohabitation sera la plus longue. Début juin 1997, le président Chirac est depuis deux ans au pouvoir. Mais, six semaines après avoir décidé de dissoudre l'Assemblée nationale en pariant à tort sur une victoire de la droite, il se voit contraint de partager le pouvoir avec les socialistes. Lionel Jospin arrive à Matignon. Le président opte pour « une cohabitation constructive » et n'empêche pas le Premier ministre de gouverner. Quand, le 14 juillet 1997, Chirac revendique quand même le droit d'avoir le dernier mot, le Premier ministre le lui conteste aussitôt. Que ce soit sur les 35 heures, la Corse, l'inversion du calendrier électoral, la vache folle, la justice et les affaires, de nombreux incidents, plus ou moins importants, émailleront ces cinq années de partage du pouvoir.

(Avec AFP)

Commentaires 10
à écrit le 11/06/2024 à 8:27
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La cohabitation a tué Jospin alors qu'il avait profité d'une période de croissance économique mais il est vrai qu'il n'avait pas le soutien général des médias de masse comme Bardella ce qui peut changer la donne.

le 11/06/2024 à 9:36
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les 1er a avoir trahi les républicains certain tente de revenir au bercail comme m philippe il est aussi vrai qu 'apres la macronie il faut survivre alors quoi de mieux qu'une nouvelle trahison. que l'on voudrait passe inaperçu

le 11/06/2024 à 11:32
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Avec des médias à 50% pour le RN et 45% pour notre président cela laisse 5% aux autres, ça va être compliqué. "Pardonnez moi madame Aubry je dois vous interrompre madame Le Pen va parler" Un journaliste de France Info. :-)

à écrit le 10/06/2024 à 22:53
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Le pouvoir de dissolution ne devrait pas exister dans une démocratie; il sent bon la prééminence de l'Exécutif sur le "Législatif", et donc la nostalgie de l'Ancien Régime. La cohabitation devrait être la règle. Je ne comprends toujours pas pourquoi ...

le 11/06/2024 à 13:28
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la prochaine majorité doit refuser le pouvoir tant que m macron resteras president

le 11/06/2024 à 21:42
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@helios: Ah? Pourquoi?

à écrit le 10/06/2024 à 20:47
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Pour qu'il y ait cohabitation, il faut d'abord une majorité absolue. Et avec un mode de scrutin majoritaire, la performance de dimanche soir n'est en rien une garantie de l'emporter aux législatives. Les alliances sont fondamentales pour éviter la ...

le 11/06/2024 à 17:35
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eu peu de courage et dire non a la cohabitation ce que les francais desire c'est le depart du president qu'il de debrouille seul et les depute vote un refus a chaque decision il ne tiendra pas 6mois et en lui refusant toute sorti et moyen de tr...

à écrit le 10/06/2024 à 18:13
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Bonjour, jolie photos, l'hémicycle pratiquement vide... Mais ils sont ou la représentations du peuple.... A 6000 euros par mois , ils pourraient être la .... Pas a 50% du temps, mais a 95% du temps des séances... Bien sûr ils ne faut pas le dire......

le 10/06/2024 à 19:46
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On devrait surtout ne pas leur payer les jours où ils ne viennent pas comme tout les salariés...

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