ELLE N'EST PAS ENCORE évaluée dans les sondages, mais elle sera sur la ligne de départ. C'est, du moins, ce que promet Willy Schraen à tous les journalistes qu'il croise en ce moment. Cela fait des mois que le président de la Fédération nationale des chasseurs, épaulé par le lobbyiste Thierry Coste, fait courir le bruit de la présence d'une liste défendant la ruralité aux européennes. Aux dernières sénatoriales, l'homme aurait été démarché à la fois par la Macronie et par Les Républicains (LR), où il cultive d'importants réseaux. Il connaît bien les parlementaires proches de Xavier Bertrand, comme Jean-François Rapin, Julien Dive ou Pierre-Henri Dumont.
Fort potentiel électoral
Willy Schraen juge, à raison, que le scrutin proportionnel et médiatisé de juin 2024 est plus propice aux coups politiques. Inspiré par la récente percée du Mouvement agriculteur-citoyen aux Pays-Bas, le Nordiste se persuade qu'il y a, en France, un fort potentiel électoral derrière la défense du « mode de vie » dans les campagnes. Il dénonce les « technos de Bruxelles qui prennent des décisions pour tout le monde » et veut défendre une dizaine de mesures emblématiques, qu'il est censé dévoiler en même temps que le casting de sa liste le 6 décembre. La tête d'affiche ? Willy Schraen lui-même, possiblement, bien qu'il dise plutôt vouloir une femme, ne serait-ce que pour éviter d'être catalogué « chasse » et lesté des stéréotypes qui vont avec.
Ça, c'est côté face. Côté pile, il y a des rumeurs de téléguidage élyséen. Conseiller officieux d'Emmanuel Macron depuis son premier quinquennat, qui l'a vu contribuer à la démission de Nicolas Hulot, Thierry Coste aurait obtenu le feu vert du président pour ce remake de Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT). Jean Saint-Josse, plus célèbre incarnation de ce parti agrarien et eurosceptique, avait réussi l'exploit de tutoyer la barre des 7 % aux européennes de 1999. Son directeur de campagne s'appelait... Thierry Coste. D'ailleurs, hormis d'éventuels encartés du Mouvement de la ruralité (nouveau nom de CPNT), Willy Schraen dit ne vouloir d'aucun élu dans sa liste.
Grignoter des voix au Rassemblement national
L'objectif supposé de la manœuvre, niée par le principal intéressé ? Offrir une soupape à la liste de la majorité présidentielle en grignotant des voix au Rassemblement national. Ce dernier attire une part importante de l'électorat des chasseurs, vivier de plus de 1 million de voix. L'ancien député macroniste Jean-Baptiste Moreau, reconverti dans le conseil, a un temps lorgné l'opération avant de prendre ses distances. Willy Schraen, on peut le comprendre, dit vouloir obtenir quelques élus au Parlement européen, ce qui suppose un score supérieur à 5 %. Le seuil paraît difficilement atteignable. Cela n'empêche pas l'inquiétude de monter au sein de la droite. « Le plus embêtant pour nous, ce serait d'être pris en étau entre la liste des chasseurs et celle de Marion Maréchal, pressentait dès l'été un haut cadre LR. Reconquête va nous mettre mal à l'aise dans les villes, Willy Schraen dans les campagnes. » Crédité de 6 % des intentions de vote, le parti d'Éric Ciotti aura besoin du peu de socle qui lui reste pour survivre.