Allemagne : les trois défis de la campagne d'Angela Merkel

La chancelière cherche sa reconduction à la chancellerie après les élections de 2017. Elle devra faire face à trois obstacles majeurs.
La chancelière devra faire face à rois défis pour sa reconduction.

Dans sa quatrième déclaration de candidature, Angela Merkel n'a pas caché que cette nouvelle campagne sera délicate. « Ce scrutin sera le plus difficile depuis la réunification », a-t-elle prévenu. Il y a sans doute un peu de mise en scène dans cette proclamation qui, en creux, souligne le besoin de la droite allemande de se rassembler derrière sa cheffe de file. Car la chancelière a pourtant connu quelques élections ardues, à commencer par la première, en 2005, où son parti et la CSU avaient fait « match nul » contre la SPD de Gerhard Schröder et où elle avait dû batailler ferme pour s'imposer comme chancelière et pour construire sa première « grande coalition ».

La poussée d'AfD

Néanmoins, l'élection de 2017 sera bien particulière pour Angela Merkel. Pour la première fois depuis la fondation de la République fédérale, la CDU/CSU sera en effet confrontée à plusieurs défis d'importance. D'abord, une concurrence sérieuse sur sa droite avec l'émergence d'Alternative für Deustchland (AfD). Le parti xénophobe et eurosceptique va chercher à profiter du mécontentement né de l'accueil des réfugiés, mais aussi, plus largement, des déçus de la croissance allemande, confrontés à des emplois à temps partiels, souvent mal payés et peu valorisants. En ex-RDA, là où l'activité industrielle ne s'est jamais vraiment remise de la réunification, cette population constitue un vivier pour ce parti comme l'ont montré les dernières élections régionales à Berlin et en Mecklembourg. Mais AfD s'est aussi implanté à l'ouest, sur les terres conservatrices traditionnellement acquises à la CDU, comme en Bade Wurtemberg où elle a dépassé les 9 % au printemps.

AfD est actuellement donnée dans les sondages entre 10 % et 13 % des voix. Mais les enquêtes ont régulièrement sous-estimé ce parti. En tout cas, il semble, aujourd'hui, capable d'entrer au Bundestag. Il n'est pas passé sous les 5 % nécessaires depuis l'été 2015. De plus, il dispose d'un potentiel allant au moins jusqu'à 15 % des voix. Or, la principale leçon des dernières élections régionales est que l'AfD gagne certes sur l'électorat de gauche, mais aussi considérablement sur celle de la CDU. Ceci contraindra forcément Angela Merkel à « combattre » l'AfD et c'est le seul vrai message politique de son discours de candidature de dimanche, mais aussi d'empêcher la « fuite » des électeurs conservateurs vers ce parti. Ceci complique la tâche principale de la chancelière : tenir l'équilibre entre les trois grands électorats de la CDU/CSU : les Centristes, les Libéraux et les conservateurs. Trop insister sur la lutte contre AfD risque d'irriter les Conservateurs, trop donner de gages à ces derniers risque d'inquiéter les Centristes ou les Libéraux...

L'émergence d'une coalition alternative

Deuxième défi de la chancelière : l'existence d'une tendance en faveur d'une « alternative » qui l'exclurait du pouvoir. Certes, le chemin est encore long, mais pour la première fois outre-Rhin, l'idée d'une coalition regroupant l'ensemble de la gauche, Verts, SPD et Die Linke, est très sérieusement évoquée. Et mise en pratique concrètement dans deux Länder, la Thuringe et Berlin. Les Verts ont récemment adopté un programme très à gauche, incluant un impôt sur la fortune, qui, en théorie, permet une alliance « rouge-rouge-verte » plutôt qu'une alliance avec la CDU. Du reste, la SPD a engagé un certain mouvement vers la gauche tandis que Die Linke abandonnait absolument toute tendance eurosceptique et ceci qui rend les divergences programmatiques moins insurmontables. Sans compter que, parallèlement, SPD et Verts, s'ils adoptent une alliance avec la CDU devront aussi s'allier avec une CSU bavaroise ultra-conservatrice.

L'échec électoral pour la SPD des deux grandes coalitions avec Angela Merkel rend, enfin, l'option de la coalition de gauche plus attirante. C'est actuellement la seule façon d'exclure la chancelière du pouvoir et de voir un social-démocrate à la chancellerie, douze ans après Gerhard Schröder. Certes, cette coalition n'est pas acquise : elle a de nombreux adversaires au sein des trois partis et elle n'est pas certaine, loin de là, de disposer d'une majorité parlementaire au prochain Bundestag. Mais, si la SPD laisse cette option ouverte, pour la première fois depuis 2005, Angela Merkel ne sera pas entièrement maîtresse du jeu politique. Elle peut cependant en jouer en agitant le spectre d'une victoire de la gauche « communiste » et c'est un ressort que la CDU et la CSU utilisent déjà en diabolisant la perspective d'une entrée de l'ex-parti dominant de la RDA, dont Die Linke est héritière, dans le gouvernement fédéral...

Constituer une nouvelle majorité

Troisième défi : celui de la constitution d'une future majorité. Même en l'absence d'alternative « claire » à gauche, Angela Merkel risque d'avoir du mal à constituer une future majorité. L'Allemagne étant un régime parlementaire, doté d'un mode de scrutin assez proportionnel, la question n'est pas de savoir si la CDU/CSU va « gagner » les élections, mais avec qui elle pourra gouverner. Il ne fait, en réalité, aucun doute que l'union des deux partis conservateurs arrivera en tête, mais la question est de savoir avec quel score et avec qui une coalition sera possible.

De ce point de vue, l'arithmétique sera complexe. Pour la première fois depuis 1953, le Bundestag pourrait compter sept partis en différenciant CDU et CSU. Ceci induit une forte dispersion des sièges et une plus grande difficulté à construire une majorité. Certes, la poursuite de la « grande coalition » entre CDU/CSU et SPD sera la solution la plus évidente pour régler ce problème, mais elle n'est en réalité souhaitée par personne. A la SPD, on essaie de récréer une identité propre, indépendante de son statut d'allié d'Angela Merkel.

Les Sociaux-démocrates se rendent compte, du reste, qu'ils ont été piégés durant les deux précédentes « grandes coalitions » : Angela Merkel leur a accordé des concessions, notamment le salaire minimum fédéral et la retraite à 63 ans pour certains, en début de législature. Elle les a ainsi « neutralisés », les contraignant à accepter ses décisions par la suite et à apparaître comme de simples supplétifs. En 2005-2009, elle avait réussi à récupérer le fruit des « réformes », faisant porter électoralement leur coût sur la SPD. Du côté de la CDU, on craint une alliance avec une SPD plus à gauche et moins « malléable ».

Angela Merkel préférerait changer de coalition et n'hésite plus à évoquer une alliance avec les Verts. La direction de ce parti est aussi plutôt de cet avis. Mais cette alliance ne semble guère enthousiasmer la base des Écologistes, la présence de la CSU risque de poser un problème et il n'est pas sûr qu'elle soit suffisante pour former la majorité. Il faudrait alors élargir la majorité aux Libéraux, mais ces derniers veulent-ils se joindre aux Verts ? Veulent-ils encore gouverner avec une Angela Merkel alors qu'en 2013, cette alliance leur a coûté leur place au Bundestag ? Rien n'est moins sûr. Pour la première fois depuis 2005, Angela Merkel n'a pas de coalition « évidente », du moins pour l'instant, après l'élection. Et c'est peut-être aussi ce qui va rendre le combat électoral plus délicat. Cette situation contraindra Angela Merkel à mener une campagne prudente et à ne prendre aucun risque politique au niveau européen et national. Le tout pour laisser ouverte toutes les options.

Commentaires 3
à écrit le 21/11/2016 à 17:04
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Prolonger la dictature financière, contenter son égo et écraser ceux qui ne pensent pas comme elle, ha pardon sémantiquement ce dernier défi n'est pas possible... Écraser ceux qui pensent plutôt.

le 21/11/2016 à 20:12
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Si tous les politiciens pensait autant que Mme M. et avaient si peu d'ego qu'elle, le monde serait plus calme.

le 22/11/2016 à 11:58
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Calme comme en Grèce vous voulez dire ? Sympa comme programme dites moi...

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